Le YouTubeur néofasciste Papacito menace l’électorat de Mélenchon de mort

Lundi, Jean-Luc Mélenchon a organisé une conférence de presse pour dénoncer des menaces de mort prononcées à l’encontre ses électeurs par le YouTubeur d’extrême-droite Papacito. Celui-ci avait affiché une vidéo où il assassinait l’effigie d’un électeur de La France insoumise (LFI) par des rafales de mitraillette, et puis en le poignardant à de multiples reprises.

Visiblement ébranlé, Mélenchon a dit: «Je mets en garde, en discernant les choses, contre la violence verbale qui nous entoure, et qui peut parfois conduire à nous désigner en permanence comme des cibles. … Il ne peut être question que nous acceptions dans ce pays, ni maintenant ni jamais, qu’on en vienne à la menace physique, au terrorisme intellectuel qui précède toujours le terrorisme physique. Je ne peux ni ne veux cacher l’émotion qui m’étreint, ni celle tous mes amis».

En effet, les menaces de Papacito ne sont pas celles d’un vidéaste néofasciste isolé. Elles portent le sceau de l’État policier et de forces puissantes au sein de l’aristocratie financière. Elles suivent de près les menaces formulées dans le magazine néofasciste Valeurs actuelles par des milliers d’officiers d’active et de réserve de l’armée française d’intervenir sur le sol français lors d’une opération qui ferait des milliers de morts en France.

Dans la vidéo, Papacito s’est approché d’un mannequin qui portait une chemise avec des injures racistes et homophobes ainsi que l’inscription: «Je suis un communiste».

Avant de procéder au meurtre simulé de l’électeur LFI, Papacito a dit: « Aujourd’hui on va tester si le gauchisme est pare-balles. Vous savez qu’il y a six pour cent (sic) de personnes dans notre pays qui votent pour le parti de Jean-Luc Mélenchon. Peut-être qu’ils seront démunis s’il y a quelque chose de pas prévu qui se passe, et il y a des chances, dans les années prochaines. On va voir si le matériel de base du mec qui vote Jean-Luc Mélenchon va lui permettre en fait de résister à une potentielle attaque d’un terroriste sur notre territoire».

Laissant le mannequin décapité et transpercé de toutes parts, Papacito a dit: « La tolérance, c’est très, très bien, il en faut dans le monde. Mais la tolérance, c’est toujours bien de pouvoir la faire appliquer avec un flingue en plus ».

Mélenchon a rapporté non seulement que Papacito avait rejeté sa demande de retirer la vidéo de YouTube, mais que la police avait rejeté sa demande d’enquêter dessus. « Le système PHAROS [Plateforme d'harmonisation, d'analyse, de recoupement et d'orientation des signalements] n’a pas réagi », a-t-il dit. En clair, l’État policier envoie un signe sans ambiguïté aucune qu’il protège ceux qui font des menaces de morts contre Mélenchon ou contre toute personne désignée « communiste».

Éric Zemmour, le polémiste d’extrême-droite installé à CNews, la chaîne d’infos du milliardaire Vincent Bolloré, a réagi en défendant ouvertement Papacito. Il a dit: « Jean-Luc Mélenchon dit que Papacito est mon ami. J'aime beaucoup Papacito. C'est un garçon sympathique, intelligent ».

Ces commentaires constituent d’odieuses menaces de mort contre les 20 pour cent de l’électorat qui ont voté Mélenchon en tant que candidat présidentiel en 2017. Le Comité international de la IVe Internationale (CIQI) et sa section française, le Parti de l’égalité socialiste (PES), ont maintes fois documenté leurs différends politiques principiels avec le populisme petit-bourgeois de Mélenchon et de LFI. Le PES appelle toutefois à défendre Mélenchon, les membres de LFI et leurs électeurs des menaces et des violences des néofascistes et de l’appareil médiatico-policier français.

Ces menaces font partie d’un effondrement mondial des normes démocratiques suite à des décennies d’austérité et de guerre, et à présent à la gestion meurtrière officielle de la pandémie. La classe dirigeante est non seulement discréditée par des niveaux insoutenables d’inégalité sociale, mais criminalisée par son soutien en sous-main pour des milices islamistes en Libye et en Syrie, et son refus de mener une lutte scientifique contre le coronavirus. Partout, des fractions de l’appareil d’État mobilisent des forces d’extrême-droite contre la montée de la colère sociale.

Aux USA, le président sortant Donald Trump a pris la décision sans précédent de tenter un coup d’État le 6 janvier, lançant une horde de néofascistes et de néonazis à l’assaut du Capitole à Washington pour empêcher la certification de l’élection de son rival, Joe Biden. En Espagne, le parti allié de Mélenchon, Podemos, est au pouvoir. Mais des hauts gradés néofascistes, couverts par les ministres de Podemos, ont menacé de lancer un coup d’État et de massacrer «26 millions » d’Espagnols trop à gauche à leur goût.

