Les partisans de Corbyn réécrivent l’histoire de leur refus de combattre la politique d’«immunité collective» des conservateurs britanniques

Le Groupe de campagne socialiste (GCS) des députés travaillistes britanniques a publié jeudi soir une déclaration où il affirme que «la mauvaise gestion et les décisions délibérées du gouvernement tout au long de la pandémie de Covid s’apparentent à un meurtre social».

Les signataires déclarent qu’ils «n’ont aucune confiance dans le fait que ce gouvernement rende justice ou tire les leçons de cette crise. Ceux qui ont supervisé cette crise devraient démissionner».

Il y a un énorme degré de cynisme dans ce qui est en fait une tentative de la «gauche» travailliste de couvrir son propre bilan pourri tout au long de la pandémie.

Boris Johnson, à droite, et Jeremy Corbyn traversent le hall des députés au Parlement, à Londres (14 octobre 2019) (Source: AP Photo/Kirsty Wigglesworth, pool).

Cette lettre a été publiée à la suite du témoignage au Parlement de l’ancien conseiller du premier ministre Boris Johnson, Dominic Cummings, mercredi. Celui-ci fournit des détails médico-légaux sur le refus du gouvernement pendant des mois de mettre en œuvre une quelconque mesure de lutte contre la pandémie et sa volonté de créer son ‘immunité collective’ sur une montagne de cadavres humains.

Plus de 150.000 personnes sont mortes et voilà quatre mois que le BMJ (anciennement British Medical Journal) a accusé le gouvernement Johnson de meurtre social. Ce n’est que maintenant, plus d’un an après le début de la pandémie, que le GCS reconnaît publiquement ce qui s’est passé et demande que des têtes tombent. Il n’est pas seulement trop tard, le GCS a sa propre part de responsabilité dans la mort de 150.000 personnes.

Plus tôt le même jour, le membre le plus en vue du GCS, l’ancien leader travailliste Jeremy Corbyn, faisait ses premiers commentaires sur les révélations de Cummings, lors d’une interview à l’émission Drivetime de RTÉ Radio One.

Son choix d’une plate-forme aussi obscure, suivie par un seul journal, l’Irish Independent, en dit long sur son désir de minimiser l’impact politique de la déclaration de Cummings que «des dizaines de milliers de personnes sont mortes qui n’auraient pas du mourir».

Pas un mot n’a été publié sur le compte Twitter de Corbyn, suivi par 2,4 millions de personnes – près de la moitié de la population totale de la République d’Irlande, même sans tenir compte des ‘re-posts’.

Corbyn s’est présenté comme s’il avait proposé une alternative à la gestion pandémique du gouvernement Johnson. Il «aimerait penser» que lui, aurait fait mieux, et il avait «immédiatement commencé à défier le gouvernement» au début de la crise, alors qu’il était encore chef du Parti travailliste, a-t-il déclaré.

En fait, comme le démontre le reste de son interview, Corbyn et ceux qui pensent comme lui au GCS furent complices des crimes perpétrés par Johnson et le Parti conservateur.

Corbyn a déclaré à RTÉ: «Nous avons eu des réunions avec le gouvernement: plusieurs avec le Bureau du cabinet et une avec Johnson plus tard et avec d’autres ministres. Ils ne voulaient tout simplement pas prendre cela au sérieux. Ils croyaient à cette absurdité de l’immunité collective».

C’est la deuxième fois que Corbyn admet, de manière désinvolte, qu’il a été informé de la stratégie meurtrière du gouvernement lorsqu’il était chef du Labour. En août de l’année dernière, il avait déclaré à un podcast du magazine Tribune: «Nous avons participé à des réunions avec le gouvernement tout au long du printemps de cette année et Jon Ashworth et moi nous souvenons distinctement d’avoir assisté à une réunion au Bureau du cabinet, où nous avons eu un exposé sur l’immunité collective.... Et donc, pendant que le gouvernement se lançait dans des formules eugéniques et discutait de toutes ces choses, il ne faisait pas de préparatifs suffisants».

L’interview de Tribune fut la première fois que la classe ouvrière en entendait parler de la part du leader de gauche putatif de l’un des plus grands partis politiques d’Europe. Il a gardé le silence sur cette question pendant des mois.

Aujourd’hui encore, Corbyn raconte ces réunions de manière si vague que la plus grande révélation sur le gouvernement Johnson à ce jour est venue de l’attaque partisane de droite de Dominic Cummings!

