Les travailleurs de Volvo Trucks se préparent à la bataille alors que l'entreprise supprime l'assurance maladie et fait appel à des briseurs de grève

Mardi, le lendemain de la deuxième grève de près de 3.000 travailleurs de Volvo Trucks cette année, la multinationale géante a supprimé l’assurance maladie des travailleurs et de leurs familles ; elle a fait entrer des briseurs de grève dans l’usine de New River Valley à Dublin, en Virginie, et a commencé à envoyer des lettres menaçant les grévistes de licenciement.

Dimanche, les travailleurs de Volvo avaient rejeté à 90 pour cent une deuxième tentative de l’Union des travailleurs de l’automobile (UAW) de faire passer un contrat favorable à l’entreprise. L’UAW avait mis fin à une grève de deux semaines le 30 avril avant de tenter une première fois de faire passer son accord de capitulation, qui fut également rejeté par les travailleurs à 90 pour cent. Après la deuxième défaite de l’accord dimanche, l’UAW a estimé qu’elle n’avait pas d’autre choix que de sanctionner la reprise de la grève, qui a commencé lundi midi.

Travailleurs de Volvo lors de leur première grève en avril (UAW Local 2069/Facebook)

Les travailleurs ont repris les piquets de grève et sont déterminés à mener une lutte sérieuse pour récupérer plus d’une décennie d’abandons en salaires et prestations que l’UAW avait accepté ; surtout, maintenant que la société basée en Suède réalise des milliards de bénéfices et verse à ses investisseurs des dividendes records. Mais l’UAW a clairement indiqué qu’elle n’avait pas l’intention de mener de véritable lutte.

Les responsables de l’UAW n’ont posé aucune revendication à l’entreprise. Au contraire, le secrétaire-trésorier de l’UAW, Ray Curry, qui dirige les négociations, a déclaré dans une lettre à la direction de Volvo que son objectif était un contrat qui «fonctionne à la fois pour la société et pour ses employés». Cela montre que l’UAW n’a pas l’intention de se battre pour les revendications des travailleurs qui visent à récupérer les abandons considérables que le syndicat a fait avec les contrats précédents (comme le système de salaires et prestations sociales à plusieurs niveaux) et encore moins de gagner des améliorations substantielles. De tels gains nuiraient certainement au bilan de Volvo, et c’est pourquoi les dirigeants de l’UAW s’y opposent farouchement.

Alors que l’UAW prêche la conciliation avec les patrons, la direction de Volvo a jeté le gant aux travailleurs en grève. Dans un bref message posté sur la page Facebook de la section 2069 de l’UAW, les responsables syndicaux ont déclaré: «La compagnie a donc annulé notre assurance à partir de minuit hier. Vous êtes maintenant sur Cobra par l’intermédiaire de l’UAW; si vous vous êtes inscrit la dernière fois, vous n’aurez pas besoin de vous réinscrire».

COBRA, la loi de 1985 sur la réconciliation budgétaire consolidée, est une loi américaine qui permet aux travailleurs de prolonger l’assurance maladie fournie par leur employeur après sa résiliation. Si l’UAW indique sur son site web que le fonds de grève couvrira le paiement des primes d’assurance au titre de la COBRA, elle précise qu’elle limite cette couverture à «certains avantages tels que les soins médicaux et les médicaments sur ordonnance». Et de poursuivre : «Les prestations non couvertes sont les suivantes: soins dentaires, soins de la vue, soins auditifs, assurance maladie et accident».

Le Comité de la base des travailleurs de Volvo (VWRFC) qui a mené l’opposition aux contrats de capitulation de l’UAW, a publié mardi une déclaration intitulée «Pas de soins de santé? Pas de négociations!»

Dénonçant la provocation de Volvo, la déclaration dit: «Comme si cela ne suffisait pas, l’UAW a rapporté ce fait sans critique, sans aucune intention de contrer cette intimidation de l’entreprise. Ils prévoient d’être disponibles pour reprendre les négociations mercredi. Dans ces circonstances, cependant, il n’y a rien à négocier!»

