L'OMS avertit que le variant Delta va «enlever» ceux qui ne sont pas vaccinés

Les responsables de l’OMS (Organisation mondiale de la santé) ont vivement averti lundi que le variant Delta du coronavirus représentait un danger majeur pour la population mondiale et que le taux des maladies graves et des décès pourrait augmenter fortement si les vaccinations n’étaient pas intensifiées, surtout dans les pays les plus pauvres.

Lors d’un point de presse, le directeur général de l’OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus, a déclaré que l’Afrique, les Amériques et l’Asie étaient «confrontées à de fortes épidémies. Ces cas et ces décès sont en grande partie évitables… L’accès inéquitable aux vaccins a démontré qu’en cas de crise, les pays à faible revenu ne peuvent pas compter sur les pays producteurs de vaccins pour répondre à leurs besoins».

Les employés d’un cimetière de Buenos Aires, en Argentine, transportent la dépouille d’une victime du COVID-19 pour l’enterrer, samedi 22 mai 2021. (AP Photo/Mario de Fina)

Ghebreyesus a rappelé le refus de fournir des médicaments antirétroviraux aux pays touchés par le Sida ainsi que les prix abusifs de l’insuline demandés aux pays touchés par le diabète alors que ce médicament était connu depuis un siècle. Il a critiqué l’industrie pharmaceutique et a plaidé pour le partage des connaissances techniques et le renoncement aux droits de propriété intellectuelle. «La crise du COVID-19 a montré que s’en remettre à quelques entreprises pour répondre aux besoins publics mondiaux est limitatif et dangereux» a-t-il dit.

La Dre Maria Van Kerkove, responsable technique de l’OMS pour le COVID-19, a expliqué que le variant Delta se répandait rapidement dans le monde. Il avait «la possibilité de se propager étant donné que nous avons une mixité sociale accrue. Il y a des relâchements des mesures sanitaires et sociales, ou bien une utilisation inappropriée [de celles-ci]… Et comme nous n’avons pas une vaccination complète, il va se propager».

Le variant Delta a été détecté dans 92 pays, a-t-elle précisé, mais jusqu’à présent les vaccinations à deux doses restaient « efficaces contre les maladies graves et la mort, mais nous avons besoin que deux doses soient administrées».

«Les mesures sanitaires sont efficaces, mais elles doivent être appliquées plus longtemps», a-t-elle déclaré, ajoutant: «Certains pays ont des mesures sanitaires et le vaccin. D’autres ont des mesures sanitaires sans vaccin. Ce n’est pas là un combat équitable contre ce variant».

Le Dr Mike Ryan, directeur exécutif du Programme des urgences sanitaires de l’OMS, a également souligné les dangers du nouveau variant pour les populations des pays les plus pauvres. On les avait largement privés d’accès aux vaccins à cause de la politique suivie par les principaux pays qui les produisent.

«Ce variant Delta en particulier est plus rapide, il est plus fort, il va s’attaquer aux plus vulnérables avec plus d’efficacité que les variants précédents», a-t-il déclaré, «et donc, si des personnes vulnérables ne sont pas vaccinées, elles courent un risque encore plus grand».

«Tous les virus ont été mortels à leur manière. Ce virus a le potentiel d’être plus mortel, car il est plus efficace dans sa façon de se propager entre humains, et il finira par trouver les personnes les plus vulnérables qui tomberont gravement malades, devront être hospitalisées et risqueront de mourir».

Et de conclure: «Nous pouvons protéger ces personnes dès maintenant avec des transferts relativement faibles de vaccins provenant de l’approvisionnement mondial. Nous pouvons protéger ces personnes vulnérables, ces travailleurs de première ligne. Et le fait que cela ne se soit pas produit, comme le directeur général l’a dit à maintes reprises, est un échec moral catastrophique, au plan mondial».

