Une étude d'imagerie britannique révèle une perte de matière grise dans le cerveau des patients infectés par le COVID-19

L’une des caractéristiques les plus reconnaissables de l’infection par le COVID-19 est la perte de l’odorat et/ou du goût. Ce sont des troubles qui précèdent souvent les symptômes respiratoires et qui touchent plus de 80 à 90 pour cent des personnes infectées. Dès le début de la pandémie, les cliniciens ont commencé à associer l’apparition soudaine de ces symptômes sans cause sous-jacente à une infection par le virus SRAS-CoV-2.

Image CT d'un cerveau normal (Source: Wikimedia Commons)

Les autres symptômes neurologiques comprennent des maux de tête, de la fatigue, des nausées et des vomissements chez de nombreuses personnes infectées. Dans les cas graves, des accidents vasculaires cérébraux ou des troubles de la conscience peuvent survenir. Le neurotropisme viral, un terme qui décrit la capacité des virus à infecter les tissus nerveux, a été avancé comme pouvant être à l’origine de certains de ces symptômes. Pourtant, les preuves de l’invasion directe du système nerveux central (SNC) par le virus sont limitées.

Au cours de la pandémie, la capacité neurotrope du virus SRAS-CoV-2 a fait l’objet de recherches intenses. Étant donné la manifestation neurologique des symptômes du COVID long et son impact sur la cognition, il est essentiel de comprendre si le SNC est directement affecté par le virus vivant ou si ces symptômes sont un sous-produit de la réponse de notre système immunitaire à l’infection.

Souvent, la littérature actuelle sur ce sujet ne repose que sur une petite série de cas, dont l’analyse peut faire fausse route par un manque de comparaisons avec des individus non infectés, ce qui conduit à des résultats et des conclusions contradictoires. Même un grand nombre des rapports de neuro-imagerie publiés se réalisent chez des personnes qui présentent des symptômes aigus, ce qui révèle un large éventail de résultats, mais sans schéma cohérent qui permet d’élucider l’impact de l’infection sur le cerveau en général.

Par exemple, dans un rapport intrigant publié dans Nature en novembre 2020, les auteurs de l’Université de médecine de la Charité, à Berlin, ont résumé leurs conclusions après avoir effectué une évaluation post-mortem minutieuse de la «muqueuse olfactive, de ses projections nerveuses et de plusieurs régions définies du SNC (système nerveux central)» chez 33 personnes décédées du COVID-19. Selon l’étude, un tiers d’entre eux présentaient des symptômes neurologiques graves avant de succomber à leur infection. Le système olfactif est la structure qui compose le nez, les cavités nasales et les nerfs qui transportent l’odorat vers les régions du cerveau qui le perçoit.

Les auteurs écrivent: «L’ensemble de nos résultats prouve que la neuro-invasion du SRAS-CoV-2 peut se produire à l’interface neuronale muqueuse par une entrée transmuqueuse (voies nasales) via les structures nerveuses régionales. Cette pénétration peut être suivie d’un transport le long du tractus olfactif du SNC, ce qui explique certains des symptômes neurologiques bien documentés dans l’étude COVID-19, notamment les altérations des perceptions olfactives et gustatives».

La muqueuse olfactive est située sous une fine bande d’os perforée appelée la plaque cribriforme.

Anatomie de la tête avec le nerf olfactif, y compris les étiquettes pour la cavité nasale, les nerfs olfactifs, la plaque criblée, le bulbe olfactif et les voies olfactives. Source: Wikipedia

Les neurones sensoriels qui détectent les odeurs sont enfilés depuis ces trous jusqu’au cerveau situé juste au-dessus. Les autres résultats de l’étude comprennent des caillots sanguins microscopiques dans six cas d’infarctus cérébral récemment localisé.

Le Dr Kiran T. Thakur, neurologue au Columbia University Irving Medical Center à New York, a expliqué au Washington Post que la capacité du virus à pénétrer plus profondément dans le tissu cérébral a des conséquences critiques. «Une personne qui a un virus dans le cerveau peut avoir des symptômes liés à l’atteinte du cerveau. Les virus qui envahissent le cerveau sont difficiles à éradiquer, car une barrière protège le cerveau du reste du corps. Une fois que les virus pénètrent dans le cerveau, cet organe peut devenir un refuge pour les passagers clandestins».

