Augmentation de 40 pour cent du prix des denrées alimentaires en mai dans un contexte d’aggravation de la faim dans le monde et de crise sociale déclenchée par la pandémie

L’indice mensuel des prix alimentaires de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) a augmenté de 40 pour cent en mai, soit la plus forte hausse en dix ans. L’augmentation sur un an est la plus forte de l’année passée est elle est largement interprétée comme un indicateur d’une inflation plus large des prix dans l’avenir.

Le rapport de la FAO publié jeudi indique: «L’augmentation de mai a représenté la plus forte hausse en glissement mensuel depuis octobre 2010. Elle a également marqué la douzième hausse mensuelle consécutive de la valeur de l’IPFF qui a atteint sa valeur la plus élevée depuis septembre 2011… La forte augmentation de mai a reflété une flambée des prix des huiles, du sucre et des céréales, ainsi que le maintien des prix de la viande et des produits laitiers.» L’IPFP (indice FAO des prix alimentaires) est une mesure de la variation mensuelle des prix internationaux d’un panier de produits alimentaires.

Des femmes font la queue pour obtenir de la nourriture donnée par l'organisation Covid Without Hunger dans le bidonville de Jardim Gramacho à Rio de Janeiro, au Brésil, samedi 22 mai 2021. (AP Photo/Silvia Izquierdo)

Selon le rapport, les prix du maïs sont 67 pour cent plus élevés qu’il y a un an, le sucre a augmenté de près de 60 pour cent et les prix de l’huile de cuisson ont doublé. La flambée des prix des denrées alimentaires est catastrophique pour des millions de personnes dans le monde qui font déjà face à des conditions désespérées du fait de la pandémie de coronavirus. La faim est en rapide augmentation dans les pays les plus pauvres du monde.

Le Programme alimentaire mondial des Nations unies indique que 270 millions de personnes souffrent actuellement de malnutrition aiguë ou de situations plus graves dans les 79 pays où l’agence opère, soit deux fois plus qu’en 2019. Parmi les régions confrontées à une crise de la faim croissante, exacerbée par la flambée des prix des denrées alimentaires, figurent l’Asie du Sud-Est, l’Afrique et l’Amérique centrale.

La Banque mondiale estime que jusqu’à 124 millions de personnes ont sombré sous le seuil de pauvreté international – ils vivent avec moins de 1,90 dollar par jour – en 2020 à cause de la pandémie. Jusqu’à 39 millions de personnes devraient s’ajouter à ce groupe en 2021, portant le nombre total de personnes vivant dans l’extrême pauvreté à 750 millions.

Les analystes ont attribué l’augmentation du coût des denrées alimentaires à une série de facteurs climatiques et économiques mondiaux. Bloomberg, par exemple, rapporte: «La sécheresse qui sévit dans les principales régions brésiliennes paralyse les cultures, du maïs au café, et la croissance de la production d’huile végétale a ralenti en Asie du Sud-Est. Cela fait grimper les coûts pour les éleveurs et risque de mettre davantage à mal les stocks mondiaux de céréales qui ont été épuisés par l’explosion de la demande chinoise».

L’expansion économique de la Chine entraîne notamment une augmentation de la demande d’aliments pour animaux afin de reconstituer les troupeaux de porcs frappés ces dernières années par des maladies. Les aliments pour porcs contiennent des produits de base, tels que le maïs et le soja, qui sont également consommés par la population.

D’autres analystes ont souligné l’impact de la pandémie de COVID-19 sur l’approvisionnement alimentaire mondial. Ils affirment que les restrictions de mouvement ont augmenté les coûts logistiques, tandis que la baisse des revenus a fait augmenter la demande de produits alimentaires moins chers.