Ce dont parlaient les trois responsables de l’agence mondiale de la santé – tout en évitant de citer des noms – c’est la politique de nationalisme vaccinal, de thésaurisation des vaccins et de refus de céder les droits de propriété intellectuelle, pratiquée par les grandes puissances impérialistes, notamment les États-Unis, la Grande-Bretagne, la France et l’Allemagne.

Le gouvernement Biden aux États-Unis a refusé catégoriquement d’en appeler à Pfizer, Moderna et Johnson & Johnson pour qu’ils transfèrent leur technologie à l’Inde, à l’Afrique du Sud et à d’autres pays en développement disposant d’une capacité de production pharmaceutique ; et pour qu’ils cessent les prix abusifs qu’ils exigent pour des livraisons de vaccins vitales.

La Grande-Bretagne et l’Union européenne ont adopté une politique similaire vis-à-vis de leurs propres producteurs de médicaments.

Toutes les puissances impérialistes considèrent l’approvisionnement en vaccins comme une arme dans la lutte mondiale pour l’influence, le pouvoir et l’avantage stratégique qu’elle mènent contre la Chine et la Russie, ainsi que les unes contre les autres.

Quant à l’avertissement des médecins et scientifiques de l’OMS que le virus Delta «enlèvera» les personnes vulnérables, nombreux sont ceux qui, dans les classes dirigeantes des puissances impérialistes, voient cela comme une chose positive. Ils considèrent que la vie des personnes âgées et des infirmes dans leur propre pays leur retire des ressources qui pourraient être consacrées aux profits et à l’accumulation de richesses personnelles. Ils se soucient encore moins de la vie de centaines de millions de personnes confrontées à la maladie et à la mort dans les pays pauvres.

Le Dr Ryan a fait remarquer à juste titre que «l’évolution convergente» est une menace croissante pour l’humanité dans son ensemble. La mutation du coronavirus est facilitée et alimentée par l’existence d’un vaste réservoir de personnes non vaccinées. Aucun variant n’a encore trouvé la combinaison la plus fatale de transmissibilité et de létalité, a-t-il déclaré, mais le variant Delta est un pas important dans cette direction. Il y aurait encore bien plus de nouveaux variants potentiels si la pandémie n’était pas arrêtée.

Des centaines de millions de personnes sont également en danger dans les pays impérialistes, malgré les efforts des gouvernements et des médias patronaux pour répandre la complaisance et déclarer la pandémie terminée. En Grande-Bretagne, le variant Delta est maintenant devenu la souche dominante. Aux États-Unis, il représente désormais 19 pour cent de tous les cas contre 7 pour cent il y a deux semaines.

Huit États américains ont connu une forte augmentation du nombre de cas au cours de la semaine dernière en raison du variant Delta. Ce sont tous des États où le taux de vaccination est faible et dont les gouvernements ont interrompu pratiquement toutes les mesures de sanitaires anti-COVID-19.

Le gouvernement Biden a publié lundi une liste de distribution internationale pour une quantité dérisoire de 80 millions de doses de vaccins appartenant aux États-Unis. Étant donné que près de 6 milliards de personnes ne sont pas vaccinées dans le monde, c’est une petite goutte d’eau dans l’océan. La plupart de ces vaccins sont destinés à l’élite dirigeante et aux forces militaires des pays clients, comme les 2,5 millions de doses pour Taïwan qui a rejeté le Sinovax chinois, au détriment de sa propre population.

Quant à la fourniture de 2 milliards de doses promise par les États-Unis et les autres puissances à leur récent sommet du G7, vu que pour la plupart des vaccins une vaccination efficace nécessite deux doses, cela revient à déclarer que seul 1 milliard de personnes sur les 6 milliards non vaccinées peuvent espérer une aide des riches pays impérialistes. Les 5 milliards de gens restants devront faire face à la terreur d’un virus mortel avec pour seule protection des masques et une distanciation sociale limités, voire inexistants.

(Article paru d’abord en anglais le 22 juin 2021)

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