La disparition de l’influenza en 2020 prouve que l’éradication du SRAS-CoV-2 et d’autres maladies est possible

L’une des curieuses caractéristiques de la pandémie de COVID-19 a été la disparition quasi complète de la grippe saisonnière dans le monde. Les saisons de grippe qui font tant partie du tissu de l’histoire sociale moderne ont pratiquement disparu.

Le moins que l’on puisse dire, c’est que c’est stupéfiant. Pourtant, les médias n’en ont pratiquement pas parlé. Un examen des statistiques en vaut la peine.

Des infirmières et des médecins dans une unité COVID-19 au Texas (Photo: Miguel Gutierrez Jr.)

Aux États-Unis, selon les Centres pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC), depuis le 27 septembre 2020, sur plus d’un million de tests de dépistage de l’influenza, il n’y a eu que 1899 (0,2 %) résultats positifs (713 pour l’Influenza A et 1186 pour l’Influenza B) pendant la saison de grippe 2020-2021. Sur les 600 décès signalés dus à l’influenza, un seul décès pédiatrique associé à la grippe a été enregistré.

Pour mettre en évidence les statistiques ci-dessus, les CDC ont estimé que, de 2010 à 2019, entre 9 et 45 millions de personnes tombaient malades de la grippe chaque année. Parmi celles-ci, 140.000 à 810.000 ont dû être hospitalisées, tandis que les décès variaient de 12.000 à 62.000 par an. Le coût annuel des soins de santé attribué à la grippe a été estimé à plus de 10 milliards de dollars. Au cours de la saison 2019-2020, plus de 34.000 décès ont été signalés, dont ceux de 200 enfants.

L’impact des mesures visant la COVID-19 a été de réduire le nombre de décès aux États-Unis dus à la grippe ordinaire de 34.000 à 600, soit un pourcentage stupéfiant de 98 à 99 %. Les décès d’enfants sont passés de 200 à un seul. Si des proportions similaires, telles qu’estimées par l’Organisation mondiale de la santé, s’appliquent à la mortalité annuelle mondiale due à l’influenza, quelque 250.000 à 500.000 vies pourraient avoir été sauvées en 2020.

Mortalité pédiatrique associée à l’influenza (Photo: CDC)

Cela n’a pas encore été documenté, mais pourrait bien être le cas. Dans un rapport publié le 29 avril 2021 dans le Scientific American, intitulé «La grippe a disparu dans le monde entier pendant la pandémie de COVID», toutes les régions du globe, de l’Amérique du Nord et du Sud à l’Océanie, ont vu l’éradication quasi complète du virus de l’influenza. De nombreux médecins ont déclaré ne plus envoyer de spécimens à tester, estimant que la grippe ne circulait pas dans la population.

Le 26 février 2021, l’OMS a formulé sa recommandation concernant la composition du vaccin contre le virus de l’influenza pour la saison grippale 2021-2022 dans l’hémisphère nord: un vaccin quadrivalent contre les souches H1N1, H3N2, B/Victoria et B/Yamagata, en se basant sur le nombre limité de cas qu’elle a analysés.

Chaque année, l’OMS fournit des recommandations basées sur la dérive antigénique de ces virus, ce qui nécessite une mise à jour constante. Comme le note le rapport de Scientific American, «Avec moins de particules virales circulant dans le monde, il y a moins de risques de mutation à venir, il est donc possible que le vaccin de 2021-2022 se révèle extra efficace.»

Histoire des épidémies et des pandémies d’influenza

Les épidémies et pandémies d’influenza sont présentes depuis que les civilisations humaines ont commencé à relater ces événements naturels. Le nom de l’infection virale, l’influenza, est né au 15e siècle en Italie d’une épidémie qu’ils attribuaient à «l’influence des étoiles». La première pandémie d’influenza documentée s’est produite en 1510, en commençant par l’Asie de l’Est, puis en se propageant en Afrique du Nord et plus tard en Europe.

Après 1700, avec les progrès de la science, de la technologie et de l’organisation sociale, la compréhension de la grippe s’est développée progressivement. La première pandémie de grippe du 18e siècle a débuté en 1729 en Russie, puis s’est propagée à travers le monde sur une période de trois ans par vagues distinctes. Il y a eu au moins quatre pandémies de l’influenza au 19e siècle, trois au 20e siècle, dont la grippe espagnole de 1918 qui a tué plus de 50 millions de personnes, et une jusqu’à présent au 21e siècle.

