Un nouveau variant de la COVID-19 au Vietnam met en évidence le danger que confronte la population mondiale

Le gouvernement vietnamien a signalé samedi dernier qu'une nouvelle souche de la COVID-19 hautement infectieuse, hybride entre les variants indien et britannique, est responsable d'une propagation soudaine et rapide de la maladie dans de nombreuses régions du pays.

Jusqu'à récemment, le Vietnam était considéré comme ayant réussi à éviter la pandémie mondiale, à l'instar d'autres pays d'Asie du Sud-Est, dont la Malaisie et la Thaïlande, qui connaissent également de graves épidémies.

Vietnamiens inscrits au test rapide COVID-19 à Hanoi, 18 avril 2020 (Wikimedia Commons)

L'annonce du Vietnam met en lumière la réalité: aucun pays n'est «à l'abri» de la résurgence mondiale du virus. De nouvelles mutations plus transmissibles et plus mortelles, que les vaccins existants risquent de ne pas pouvoir endiguer efficacement, ont pu émerger parce que les gouvernements du monde entier n'ont cessé de privilégier le profit des sociétés au détriment de la santé publique et des vies humaines.

L'empressement à satisfaire les exigences des grandes entreprises, en levant prématurément les restrictions en matière de santé publique et en rouvrant complètement les lieux de travail, combiné à des programmes de vaccination et des installations de quarantaine inadéquats, a créé les conditions pour que des millions de personnes supplémentaires meurent ou souffrent de maladies graves dans les mois à venir.

Le ministre vietnamien de la Santé, Nguyen Thanh Long, a déclaré samedi lors d'une conférence de presse en ligne que la nouvelle souche hybride avait porté à huit le nombre de variants actifs au Vietnam. Les sept précédents étaient B.1.222, B.1.619, D614G, B.1.1.7 – le variant identifié pour la première fois au Royaume-Uni – B.1.351, A.23.1 et B.1.617.2, celui détecté en Inde.

Long a déclaré que les récentes épidémies avaient vu le virus se propager rapidement dans l'air, en particulier dans les espaces étroits et non ventilés. «Le nouveau variant est très dangereux», a-t-il déclaré. Les cultures en laboratoire du variant ont montré que le virus se répliquait très rapidement, ce qui pourrait expliquer pourquoi de nombreux nouveaux cas sont apparus en peu de temps dans 30 des 63 municipalités et provinces du pays.

Selon l'université Johns Hopkins, plus de la moitié des 6396 cas de COVID-19 signalés au Vietnam depuis le début de la pandémie ont été découverts au cours du mois dernier. Jusqu'à présent, 47 décès ont été enregistrés, dont 12 en mai.

Les travailleurs industriels sont les plus touchés. La plupart des nouvelles transmissions ont été découvertes à Bac Ninh et Bac Giang, deux provinces comptant de nombreuses zones industrielles, où des centaines de milliers de personnes travaillent pour de grandes entreprises, dont Samsung, Canon et Luxshare, un partenaire dans l'assemblage des produits Apple. Une entreprise de Bac Giang a découvert qu'un cinquième de ses 4800 travailleurs avait été déclaré positif au virus.

À Ho Chi Minh-Ville, la plus grande métropole du pays, qui compte 13 millions d'habitants, l'administration municipale prévoit désormais de tester tous les résidents, avec un objectif de 100.000 tests par jour, mais cela prendra des semaines.

Le gouvernement vietnamien a depuis ordonné l'interdiction de tout événement religieux dans tout le pays, tout en maintenant les usines ouvertes. Dans les grandes villes, les autorités ont interdit les grands rassemblements et fermé les parcs publics et les commerces non essentiels, notamment les restaurants, les bars, les clubs et les spas.

Comme de nombreux pays pauvres, le Vietnam a du mal à obtenir des vaccins auprès des géants pharmaceutiques internationaux. Jusqu'à présent, le gouvernement n'a vacciné qu'un million de ses 96 millions d'habitants avec des doses du vaccin AstraZeneca. La semaine dernière, il a signé un accord avec Pfizer pour 30 millions de doses, qui ne seront pas livrées avant les troisièmes et quatrièmes trimestres de cette année.

Le gouvernement est également en pourparlers avec Moderna, tout en cherchant à obtenir 10 millions de doses de vaccin dans le cadre du système de partage des coûts COVAX soutenu par l'Organisation mondiale de la santé. Il négocie également avec la Russie pour la production du vaccin Sputnik V et travaille sur un vaccin de fabrication locale.

Une catastrophe encore plus grave est déjà en cours en Malaisie. Elle a réussi à éviter le pire de la pandémie l'année dernière, mais a subi une deuxième vague en janvier-février, et a été frappée par des variants plus infectieux au cours du mois dernier. Pour le seul mois de mai, plus de 1200 décès ont été enregistrés, contre 471 pour l'ensemble de l'année 2020.

Ses autorités ont signalé 9020 nouveaux cas samedi, soit le cinquième jour consécutif de record d'infections, portant le total au-delà de 550.000. Le nombre de nouveaux cas confirmés quotidiens, par million d'habitants en Malaisie, a dépassé le chiffre équivalent en Inde il y a un mois.