Les économistes ont averti que la reprise de la restauration dans le monde entier, suite à la levée des restrictions COVID-19 malgré la pandémie en cours, contribue à la hausse des prix. Abdolreza Abbassian, économiste principal à la FAO, a déclaré: «Le déclin des sorties au restaurant n’a pas été totalement compensé par les repas à la maison, mais comme les gens recommencent à aller au restaurant, on verra les prix des aliments augmenter».

Comparant les augmentations actuelles à la flambée des prix alimentaires d’il y a dix ans, l’économiste en chef du Programme alimentaire mondial des Nations unies, Arif Husain, a déclaré: «Ce qui est unique dans cette période, c’est que les prix augmentent et que, dans le même temps, les revenus des gens sont décimés. La combinaison des deux, hausse des prix et absence de pouvoir d’achat, est la chose la plus mortelle qui soit».

La hausse extrême des prix des denrées alimentaires dans le monde et l’expansion de la faim sont parmi les manifestations les plus aiguës de la crise du système capitaliste, faisant de la nécessité d’une révolution socialiste et d’une planification économique par la classe ouvrière internationale une question de vie ou de mort immédiate.

L’inflation des prix alimentaires s’est développée au cours de l’année dernière, parallèlement à la propagation de la pandémie mortelle à travers le monde. Alors que les puissances impérialistes ont accumulé les vaccins et les ont refusés aux pays les plus pauvres, la pandémie se propage maintenant parmi ces populations, le coût des produits de première nécessité devenant de plus en plus inaccessible.

Le 20 mai, le Wall Street Journal s’est attaqué aux principales préoccupations de l’aristocratie financière face à la crise des prix alimentaires: instabilité sociale, migrations et troubles politiques. Dans un article intitulé «La flambée des prix des denrées alimentaires aggrave la situation des pauvres dans le monde» (Food Prices Soar Compounding Woes of World’s Poor), le Journal a écrit: «Les précédentes flambées des prix des denrées alimentaires et des carburants ont contribué à l’instabilité politique de ces dernières décennies, notamment les révolutions du “printemps arabe” en 2011. Si rien de cette ampleur n’a émergé cette année, la nourriture chère fait partie du contexte dans plusieurs pays qui connaissent actuellement des troubles».

Pointant du doigt les manifestations de masse en Colombie et au Soudan et l’augmentation de la faim comme cause principale de la migration à travers la frontière sud des États-Unis – le nombre de personnes qui font face à une insécurité alimentaire aiguë a bondi de 20 pour cent au Guatemala et triplé au Honduras cette année par rapport à 2019 – le Wall Street Journal tire la sonnette d’alarme parmi l’élite dirigeante capitaliste.

Le Wall Street Journal s’est entretenu avec le coordinateur des programmes humanitaires du Guatemala pour l’organisation caritative mondiale Oxfam, Iván Aguilar, qui a déclaré: «En termes d’insécurité alimentaire, nous sommes au pire moment au Guatemala depuis au moins 20 ans. Il s’agit d’une combinaison de facteurs très inquiétante, et pour aggraver les choses, les gouvernements faibles dans la région ont peu de moyens pour aider les pauvres».

Les implications économiques plus larges de l’inflation des prix ont été discutées ces dernières semaines et constituent un sujet de préoccupation croissant au sein des cercles dirigeants, tels que la Réserve fédérale américaine et la Banque centrale européenne.

Même si le gouvernement Biden a officiellement déclaré que l’inflation n’était pas un sujet de préoccupation, la secrétaire au Trésor Janet Yellen a affirmé le 4 mai que la Réserve fédérale pouvait facilement contrôler les poussées inflationnistes en augmentant les taux d’intérêt. Toutefois, Yellen a tenté de revenir sur ces propos plus tard dans la journée, car une hausse des taux perturberait le flux de liquidités sur les marchés, qui est à la base de la hausse spectaculaire et continue de la valeur des actions à Wall Street et de l’augmentation sans précédent du nombre de milliardaires et de leur richesse tout au long de la pandémie.

(Article paru en anglais le 4 juin 2021)

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