En 1931, un virologue et officier de marine américain du nom de Richard Edwin Shope et son mentor Paul A. Lewis ont été les premiers à isoler le virus de la grippe A chez le porc. En 1933, il a été établi que ce virus était responsable de la grippe humaine. Le virus de la grippe B a été découvert en 1940.

Peu de temps après, avec le soutien de l’armée américaine, le premier vaccin contre la grippe a été développé, qui a finalement été homologué en 1945 aux États-Unis. Mais en 1947, les chercheurs avaient déterminé que les changements fréquents dans la composition antigénique du virus rendaient les vaccins existants inefficaces, ce qui nécessitait une surveillance et une caractérisation continues des virus en circulation et des modifications annuelles des vaccins.

L’Organisation mondiale de la santé a été créée un an plus tard, l’une de ses premières tâches majeures étant la recherche et la surveillance de l’influenza. En 1952, le Système mondial de surveillance de la grippe et de riposte (GISRS) a été créé pour suivre l’évolution des virus de l’influenza.

Les saisons de la grippe se répètent chaque année pendant les mois d’hiver de l’hémisphère concerné. Aux États-Unis, la saison commence en octobre et dure jusqu’en mai, atteignant ses sommets en février. À titre de comparaison, la saison commence en mai en Australie, pour culminer en août et se terminer en octobre. Pour d’autres pays de l’hémisphère sud – Afrique du Sud, Argentine et Chili – la saison commence plus tard, en juin. La saisonnalité est plus complexe dans les régions tropicales et subtropicales.

La disparition de la grippe est remarquable par les possibilités qu’elle ouvre dans l’approche des pathogènes respiratoires. Les mesures de santé publique, appliquées de manière trop incohérente pour éradiquer la COVID-19, ont réussi à éradiquer efficacement la grippe saisonnière, du moins aux États-Unis. Le demi-million de personnes qui sont mortes chaque année de l’influenza dans le monde étaient tous des décès potentiellement évitables.

L’exemple de l’influenza donne raison aux scientifiques de principe qui ont demandé l’éradication du coronavirus. Si des mesures timides ont permis d’éliminer la grippe, une mobilisation totale des ressources sociales, avec le dépistage, le traçage des contacts et la distanciation sociale, ainsi qu’une fermeture de toute la société avec un soutien économique total aux familles de travailleurs et aux petites entreprises, auraient pu faire de même pour la COVID-19. Ils pourraient encore le faire, si la classe ouvrière intervient sur la base de ce programme.

Dans l’état actuel des choses, avec l’administration des vaccins qui commence à stagner dans les pays à hauts revenus, l’immunité collective par la vaccination ne sera très probablement pas réalisable. Laissées à elles-mêmes, les classes dirigeantes du monde entier faciliteront l’endémisation du coronavirus, un virus de plus avec lequel l’humanité devra apprendre à vivre et à mourir, avec des conséquences effroyables.

La grippe, un virus transmis par l’air

Il est indiscutable que les mesures limitées employées pour endiguer la vague d’infections à la COVID-19 ont eu un impact extraordinaire en arrêtant presque complètement la grippe. Cela s’explique par le fait que le coronavirus et le virus de la grippe ont le même mode de transmission. Ce sont tous deux des agents pathogènes transmis par voie aérienne, malgré l’insistance contraire de diverses agences officielles de santé publique nationales et internationales qui ont ignoré la prépondérance des preuves publiées à ce jour.

L’une des premières études qui a documenté la transmission de la grippe par voie aérienne a été publiée en 1979. Elle portait sur une épidémie survenue dans un avion à réaction commercial.

Le matin du 14 mars 1977, un avion en route d’Anchorage, en Alaska, à Kodiak, en Alaska, a été retardé au sol à Homer (une escale intermédiaire) pendant trois heures après un décollage interrompu en raison d’une panne de moteur. Une passagère de 21 ans, qui avait embarqué à Homer, est tombée gravement malade de la grippe peu après l’embarquement. Cinq membres d’équipage et 49 autres passagers attendaient sur le tarmac que les réparations soient effectuées. Le système de ventilation à bord était ne fonctionnait pas pendant le délais.

Le lendemain, plusieurs passagers se sont présentés chez un médecin avec les symptômes d’un syndrome respiratoire sévère comprenant de fortes fièvres, des maux de tête, des frissons et des douleurs musculaires. Deux d’entre eux ont dû être hospitalisés. Les autorités de santé publique ont été informées de l’épidémie et une enquête a été ouverte.