Elle poursuit: «Chers collègues, cette attaque contre les soins de santé menace directement chacun d’entre nous et nos familles. Dans le contexte d’une pandémie mortelle, c’est un poignard qui vise le cœur de tous les travailleurs».

«La décision de mettre fin à nos soins de santé montre clairement que Volvo se prépare à se battre. Elle intervient alors que l’entreprise appelle les travailleurs à franchir les piquets de grève et menace de briser notre grève avec des briseurs de grève. La police nous a demandé de ne pas bloquer l’entrée de l’usine, et l’UAW a clairement indiqué qu’elle voulait que nous obéissions à cet ordre – ce qui signifie briser la grève».

L’entreprise, dit le communiqué, «est déterminée à se battre, et nous devons faire preuve d’une plus grande détermination. Il est impossible de gagner une guerre si nous concédons chaque bataille».

Le VWRFC énumère ensuite ses revendications: «Premièrement, l’UAW doit immédiatement annuler toutes les négociations jusqu’à ce que Volvo rétablisse une assurance maladie complète, point final. Deuxièmement, jusqu’à ce que les soins de santé soient rétablis, l’UAW doit couvrir l’intégralité des coûts des soins de santé complets pour tous les travailleurs. Le fonds de grève de 790 millions de dollars ne doit être utilisé à couvrir les vacances dans des centres de villégiature, les repas extravagants ou les frais juridiques massifs de bureaucrates corrompus. Le fonds de grève est notre argent, il doit être utilisé en notre faveur, pour notre lutte».

Il conclut: «Nous réitérons notre demande que les indemnités de grève commencent immédiatement et correspondent au niveau de rémunération actuels des travailleurs. Pas de rations de famine! Pas de ruine financière à cause des soins médicaux!»

Un travailleur de Volvo a déclaré au «World Socialist Web Site» que la compagnie n’avait pas supprimé les avantages sociaux pendant la grève de deux semaines en avril «parce qu’elle coordonnait cette grève avec l’UAW.» Mais maintenant Volvo les supprimait, tout comme elle l’avait fait lors de l’âpre grève de deux mois en 2008 (contre l’introduction du système de salaires à plusieurs niveaux), une lutte isolée et trahie par l’UAW. Il a déclaré: «L’UAW devrait prendre en charge les paiements pour la couverture complète et les payer à partir de son fonds de grève de près de 800 millions de dollars».

Un autre travailleur a ajouté: «Le syndicat devrait nous accorder des prestations completes. Nous payons des cotisations syndicales depuis des années pour que l’UAW prenne soin de nous dans des périodes comme celle-ci. C’est comme si vous payiez une assurance automobile et que, lorsque vous avez un accident, on vous disait: “Bon, vous avez crevé quatre pneus, mais nous n’en payons que deux”. Vous leur dites que j’ai besoin de quatre pneus pour conduire et ils vous répondent: “Désolé, ce n’est pas notre problème”».

Les travailleurs ont également signalé que Volvo avait fait venir une «tonne» de briseurs de grève mardi matin, alors même que l’UAW limitait le nombre de travailleurs sur le piquet de grève. L’UAW et l’AFL-CIO s’opposent tous deux à la mobilisation des milliers de travailleurs de Volvo et des environs pour organiser un piquet de grève de masse afin d’arrêter les briseurs de grève car cela dégénérerait rapidement en une confrontation avec leur allié, le gouverneur démocrate de Virginie, Ralph Northam, qui a envoyé la police pour escorter les briseurs de grève à travers les piquets de grève.

Dans un message publié mardi sur la page Facebook de la section 2069, les responsables de l’UAW ont dit aux travailleurs qu’ils ne pouvaient rien faire d’autre que de regarder les briseurs de grève franchir leurs lignes. Ils ont écrit: «La police de l’État nous a informés de ne pas bloquer les entrées de l’usine. Nous ne voulons pas que quelqu’un ait des problèmes et nous voulons que les forces de l’ordre restent neutres dans ce processus».