Le nombre de décès quotidiens a également augmenté, avec un record de 98 le 29 mai, et le bilan approche les 2800 morts. Le nombre de patients en soins intensifs et sous respirateur a atteint des sommets.

Selon les médias, certains hôpitaux des zones les plus touchées de Malaisie n'ont plus de place dans les morgues. Au moins deux d'entre eux ont fait venir des conteneurs de marchandises réfrigérés pour conserver les corps de patients décédés de la COVID-19.

Après s'être longtemps opposé aux appels à un confinement national, affirmant que le pays ne pouvait pas se le permettre, le premier ministre Muhyiddin Yassin a opéré un revirement partiel vendredi dernier, en ordonnant la fermeture des entreprises «non essentielles» pendant au moins deux semaines, à compter du 1er juin. Dans une démonstration de force militaire, le gouvernement va déployer 70.000 soldats pour faire respecter cette fermeture.

Muhyiddin a placé la Malaisie en état d'urgence depuis janvier, soi-disant pour freiner la propagation du virus, en suspendant le parlement et en mettant essentiellement fin aux activités politiques. Cependant, le déploiement de la vaccination a été lent. Jeudi dernier, environ 1,7 million des 32 millions d'habitants du pays avaient reçu au moins une dose de vaccin.

Pendant le confinement, des millions de travailleurs seront maintenus au travail dans le secteur manufacturier malaisien, dont la capacité de production est de 60 %, malgré le danger croissant.

Une liste de «services essentiels» couvre les usines produisant des biens électriques et électroniques, du pétrole, du gaz et des produits pétrochimiques, des produits chimiques et des équipements de protection individuelle, notamment des gants en caoutchouc. Figurent également sur la liste les secteurs de l'alimentation et des boissons, de l'aérospatiale, de l'emballage et de l'impression, de la santé et des soins médicaux, des soins personnels et des produits de nettoyage, ainsi que les banques, les plantations d'huile de palme et de caoutchouc, l'agriculture, la pêche et l'élevage.

La population de la Thaïlande voisine subit une troisième vague mortelle, les concentrations les plus importantes se situant dans les usines, les camps de construction abritant des travailleurs migrants, les bidonvilles densément peuplés et les prisons. Plus de 2000 cas ont été détectés dans une seule usine de Phetchaburi, au sud-ouest de Bangkok, dont plus de la moitié étaient des travailleurs migrants originaires du Myanmar.

La Thaïlande a également été décrite comme une réussite en matière de coronavirus pendant la majeure partie de l'année dernière, enregistrant un peu moins de 7000 cas et 60 décès à la fin de l'année 2020. Mais depuis le 1er avril, le pays a enregistré plus de 150.000 cas.

Dimanche dernier, le gouvernement soutenu par l'armée a officiellement signalé 4528 nouveaux cas de COVID-19 et 24 décès, portant le bilan national à 1012 morts.

Selon les autorités sanitaires, environ 46.000 personnes sont actuellement atteintes du coronavirus, dont 400 sous respirateur. Les hôpitaux sont débordés. Dans un cas médiatisé, Kunlasub Watthanaphol, un joueur de jeux vidéo bien connu, est mort le 23 avril, après avoir imploré en vain, à plusieurs reprises, de l'aide via les lignes d'assistance téléphonique du gouvernement et les médias sociaux.

Avec une population carcérale estimée à plus de 307.000 personnes, soit trois fois plus que la capacité officielle, les prisons sont dangereusement surpeuplées. Le 17 mai, les prisonniers représentaient plus de 70 % des 9635 nouveaux cas signalés au niveau national ce jour-là. Dans une prison de Chiang Mai, 61 % des détenus ont été déclarés positifs.

L'ampleur de la catastrophe carcérale n'a été révélée qu'après que plusieurs étudiants activistes, impliqués dans des manifestations antigouvernementales l'année dernière et détenus pour avoir insulté le roi, ont révélé qu'ils avaient été testés positifs au virus.

Les autorités ont tardivement imposé des restrictions limitées. À Bangkok, les écoles, les lieux de divertissement, les bars, les cinémas, les gymnases, les piscines et les parcs sont fermés, tandis que les employés de bureau sont invités à travailler à domicile.

Sur les 66 millions d'habitants que compte la Thaïlande, seuls 2 millions de personnes environ ont reçu une première dose de vaccin et 1 million ont reçu les deux doses.

Le niveau d'inoculation est similaire en Indonésie, le pays le plus peuplé de la région, où les infections montent également en flèche et où les hospitalisations dans des lits d'isolement ont augmenté de 14,2 % pour atteindre 23.488, entre le 20 et le 26 mai.

Vendredi dernier, selon Our World in Data, les taux de vaccination au Vietnam, en Malaisie, en Thaïlande et en Indonésie étaient inférieurs de moitié à ceux de l'Inde, qui reste l'épicentre de la catastrophe mondiale du COVID-19.

Les mutations du virus et sa propagation à travers l'Asie du Sud-Est soulignent le caractère mondial de l'urgence de santé publique et la nécessité pour les travailleurs du monde entier d'unifier leurs luttes, au-delà des frontières nationales, et de diriger eux-mêmes la gestion de la pandémie en la retirant des mains des classes capitalistes dominantes qui ont permis à cette calamité de s'intensifier dans le monde entier.

(Article paru en anglais le 1er juin 2021)

Loading