Le parti espagnol Anticapitalistas soutient une campagne de presse anti-migrants visant le Maroc

Le parti petit-bourgeois espagnol Anticapitalistas incite à l'hystérie pro-impérialiste contre le Maroc. Il s'aligne sur la campagne lancée par la presse libérale contre le Maroc après que Rabat a ouvert son côté de la frontière, permettant aux migrants de rejoindre l'enclave espagnole de Ceuta, au nord du Maroc, à bord de bateaux et de canots de fortune. On estime à 10 000 ceux qui sont entrés, dont beaucoup de familles ou d'enfants.

Le gouvernement du Parti socialiste (PSOE) et de Podemos a répondu en appliquant la politique brutale prônée depuis des mois par le parti fasciste Vox, en militarisant la frontière. Il a déployé l'armée, les forces spéciales et des milliers de policiers à Ceuta, raflant sommairement et expulsant illégalement des milliers de migrants, dont beaucoup d'enfants.

La semaine dernière, le premier ministre Pedro Sánchez a réagi avec fureur après que Rabat a déclaré dans un communiqué qu’il ouvrait sa frontière pour faire pression sur Madrid afin qu'il reconnaisse le Sahara occidental, ancienne colonie espagnole annexée par Rabat en 1975, comme faisant partie du Maroc. Parmi les autres préoccupations de la monarchie marocaine il y avait sans aucun doute le besoin de détourner la colère de la population causée par l’incompétence officielle face à la pandémie et l'attaque d'Israël sur Gaza. Rabat a ouvert sa frontière avec l'Espagne après les manifestations de masse contre la sanglante campagne de bombardements d'Israël contre la bande de Gaza.

Image de la barrière frontalière qui sépare l'Espagne, à gauche, du Maroc, à droite, vue depuis l'enclave espagnole de Ceuta, le 3 juin 2021. (AP Photo/ Bernat Armangue )

Sánchez s'est concentré uniquement sur son conflit avec le Maroc au sujet de l'ancienne possession coloniale de Madrid. « Ils ont utilisé l'immigration, c'est-à-dire la prise d'assaut des frontières espagnoles par plus de 10 000 Marocains en 48 heures, en raison de désaccords liés à la politique étrangère, cela semble inacceptable», a-t-il déclaré la semaine dernière. Il a affirmé que cela était « inadmissible », assimilant les actions du Maroc à une « attaque des frontières ».

La campagne du gouvernement PSOE-Podemos contre le Maroc a le soutien de fait du parti Anticapitalistas. Celui-ci, qui a quitté Podemos l'an dernier pour mieux servir le gouvernement en restant au-dehors, s'est aligné sur la campagne anti-immigrés du PSOE et de Podemos. Il s'est emparé de l'entrée des migrants pour accuser Rabat de « chantage » et de « violations des droits humains » tout en répandant l’illusion que le gouvernement PSOE-Podemos défend les droits démocratiques.

La dirigeante anticapitalistas Teresa Rodríguez a déclaré: « Ce qui se passe à Ceuta est le résultat de l'externalisation des frontières vers des pays où les droits de l'homme sont systématiquement violés, comme le Maroc, en échange d'un chantage permanent. » Elle a proposé que « le gouvernement fasse preuve de courage » pour « gérer ses propres frontières sans dépendre du Maroc ».

La « solution » de Rodríguez est en fait ce que le PSOE et Podemos ont fait en déployant l'armée et la police, et en expulsant brutalement des milliers de migrants. Madrid a également refusé le soutien de Frontex à Bruxelles, déclarant qu'il pouvait gérer la crise de Ceuta sans l’intervention de l’agence anti-migrants de l'UE.

Le député européen Miguel Urbán, qui fut élu sur une liste Podemos mais a gardé son siège après la rupture de sa tendance d’avec Podemos, est intervenu en session plénière du Parlement européen, y dénonçant un « énième exercice de chantage de la part du Maroc ». Il a déclaré que l'externalisation des frontières donnait « aux dictatures sans scrupules une arme de chantage. Si nous voulons mettre fin à ce chantage et protéger les droits humains des migrants, il n'y a qu'un moyen: démanteler les politiques de l'Europe forteresse ».

L'affirmation d'Urbán selon laquelle l'UE peut démanteler la forteresse Europe pour défendre une politique migratoire plus humaine est ridicule. L'ensemble de la classe dirigeante en Europe bascule rapidement vers la droite, consciente que la colère monte parmi les travailleurs contre les inégalités sociales et la politique criminelle « d'immunité collective » qu'elle a menée face à la pandémie. Alors que l'Europe traverse sa crise économique la plus profonde depuis les années 1930, elle a connu plus d'un million de décès dus aux coronavirus. Par contre, ses milliardaires se sont enrichis de 1 000 milliards d'euros en un an.

