Le gouvernement Johnson annonce un report symbolique des plans de réouverture du Royaume-Uni

Le Premier ministre Boris Johnson a repoussé de jusqu'à quatre semaines la levée des dernières restrictions sanitaires en Grande-Bretagne.

Les restrictions actuelles sur les boîtes de nuit, les rassemblements en salle, certains grands événements et le nombre de clients des bars et restaurants resteront en place jusqu'au 19 juillet, à moins qu'un réexamen deux semaines avant ne rapproche cette date. Une exception a été faite pour les mariages et les funérailles où la limite de 30 personnes sera levée avec des règles de distanciation sociale maintenues.

Ces mesures sont des plus sommaires. Mais le fait que le gouvernement conservateur si déterminé à mettre fin au « dernier confinement » le « Jour de la liberté », dans une semaine, ait été contraint de faire un geste même si limité, souligne les graves dangers que la résurgence de la pandémie fait peser sur la classe ouvrière.

Johnson, celui qui a déclaré en octobre qu'il préférait « laisser les cadavres s'entasser par milliers » plutôt que d'imposer un confinement, ne modifie ses plans concernant la pandémie que lorsque la situation est potentiellement catastrophique et qu'une réaction violente risque de se produire dans la population.

Le premier ministre Boris Johnson donne une conférence de presse sur la pandémie de Covid avec le médecin-chef, le professeur Chris Whitty et le conseiller scientifique en chef, Sir Patrick Vallance. Au 9 Downing Street, 14 juin 2021 (crédit: photo par Andrew Parsons /No 10 Downing Street.

La semaine dernière, un sondage Opinium a révélé que 54 pour cent des sondés pensait que la date devrait être repoussée ; 62 pour cent ne voulaient pas mettre fin au port du masque, 60 pour cent pensaient que les boîtes de nuit devraient rester fermées et 57 pour cent pensaient que la limite de 30 personnes pour les rassemblements en plein air devrait être maintenue. Cette préoccupation réponse aux indications de plus en plus probantes que la Grande-Bretagne est au début d'une troisième vague de COVID-19, entraînée par un variant Delta plus dangereux.

Au cours des derniers jours, les preuves données par les scientifiques et les professionnels de la santé ont été accablantes et leurs avertissements très nets.

La moyenne sur sept jours des nouvelles infections quotidiennes est désormais au Royaume-Uni supérieure à 7 000, contre environ 1 500 à la fin du confinement du Nouvel An. Le nombre de cas double environ chaque semaine.

L'expert sanitaire Anthony Costello, membre de l'Independent SAGE (Groupe scientifique de conseil pour les urgences), a déclaré au Daily Mirror que le nombre réel de nouveaux cas quotidiens était probablement le double du total officiel et que « dans un mois, on sera jusqu'à 100 000 nouveaux cas par jour ».

Le professeur Andrew Hayward, membre de SAGE, est apparu dimanche à l'émission Andrew Marr de BBC One pour mettre en garde contre un « risque substantiel que nous puissions subir une vague d'hospitalisations qui exercerait une pression très importante sur le NHS [Service national de santé] à un moment où ce dernier essaie vraiment de traiter le grand retard du traitement des personnes en attente de soins hospitaliers.

La transmissibilité accrue du variant Delta était « extrêmement préoccupante » et sa probabilité plus élevée d'entraîner l’hospitalisation des malades « également extrêmement préoccupante ».

Des épidémies dans certaines régions du pays comme le Nord-Ouest commencent à se propager dans tout le pays. Plus de 7 millions de personnes, une sur huit, vivent dans des zones avec plus de 100 cas pour 100 000 habitants.

Une fois de plus, la pandémie frappe le plus durement la classe ouvrière. Un nombre disproportionné des zones les plus touchées se trouvent dans les zones les plus défavorisées du pays. Ces zones sont plus susceptibles d'avoir des taux de vaccination inférieurs à la moyenne nationale.

Londres est particulièrement à risque. Le 8 juin, seulement 55 pour cent des adultes de la capitale avaient reçu leur première dose de vaccin pour 69 pour cent dans les West Midlands ; le taux le plus élevé étant dans le Sud-Ouest avec 73 pour cent. L'écart est encore plus marqué pour les deuxièmes doses: 34 pour cent à Londres contre 51 pour cent dans les West Midlands et 56 pour cent dans le Sud-Ouest.

Toutes les régions du pays ont des communautés ayant des taux de première injection extrêmement faibles – environ 25 pour cent à Stamford Hill North à Londres, Hockley and Jewellery Quarter à Birmingham, et Harehills South à Leeds ; et environ 30 pour cent à Northampton Town Centre, Oldham Town South et Barton Hill à Bristol.