Contre cette menace, il ne suffit pas, comme l’indique Mélenchon, de s’en remettre pieusement à la protection de l’opinion. Presque 90 ans après l’installation de Hitler au pouvoir, une extrême-droite dangereuse et sanglante est en construction, couverte par un appareil policier doté de vastes pouvoirs. La seule stratégie viable contre la montée d’États policiers fascisants à travers l’Europe et l’Amérique est la construction d’un mouvement politique international parmi les travailleurs, c’est-à-dire la vaste majorité de la population, pour défendre les droits démocratiques et sociaux.

En effet, Mélenchon a brièvement évoqué lors de sa conférence de presse lundi que les menaces de Papacito étaient une réaction à son entrevue dimanche sur France Inter. Si Mélenchon n’a pas choisi d’éclaircir cette remarque, il est évident qu’à travers Papacito, la classe dirigeante envoyait un signal à Mélenchon qu’il était allé trop loin dans certaines critiques de l’influence de la police dans la vie politique française.

En effet, sur France Inter, Mélenchon avait mis en garde contre une répétition en 2022 de l’élection de 2017. Il a dit que le « système oligarchique » pourrait trouver « un autre petit Macron », après quoi, « on ne sait pas qui c’est, pouf il se fait élire président. C’est le système qui l’invente ». Il avait ensuite mis en cause le rôle de l’État dans le meurtre d’un policier, Xavier Jugelé, en 2017, juste avant les présidentielles, par un islamiste connu du renseignement, Karim Cheurfi.

Arrêté pour avoir menacé de tuer des policiers, Cheurfi avait amassé un arsenal d’armes à feu. La police l’avait toutefois relâché, prétendument parce ce qu’il n’aurait pas présenté une « dangerosité » suffisante. Il a ensuite assassiné le policier Jugelé, provoquant une propagande sécuritaire massive dans la presse qui a forcé la suspension du dernier débat présidentiel, cassé la dynamique électorale de Mélenchon et poussé les électeurs vers Macron. Le WSWS avait commenté à l’époque :

« Vu les faits qui ressortent sur le tireur présumé, il est presque impossible de ne pas conclure que l'attentat était une provocation qui impliquait des éléments des forces de l'ordre, dont plus de la moitié comptent voter pour le Front national (FN) de Marine Le Pen ».

Mélenchon, visiblement mécontent des circonstances de sa défaite en 2017, avait ajouté sur France Inter: «De même que vous verrez que dans la dernière semaine de la campagne présidentielle, nous aurons un grave incident ou un meurtre. Ça a été Merah en 2012 [l’auteur des attentats de Toulouse et de Montauban], ça a été [en 2017] l’attentat la dernière semaine sur les Champs Elysées … Tout ça, c’est écrit d’avance».

Si rien n’est «écrit d’avance» en dehors de la lutte des classes, en dépit des remarques fatalistes de Mélenchon, il avait toutefois commis un crime impardonnable aux yeux de la bourgeoisie française: il avait attiré l’attention sur le rôle antidémocratique de l’État policier.

Les milieux social-démocrates et de pseudo-gauche ont lancé un tir politique nourri non pas contre l’extrême-droite, mais contre Mélenchon. Libération a dénoncé la conférence de presse de Mélenchon lundi en la traitant de « diversion » pour couvrir sa faute sur France Inter. Le premier secrétaire du PS, Olivier Faure, a insisté qu’en 2022, Mélenchon ne pourra être « celui qui rassemble la gauche et les écologistes … Jean-Luc Mélenchon, ce qu’il dit est inacceptable, parce que la gauche ça n’a jamais été le populisme, ni le complotisme ».

Le site Révolution permanente du Nouveau parti anticapitaliste (NPA) a dénoncé la conférence de presse en la traitant de « sortie volontaire et irresponsable de Mélenchon ». Il a dit que Mélenchon utilise des « éléments rhétoriques à même d’alimenter des théories du complot, ce qui n’est pas acceptable pour un dirigeant politique qui aspire à représenter des idées progressistes».

Le NPA attaque Mélenchon non pas sur sa gauche, mais sur sa droite. Ayant couvert la collaboration entre le renseignement français et les milices islamistes en Libye et en Syrie, en prétendant que ces guerres étaient des révolutions démocratiques, le NPA couvre à présent les menaces posées par l’appareil policier aux droits démocratiques en France.

La défense des droits démocratiques nécessite la construction d’un mouvement international des travailleurs, indépendamment de toutes les forces petite-bourgeoises liées à l’État policier. A l’intérieur de ce mouvement, le PES luttera pour expliquer la nécessité d’une lutte politique socialiste pour le transfert du pouvoir à la classe ouvrière.

Voir aussi:

Des militaires français d’active publient une lettre menaçant d’un coup d'État
[12 mai 2021]

Les Français vont aux urnes sous la menace des armes
[22 avril 2017]

Un instrument de l'impérialisme: le Nouveau parti anticapitaliste français soutient la guerre contre la Libye
[28 mars 2011]

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