Pour défendre cette richesse mal acquise, la classe dirigeante se dirige rapidement vers la droite et, le niveau d’inégalités étant insoutenable, elle se prépare à la répression. En France et en Espagne, des factions de l'armée préparent ouvertement des coups d'État et se préparent ouvertement à une guerre civile contre la classe ouvrière. En Allemagne, tous les partis opèrent une marche forcée vers le militarisme et mettent en pratique le programme du parti d’extrême droite Alternative pour l'Allemagne (AfD). L'armée, la police et les services de renseignement sont infestés de réseaux terroristes d'extrême droite.

Les pablistes du parti Anticapitalistas font eux aussi campagne pour que l'Espagne intervienne de manière plus agressive au Sahara occidental, son ancienne colonie annexée par le Maroc en 1975, afin d’organiser un référendum sur l'autodétermination. Anticapitalistas a multiplié ses appels à ce sujet depuis que la guerre a éclaté (article en anglais) entre le Maroc et le Front Polisario, bourgeois nationaliste et soutenu par l'Algérie, dans la région en novembre dernier.

En novembre dernier, Anticapitalistas a publié une déclaration néocoloniale appelant au rétablissement de la domination espagnole sur son ancienne colonie. Il a demandé à l'Espagne « d'assumer son rôle d'administration formelle du territoire et de garantir le respect des droits humains, sociaux et économiques du peuple sahraoui comme un pas vers une solution juste, pacifique, démocratique et durable à ce conflit, qui nécessite inévitablement le respect du droit à l'autodétermination du peuple sahraoui ».

Si Madrid devait adopter une position aussi belliciste et essayer de s'emparer physiquement de son ancienne colonie désormais contrôlée par le Maroc pour organiser un référendum sur l'indépendance, cela pourrait facilement conduire à la guerre.

Le bilan historique de l'Espagne dans la région est brutal. Au cours des guerres intermittentes avec les tribus marocaines entre 1909 et 1927, les campagnes punitives de « pacification » de Madrid ont massacré des civils, bombardé des marchés et des habitations et utilisé des bombes incendiaires pour faire brûler des villages sans défense et des champs cultivés. Madrid a également utilisé le viol et les attaques au gaz toxique comme armes de guerre ciblant les populations civiles.

Ces guerres ont engendré une génération d'officiers militaires fascistes comme le général Francisco Franco qui a utilisé des méthodes similaires contre la classe ouvrière dans son pays – culminant dans le coup d'État fasciste de juillet 1936, la guerre civile espagnole et un régime franquiste de quatre décennies en Espagne, entre 1939 et 1978.

La position d’Anticapitalistas sur le Maroc reflète le soutien de longue date à l'impérialisme de ce parti petit-bourgeois et procapitaliste. Il a entériné la guerre États-Unis/OTAN contre une Libye riche en pétrole en 2011. Au nom de « la démocratie, de la justice sociale et de l'amélioration de la situation des femmes », deux dirigeants d'Anticapitalistas, Esther Vivas et Josep Maria Antentas, ont condamné « l'anti-impérialisme de certains secteurs de la gauche » et prôné « l'isolement politique et économique international du régime [libyen] et la fourniture inconditionnelle d'armes aux rebelles ».

Les puissances européennes et les États-Unis ont ensuite utilisé précisément cette stratégie pour mener une guerre pour un changement de régime en Libye. Cela a fait plus de 30 000 morts, laissant la Libye en ruines. Le pays est toujours embourbé dans une guerre civile entre factions islamistes concurrentes, que l'OTAN avait soutenues, qui a fait des milliers de morts et déplacé plus de 100 000 personnes.

Les objectifs de la participation de l'Espagne à la guerre en Libye, défendus par Anticapitalistas, ne sont pas difficiles à voir. La semaine dernière, une décennie après qu’ Anticapitalistas a soutenu la guerre en Libye, Sánchez s'est rendu dans ce pays avec plusieurs hommes d'affaires, dont Josu Jon Imaz, le patron de la grande compagnie pétrolière espagnole Repsol. La Libye fait partie des 10 pays possédant le plus de réserves de pétrole au monde, et le quotidien El País a commenté le voyage de Sánchez en citant des responsables anonymes de l'État qui ont déclaré: « Ce pays est assis sur un trésor ».

Pour défendre les droits démocratiques en Afrique du Nord, y compris au sujet du conflit entre le Maroc et les Sahraouis, il est avant tout nécessaire de rejeter la campagne impérialiste brutale contre les migrants. Les tentatives de Madrid de doter sa politique de pillage d'une façade « démocratique » en citant les crimes de la monarchie marocaine sont pleines d'hypocrisie impérialiste. La défense des droits démocratiques et sociaux ne peut être confiée ni aux représentants sanguinaires des anciennes puissances coloniales, ni à aucune des factions bourgeoises-nationalistes, mais requiert l'unification internationale de la classe ouvrière dans une lutte révolutionnaire et socialiste contre l'impérialisme.

(Article paru en anglais le 7 juin 2021)

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