L’abstention record aux régionales expose le rejet de l’establishment en France

Après les résultats du premier tour des élections régionales, les listes avaient jusqu’à mardi pour faire des alliances pour le second tour qui aura lieu dimanche prochain. Marquée par un record d’abstention à plus de 66 pour cent, cette élection expose le rejet par les travailleurs et la population de la politique criminelle d’immunité collective sur la pandémie, ainsi que la politique autoritaire et austéritaire de l’ensemble de la classe politique.

Des alliances ont été nouées entre le PS-PCF-PRG et EELV en Bourgogne-Franche-Comté, Centre Val de Loire et Pays de la Loire. Cela n’évite pas une quadrangulaire dans le Pays de la Loire: François de Rugy (LREM), avec 11,97 pour cent des suffrages, s’est classé derrière le candidat du Rassemblement National, Hervé Juvin (12,53 pour cent). Tous maintiennent leur liste face à la présidente sortante Christelle Morançais (LR), arrivée largement en tête du premier tour dimanche avec 34,29 pour cent des voix.

En Auvergne-Rhône-Alpes, l'écologiste Fabienne Grébert (14,4 pour cent au premier tour), Najat Vallaud-Belkacem du PS (11,4) et la communiste Cécile Cukierman (5,5) ont annoncé lundi qu'elles feraient liste et programme communs pour tenter de déloger le président LR sortant, Laurent Wauquiez. Il a obtenu 48,8 pour cent.

Avec 41,39 pour cent des voix dimanche, le président sortant de la région des Hauts de France, Xavier Bertrand des LR a largement distancé son rival du RN Sébastien Chenu (24,37%). LREM, avec laquelle Xavier Bertrand avait d'emblée exclu toute alliance, a échoué à se qualifier, avec 9,13 pour cent. Sa tête de liste, le secrétaire d'Etat chargé des retraites Laurent Pietraszewski, a appelé à voter pour Xavier Bertrand.

En Île-de-France, les listes des Verts, PS et LFI fusionnent. L'écologiste Julien Bayou a réalisé le meilleur score au premier tour avec 12,95 pour cent des voix, contre 11,07 pour cent pour la candidate soutenue par le PS Audrey Pulvar et 10,24 pour cent pour Clémentine Autain. Il affrontera la présidente LR sortante Valérie Pécresse.

En région PACA, le candidat écologiste Jean-Laurent Félizia a finalement retiré sa liste pour le second tour après avoir refusé de le faire dimanche soir pour soutenir le président LR sortant Renaud Muselier. Ainsi ce dernier affrontera le candidat du Rassemblement National Thierry Mariani, en position favorable pour gagner cette région.

En revanche en Bretagne, Normandie, Nouvelle Aquitaine, Occitanie, Corse et le Grand Est, le PS, les écologistes et leurs satellites de pseudo gauche comme LFI ont échoué à fusionner leurs listes.

Ces fusions de liste, à travers lesquelles les partis établis tentent de garantir leurs positions et de barrer la route au FN, n’offrent rien aux travailleurs. Elles n’auront aucune légitimité car ces partis mènent malgré l’opposition de la population des politiques d’austérité et se sont rangées derrière la politique d’immunité collective de Macron et de l’UE qui a fait en France 111.000 morts depuis le début de la pandémie. L’aristocratie financière internationale et française a engrangé quant à elle des milliers de milliards d’euros.

Cette vague d’abstention souligne le discrédit généralisé de la classe dirigeante qui a pris de court les médias et les partis politiques eux-mêmes. Une forte opposition couve contre l’ensemble des partis politiques comme l’a évoqué Macron en ouverture du Conseil des ministres mercredi, indiquant que «cette abstention record constitue une alerte démocratique à laquelle il faut répondre».

Une enquête mené par les Ipsos/Sopra Stéria pour France Télévision révèle que 87 pour cent des 18-24 ans ne se sont pas exprimés dans les urnes et 83 pour cent des 25-34 ans. Dans la tranche d'âge d'au-dessus, les 35-49 ans, l'abstention est de 71 pour cent, un taux quasiment égal chez les 50-59 ans, qui sont 68 pour cent à ne pas s'être déplacés.

Selon la chaîne d’infos BMFTV, «l'écart au niveau des catégories socioprofessionnelles s'est réduit lors de ce premier tour. Toujours selon l'enquête Ipsos/Sopra Steria pour France Télévisions, 75 pour cent des employés et ouvriers se sont abstenus, mais également 69 pour cent de la catégorie dite supérieure (71 pour cent des artisans et commerçants et 69 pour cent des cadres). D'après une autre enquête Ifop-Fiducial pour TF1 et LCI, le taux est similaire chez les professions intermédiaires, avec 73 pour cent d'abstention.»

Ces enquêtes exposent le rejet de l’establishment politique par les travailleurs et les jeunes mais aussi par les couches de classes moyennes ou de petits propriétaires attaqués ou même ruinés par les politiques dictées par l’aristocratie financière. La répression policière a permis à Macron de stopper le mouvement des «gilets jaunes», mais le mécontentement social qui avait provoqué ce mouvement s’enracine et s’intensifie.

Malgré les sondages qui pariaient sur le RN vainqueur de cette élection, le premier tour a montré l’échec des néofascistes à se présenter comme étant en dehors de l’establishment politique. Marine Le Pen a traité l’élection de «désastre civique, qui a très largement déformé la réalité électorale du pays, et donne une vision trompeuse des forces politiques en présence». Elle a sommé ses électeurs de se mobiliser, faute de n’avoir pas pris «cinq minutes» pour aller voter.

Les médias ont tenté de présenter les menaces de coup d’État en France proférées par des officiers d’extrême-droite comme disposant d’un large soutien populaire. Marine Le Pen elle-même y a réagi favorablement, en appelant les officiers à soutenir sa campagne présidentielle. Or, sept électeurs de Le Pen sur dix (71 pour cent) ont ensuite boudé les urnes.

Le Pen est comme le reste de l’establishment politique complice de la politique sanitaire mortifère et de la régression sociale menée par la bourgeoisie à travers toute l’Union européenne. Le RN a pu exploiter démagogiquement la colère provoquée par les violentes politiques de droite menées par Macron, le PS ou Sarkozy. Mais sa montée n’est qu’un symptôme de l’extrême-droitisation de toute l’élite dirigeante, qui maintiendra les politiques fascisantes, répressives et chauvines au centre de la vie politique, quelle que soient les résultats électoraux obtenus par Le Pen.

Isolée et haïe, l’élite dirigeante se maintient au pouvoir surtout grâce à l’absence de perspective pour construire un mouvement politique parmi les travailleurs pour la renverser. Les régionales soulignent la faillite de Jean-Luc Mélenchon, de la France insoumise et d’autres forces de pseudo gauche en tant qu’alternative à Macron, les trois-quarts de l’électorat de Mélenchon (75 pour cent) s’étant abstenus du vote, selon une enquête Ifop-Fiducial. En effet, les appareils syndicaux liés à Mélenchon ont été en première ligne pour la mise en œuvre de la politique sanitaire de Macron.

Ceci souligne la nécessité de mener une lutte pour la construction d’un mouvement socialiste parmi les travailleurs à travers l’Europe et le monde, pour fédérer les colères et les mouvements d’opposition en une lutte consciente pour mettre le pouvoir aux mains des travailleurs.

Loading