Aucun des passagers qui avaient débarqué à Homer n’est tombé malade. Sur les 53 passagers et membres d’équipage à bord de l’avion cloué au sol, 38 (72%) ont développé la grippe dans le jour et demi suivant leur exposition. Le taux d’attaque était le plus élevé chez ceux qui avaient passé le plus de temps dans l’avion. Sur les 38 cas, 31 ont fourni des spécimens pour une culture virale, dont huit étaient positifs pour le virus de la grippe A.

Les auteurs de l’étude ont conclu que l’exposition prolongée au cas index, la jeune femme, dans le contexte d’un système de ventilation non fonctionnel, a contribué au taux d’attaque élevé. Ils ont également supposé que les grands aérosols produits par le passager malade ont pu contribuer au nombre élevé d’infections.

Au cours de la dernière décennie, les recherches ont montré que le virus de la grippe est transmissible par voie aérienne dans les espaces clos où l’air est partagé, car un individu infecté est capable de propager des particules contaminées dans toute une zone par sa seule respiration.

Dans une étude publiée dans Nature en juin 2013, intitulée «La transmission par aérosol est un mode important de propagation du virus de la grippe A», les auteurs ont constaté que pour le virus de la grippe A, la transmission par aérosol dans les ménages de Hong Kong et de Bangkok était le mode de transmission prédominant, représentant environ la moitié de tous les nouveaux cas, «ce qui suggère que la transmission du virus de la grippe A entre les membres du ménage peut ne pas être contrôlée par des interventions contre la transmission par contact ou par gouttelettes.»

Entre 2012 et 2013, le Dr Donald Milton, professeur de santé environnementale, et son équipe de recherche de l’École de santé publique de l’Université du Maryland ont prélevé des échantillons d’haleine chez 142 personnes infectées par le virus de la grippe. À l’aide de l’appareil Gesundheit II, leurs échantillons d’haleine ont été prélevés alors qu’elles pratiquaient une respiration naturelle, parlaient, toussaient et éternuaient pendant trois jours. L’équipe de Milton a constaté que les personnes infectées contaminaient l’air ambiant par leur simple respiration.

Cette étude charnière et ses conclusions ont prouvé que le lavage des mains, le nettoyage des surfaces et le fait de couvrir la toux et les éternuements, les méthodes habituelles de traitement des infections transmises par gouttelettes, étaient insuffisants pour prévenir la propagation de la grippe. Ils ont déterminé que le virus de la grippe était transmis par voie aérienne et ont démontré que le seul moyen d’empêcher la propagation du virus était d’éviter les lieux publics et de rester chez soi.

Milton a déclaré dans un article de nouvelles universitaires: «Les personnes atteintes de la grippe génèrent des aérosols infectieux (de minuscules gouttelettes qui restent longtemps en suspension dans l’air) même lorsqu’elles ne toussent pas, et surtout pendant les premiers jours de la maladie. Ainsi, lorsqu’une personne contracte la grippe, elle doit rentrer chez elle et ne pas rester sur son lieu de travail et infecter d’autres personnes.»

«Les résultats de l’étude suggèrent que le fait de garder les surfaces propres, de se laver les mains en permanence et d’éviter les personnes qui toussent ne constitue pas une protection complète contre la grippe», a déclaré Sheryl Ehrman, doyenne du Charles W. Davidson College of Engineering de l’université d’État de San José. «Rester à la maison et hors des espaces publics pourrait faire la différence dans la propagation du virus de la grippe.»

En 2018, son équipe a publié l’article souvent cité «Virus infectieux dans l’air exhalée des cas symptomatiques de grippe saisonnière d’une communauté collégiale» dans les Actes de l’Académie nationale des sciences (PNAS). L’article indiquait que «Nous fournissons des preuves accablantes que les humains génèrent des aérosols infectieux et des données quantitatives pour améliorer les modèles mathématiques de transmission et les interventions de santé publique. Nous montrons que les éternuements sont rares et peu importants pour l’aérosolisation du virus de la grippe, et que la toux n’est pas nécessaire à cette fin. Nos résultats, à savoir que l’infection des voies aériennes supérieures et inférieures est indépendante et que les aérosols à fines particules exhalés reflètent l’infection dans le poumon, ont ouvert la voie à une compréhension plus approfondie de la biologie humaine de l’infection et de la transmission de la grippe.»