Au niveau national, 15 millions d'adultes, dont 2 millions de plus de 50 ans, n'ont pas été vaccinés.

Les cas sont pour l'instant concentrés chez les enfants d'âge scolaire et les jeunes adultes, mais ils sont en augmentation dans toutes les tranches d'âge. En effet, comme le Professeur Devi Sridhar, membre de SAGE, l’a déclaré à l’émission Today de BBC Radio 4, « l'inquiétude est que cela va progressivement se propager, comme lors des vagues précédentes, dans la population plus âgée.

Les niveaux actuels de vaccination ne suffisent pas à empêcher une recrudescence des cas et des hospitalisations. Selon Public Health England, une dose unique de n'importe quel vaccin n'est efficace qu'à 33 pour cent pour prévenir l'infection symptomatique par le variant Delta. Deux doses d'AstraZeneca sont efficaces à 60 pour cent et deux doses de Pfizer à 88 pour cent. En combinant ces chiffres avec le nombre de personnes encore non vaccinées, 68 pour cent des personnes n'ont effectivement aucune protection contre les symptômes du coronavirus.

Les vaccins ont considérablement réduit les risques qu'une personne infectée se retrouve à l'hôpital, mais les admissions ont recommencé à augmenter avec la propagation du variant Delta. Au début de l'année, environ 10 pour cent des personnes signalées comme infectées étaient hospitalisées. Ce chiffre est descendu à moins de 5 pour cent dû au programme de vaccination, mais il est passé à 5,4 pour cent depuis que le variant Delta s’est étendu.

Une flambée des cas de l'ampleur de janvier verra donc des milliers d'hospitalisations chaque jour. Les taux d'hospitalisation sont déjà en augmentation dans les zones les plus touchées par la troisième vague. La moyenne sur sept jours pour les patients COVID-19 dans les hôpitaux du Nord-Ouest est de 246, le plus élevé depuis le 24 avril. Pour Londres, le chiffre est de 253, le plus élevé depuis le 19 mai. Dans l'ensemble, les admissions à l'hôpital dues au COVID-19 au Royaume-Uni ont augmenté de 15,2 pour cent dans la semaine écoulée.

Le professeur Neil Fergusson, épidémiologiste à l'Imperial College de Londres qui conseille le gouvernement, a déclaré que la dernière modélisation de son équipe n'excluait pas « une troisième vague assez désastreuse ».

Rien de ce que Johnson a annoncé lundi n'empêchera ce désastre. Retarder la réouverture définitive laisse en place toutes les conditions qui permettent actuellement aux cas d'exploser, y compris des écoles ouvertes sans mesures pour circonscrire le virus et une économie presque entièrement rouverte. Le modèle du gouvernement reste celui «d’apprendre à vivre avec le virus » au lieu de le supprimer.

Cette politique meurtrière trouve son expression la plus grotesque et la plus hystérique dans les déclarations des députés conservateurs qui s'opposent même à ce qu’on fasse semblant de s’inquiéter de la pandémie.

Sir Charles Walker, vice-président du comité 1922 des députés conservateurs, a déclaré hier au parlement: « J'ai juste un sentiment de pessimisme écrasant maintenant que, si vous ne pouvez pas lever les restrictions au plus fort de l'été, alors vous cherchez presque certainement à maintenir ces restrictions, les resserrant en automne et en hiver […] Je crains qu'il ne s'agisse d'un sens unique vers de nouveaux confinements […] Le gouvernement a fait valoir que nous devons vivre avec COVID-19. Exister n'est pas vivre ».

Steve Baker, vice-président du Groupe de relance coronavirus, anti-confinement, des députés conservateurs, a déclaré: «Il est de plus en plus clair que les modélisateurs sont nos maîtres maintenant […] Boris Johnson devra faire extrêmement attention de ne pas les laisser nous diriger dans un confinement qui dure tout l'hiver ».

Un député conservateur de premier plan a déclaré au Sunday Telegraph : « Je suis très inquiet que les gens qui veulent nous maintenir confinés veuillent maintenant le faire définitivement et visent le « zéro Covid ».

Johnson poursuit fondamentalement la même politique que ces défenseurs ouverts de la souffrance et de la mort. Son délai de quatre semaines est à présent conçu pour mieux se préparer à une réouverture «irréversible» plus tard, même si les cas continuent d'augmenter.

(Article paru en anglais le 15 juin 2021)

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