Mais les troupes de Northam qui exécutent déjà l’opération de casse de la grève par l’entreprise ne sont pas «neutres». Comme dans chaque grève, la police est déployée pour protéger les profits des entreprises et faire respecter les injonctions émises par les juges contrôlés par le patronat. Pendant la grève de Pittston en 1989-1990, le gouverneur démocrate de Virginie, Doug Wilder, a déployé des centaines de policiers de l’État dans les bassins houillers pour escorter les briseurs de grève et arrêter les mineurs en grève.

«Même si notre équipe de négociation ne tient pas la ligne et ne ramène pas le contrat que nous méritons, 90 à 91 pour cent des membres ont montré eux, deux fois, qu’ils le feront», a déclaré un jeune travailleur de Volvo au «World Socialist Web Site». «L’entreprise espère maintenant que les briseurs de grève franchiront le piquet de grève pour traiter leur flotte de 2.000 camions qui se trouvent partout dans le comté, non verrouillés et vulnérables. Nous avons un moyen de pression, et ce serait un acte de stupidité absolue de ne pas l’utiliser au maximum».

Cette lutte peut et doit être gagnée. Dans une déclaration antérieure publiée mardi, le VWRFC expliquait que pour l’emporter, les travailleurs de la base devaient avoir leur propre stratégie. En développant la lutte, les travailleurs doivent comprendre qu’ils sont confrontés à une «guerre sur deux fronts», a déclaré le comité. Sur l’un des fronts il y a l’entreprise géante, les deux grands partis, démocrate et républicain, les tribunaux et la police. Sur l’autre il y a l’UAW, qui a pour stratégie non pas de gagner la grève, mais de la faire échouer.

Le VWRFC a défini une série de mesures nécessaires pour placer la grève sur une base sérieuse ; notamment le retrait du comité de négociation de l’UAW, la supervision des négociations par la base et le versement d’un revenu complet aux grévistes, payé par l’UAW. Le comité a également appelé à des piquets de grève massifs pour empêcher les opérations de briseurs de grève.

En même temps, les travailleurs de Volvo ne peuvent pas mener cette bataille seuls. Il faut mobiliser les travailleurs de Volvo dans tout le vaste empire de la compagnie, depuis les travailleurs de Mack Trucks en Pennsylvanie, au Maryland et en Virginie, jusqu’aux aux opérations de Volvo en Suède, France, Belgique, Russie, au Brésil, en Inde et en Thaïlande. En plus de mobiliser d’autres travailleurs de Volvo, une victoire de la grève exige qu’elle s’articule avec d’autres luttes en cours. Notamment, celles des mineurs de charbon de Warrior Met en Alabama, des mineurs de nickel de Vale Inco en Ontario, au Canada, et des métallurgistes d’Allegheny Technologies en Pennsylvanie et dans d’autres États.

Les travailleurs de General Motors, Ford et Stellantis à Detroit et dans d’autres villes, qui se sont rebellés à plusieurs reprises contre les mêmes dirigeants de l’UAW, ont le devoir particulier de venir en aide aux travailleurs de Volvo et de préparer une action commune.

Le VWRFC a insisté sur le fait que les travailleurs ne retourneront pas au travail sans avoir obtenu leurs revendications minimales, notamment une augmentation de salaire de 25 %, la fin du système d'échelons, l'absence d'horaire de travail alternatif, cinq jours de congé personnel pour tous, une prime à la signature de 4 000 $, pas d'augmentation des coûts de soins de santé et le financement intégral des soins de santé des retraités, sans primes ni quote-part.

Dans sa déclaration de mardi, le comité a conclu: «Nous disons à l’UAW: ne pensez même pas à nous faire le même coup que celui de mettre fin à la grève sans que nous ayons vu le contrat, avec une semaine pour l’étudier et voter. Pas de contrat, pas de travail!»

Les travailleurs de Volvo et Mack peuvent contacter le VWRFC à l’adresse volvowrfc@gmail.com ou envoyer un SMS au (540) 307-0509.

(Article paru d’abord en anglais le 9 juin 2021)

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