La recherche a été financée par l’Institut national de la santé (NIH) et les Centres de contrôle et de prévention des maladies (CDC), les mêmes organismes qui ont mis plus de 14 mois avant de reconnaître, discrètement, la nature aérienne du SRAS-CoV-2, après qu’il ait fait plus de 3 millions de victimes dans le monde.

La science doit guider les politiques sociales

Depuis les années 1970, il est documenté dans les plus grandes revues savantes que les enfants d’âge scolaire sont les vecteurs les plus importants de la transmission de la grippe à l’échelle de la communauté, les enfants âgés de 5 à 18 ans présentant des taux d’attaque de 30 à 50%, les plus élevés de tous les groupes d’âge. Ils excrètent également le virus en plus grande quantité et pendant plus longtemps que les adultes. À chaque saison de grippe, des dizaines ou des centaines d’enfants meurent. Les enfants manquent l’école et les parents sont souvent obligés de trouver une gardienne à domicile ou de rester eux-mêmes à la maison. Ce n’est pas sans une certaine ironie que la saison de la grippe commence et se termine en même temps que le calendrier scolaire.

Malgré ces constatations, qui ne sont pas nouvelles pour les parents, les éducateurs ou les professionnels de la santé, aucun effort majeur n’a été fait pour moderniser les systèmes de ventilation et améliorer la qualité de l’air dans les écoles, les salles de classe ou les lieux de travail. Au contraire, ces 50 dernières années ont été marquées par une attaque généralisée contre l’enseignement public. L’effritement des infrastructures, l’augmentation de la taille des classes et le délabrement des écoles sont devenus la norme, et la qualité de l’air intérieur y est considérée comme l’une des pires.

L’une des études les plus claires publiées récemment démontrant cela provient de Taïwan. Dans une université de la banlieue de Taipei dont l’identité n’a pas été révélée, une épidémie de tuberculose impliquant 27 cas et 1665 contacts dans des bâtiments sous-ventilés a été étudiée. Sachant que l’agent pathogène se transmettait par aérosol, les ingénieurs en ventilation se sont efforcés de réduire le niveau maximal de CO2 autorisé de 3200 parties par million à 600. Le taux d’attaque secondaire est tombé à zéro après un suivi de six ans. En améliorant la ventilation pour réduire les niveaux de CO2, qui est un indicateur des échanges d’air, on a constaté une diminution de 97% des infections tuberculeuses, ce qui souligne l’importance cruciale d’une ventilation intérieure adéquate.

Les recherches menées au cours des 50 dernières années et la saison de la grippe 2020-2021 confirment que l’humanité a la capacité de comprendre et d’éradiquer un virus qui sévit sur la planète depuis 500 ans et fait des centaines de milliers de morts chaque année. En outre, on a observé un déclin spectaculaire des maladies infantiles telles que la varicelle, divers virus de l’estomac et l’angine streptococcique. Il n’y a pas de maladie ou de virus avec lesquels la race humaine doit «vivre».

Frederick Engels, dans son ouvrage Dialectique de la nature, décrit le caractère unique de l’humanité dans sa capacité à comprendre et à contrôler son environnement. Cela implique une compréhension de la production sociale à laquelle l’humanité participe et la nécessité de réorganiser rationnellement cette production:

L’évolution historique rend une telle organisation chaque jour plus indispensable, mais aussi chaque jour plus possible. D’elle sortira une nouvelle époque de l’histoire, dans laquelle l’humanité elle-même, et avec elle toutes les branches de son activité, et surtout les sciences naturelles, connaîtront un progrès qui mettra dans l’ombre tout ce qui l’aura précédé.

La seule façon pour l’humanité d’aller de l’avant, à la lumière de l’incalculable souffrance et de l’horrible bilan humain qui n’a pas diminué, est de jeter le gant au mode de production capitaliste une fois pour toutes, qui donne la priorité aux intérêts d’une oligarchie financière et a sacrifié plus de 3,6 millions de personnes à un virus dont l’humanité dispose de toutes les connaissances et avancées scientifiques pour se débarrasser.

Le fait que le virus de la grippe, souvent mortel, qui a tourmenté la civilisation pendant des siècles, puisse être si facilement vaincu devrait nous inciter à nous demander: «Quelles sont les possibilités?» L’humanité n’a fait qu’effleurer la surface de ce qui peut être fait. Ce n’est pas le manque de connaissances, mais le système capitaliste et les intérêts lucratifs de la classe dirigeante qui font obstacle.

(Article paru en anglais le 3juin 2021)

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