Alors qu’il était sermonné en privé sur l’immunité collective, Corbyn a profité de ses apparitions publiques pour commencer une coalition de fait avec Johnson, poursuivie à présent par son remplaçant à la tête du Labour, Sir Keir Starmer. Lors d’un débat parlementaire sur la pandémie en mars 2020, Corbyn a déclaré: «Notre tâche immédiate en tant qu’opposition est de… soutenir les efforts du gouvernement en matière de santé publique, tout en étant critique de manière constructive lorsque nous estimons qu’il est nécessaire d’améliorer la réponse officielle».

La «critique constructive» est depuis devenu pour Starmer le mot d’ordre justifiant la collusion avec tous les efforts fait par les Conservateurs pour abandonner les mesures de confinement et rouvrir complètement lieux de travail, écoles et universités.

Corbyn a profité de sa dernière intervention au Parlement comme leader travailliste pour prêcher une fois de plus l’unité nationale: «Le bien-être du PDG de la plus riche entreprise dépend du travailleur externalisé qui nettoie son bureau. Dans des moments comme celui-ci, nous devons reconnaître la valeur de chacun et la force d’une société prenant soin les uns des autres et de tous.» Johnson fut content de clamer son accord avec ces platitudes stupides genre «tous dans le même bateau».

Une fois avoir rendu le Parti travailliste pacifiquement à ses maîtres blairistes (partisans de Tony Blair) en avril, Corbyn et le GCS se sont voués à soutenir Starmer et les syndicats, en partenariat avec Johnson.

Tous les Corbynistes de premier plan étant retourné en toute sécurité sur les bancs arrières de la Chambre, le GCS a soudain découvert dans une déclaration, en mai dernier, que le gouvernement conservateur menait une «guerre de classe» en forçant les travailleurs à revenir au travail dans des conditions dangereuses. Le seul but de ce bref réveil politique était de diriger la colère de masse contre le gouvernement Johnson dans des allées sûres. La déclaration concluait: «Il n’y a jamais eu de moment plus important pour adhérer à un syndicat ou y devenir plus actif». À l’époque, les membres du GCS dirigeaient également la campagne «Ne partez pas, organisez», qui tentait d’endiguer le flot de membres travaillistes dégoûtés quittant le parti.

Pendant ce temps, les syndicats, dirigés par le Congrès des syndicats (TUC), supprimaient toute action indépendante des travailleurs pour assurer leur sécurité et fermer les installations dangereuses ou non essentielles ; et Starmer soutenait toutes les politiques gouvernementales en matière de pandémie et dirigeait les efforts pour faire rouvrir les écoles.

Ce n’est qu’en septembre, six mois après le début de la pandémie, que le GCS a été jusqu’à publier une déclaration appelant à la suppression adéquate du virus par le biais d’une stratégie «zéro Covid» ; une farce transparente étant donné qu’elle aurait exigé une guerre politique contre le Parti travailliste, qu’ils représentaient tous loyalement. Ce n’est que dans sa déclaration la plus récente que le GCS suggère poliment que «le rôle du Parti travailliste dans cette crise n’aurait jamais dû être avant tout de soutenir le gouvernement».

Les membres du GCS, y compris Corbyn, ont rompu les rangs avec Starmer seulement deux fois au cours de l’année dernière sur la pandémie: pour voter contre un couvre-feu à 22 heures dans les pubs en octobre et contre le retour en décembre à un système de régions à niveaux. Ils l’ont fait officiellement au motif que ces mesures étaient inadéquates et inefficaces, mais sans proposer aucun combat pour une politique d’alternative ils n’ont réussi qu’à aider la droite conservatrice anti-confinement.

Après avoir délibérément perdu le contrôle du parti, le GCS est une fois de plus réduit à un croupion au parlement, Corbyn n’étant même pas député. Il a été suspendu sur la base d’une chasse aux sorcières calomnieuse d’«antisémitisme de gauche», qu’il a également refusé de combattre. Maintenant encore, lui et ses partisans font tout ce qu’ils peuvent pour continuer à bloquer tout développement politique indépendant de la classe ouvrière en soutien à leurs supposés adversaires de droite.

Le Parti de l’égalité socialiste et le «World Socialist Web Site» ont insisté tout au long de la pandémie sur le fait que les gouvernements de Johnson et les autres gouvernements capitalistes du monde poursuivaient une campagne impitoyable de meurtre social et de guerre de classe au nom des grandes sociétés. Une riposte à cela impliquera une lutte non seulement contre le Parti conservateur, mais encore contre les syndicats, le Parti travailliste et leurs appendices de gauche au GCS. Cela signifie la création de comités indépendants de la base sur les lieux de travail et surtout une nouvelle direction véritablement socialiste. Informez-vous sur le Parti de l’égalité socialiste en Grande-Bretagne.

(Article paru d’abord en anglais le 29 mai 2021)

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