Toutefois, pour contrer les conclusions de l’étude de l’Universtité de la Charité, le chercheur et ses collègues ont récemment publié une étude qui a révélé que les niveaux du virus réel dans le cerveau, par rapport aux cavités nasales, étaient très faibles. Ces résultats ont été corroborés par le neuropathologiste Frank Heppner de la Charité, qui a étudié les cerveaux de plus de 100 victimes du COVID-19. Dans leurs conclusions, qui n’ont pas encore été publiées, il a déclaré au Post: «[nos] investigations montrent de faibles quantités de virus dans le cerveau».

C’est précisément parce que c’est urgent de mener de grands essais bien conçus pour répondre à ces questions que les conclusions d’une nouvelle étude britannique d’imagerie cérébrale sont assez importantes.

Avant le début de la pandémie, la UK Biobank, une étude à long terme de 30 ans établie en 2006 pour suivre 500.000 volontaires âgés de 40 à 69 ans afin d’étudier les contributions de la génétique et de l’exposition environnementale au développement de la maladie, avait déjà réalisé 40.000 scans du cerveau. Dans le contexte du COVID-19 et de son association avec le cerveau, comme par hasard, les scientifiques de l’Université d’Oxford et de l’Imperial College London ont invité des centaines de ces volontaires à participer à une deuxième visite d’imagerie en 2021 pour étudier la corrélation.

Comme l’ont souligné les auteurs, il s’agit de la première étude d’imagerie longitudinale à grande échelle chez des patients atteints de COVID-19 dont on a comparé les images cérébrales à ceux d’avant la pandémie et à des témoins bien appariés (pour l’âge, le sexe, l’origine ethnique et l’intervalle entre les deux images) en comparant des personnes déclarées positives et négatives au COVID-19. Il y avait 394 patients COVID et 388 témoins. Les conclusions de l’étude ont été publiées sur le serveur de préimpression medRxiv.

Les auteurs ont écrit que leurs résultats «ont révélé un impact significatif et délétère du COVID-19 sur le cortex olfactif (région du cerveau responsable de la perception des odeurs) et le cortex gustatif (goût et saveur), avec une réduction plus prononcée de l’épaisseur et du volume de la matière grise dans le gyrus parahippocampique gauche, l’insula supérieure gauche et le cortex orbitofrontal latéral gauche chez les patients COVID». Il convient de souligner que cette étude a fourni des preuves objectives de l’impact destructeur du COVID sur le cerveau.

La matière grise, répartie à la surface du cerveau, contient la plupart des corps cellulaires neuronaux du cerveau et contrôle essentiellement toutes les fonctions de notre cerveau. En plus d’impliquer les sens de l’odorat et du goût, les zones mentionnées jouent un rôle dans la mémoire et les réactions émotionnelles. Les résultats de l’étude sont troublants, car les cerveaux des personnes qui présentent des cas légers d’infection par le COVID-19 étaient similaires à ceux d’un petit nombre de patients hospitalisés qui souffrent d’une maladie grave, ce qui laisse penser que l’impact sur le cerveau n’est pas lié à la gravité de la maladie.

L’autre aspect de l’étude qui la rend convaincante est sa nature longitudinale avec des contrôles appariés qui ont assuré les chercheurs que ces résultats étaient exempts de biais d’interprétation substantiels qui provenaient d’études de cas. Cependant, il reste à mieux comprendre si ces résultats sont un sous-produit d’une infection directe par le virus ou des changements immunitaires/inflammatoires causés par la maladie.

Ils résument que «la nature limbique des régions du système olfactif, et leur proximité physique avec l’hippocampe, en particulier, soulèvent la possibilité que les conséquences à plus long terme de l’infection par le SRAS-CoV-2 – pour laquelle certains suggèrent que le coronavirus lui-même pénètre dans le cerveau par la voie olfactive – puissent à terme contribuer à la maladie d’Alzheimer ou à d’autres formes de démence».

Imagerie IRM du système nerveux olfactif. a: vue frontale - flèche blanche pointant vers la plaque cribriforme et pointe blanche montrant le bulbe olfactif. b: vue latérale - image du bulbe olfactif placé sur la plaque cribriforme. c: vue frontale - tractus olfactif entre le gyrus droit et le gyrus médio-orbitaire. d: Vue latérale - tractus olfactif sous le lobe frontal (pointe de la flèche blanche). Source: imagerie diagnostique et interventionnelle.

Les preuves convaincantes du lien entre le COVID-19 et les effets à long terme sur le cerveau et le système nerveux ont conduit au lancement, en janvier 2021, d’une vaste étude internationale sur la corrélation entre le virus SRAS-CoV-2 et les problèmes à l’origine du déclin cognitif, de la maladie d’Alzheimer et d’autres démences qui touchent les personnes âgées.

Depuis des décennies, les preuves s’accumulent que les virus respiratoires, y compris les coronavirus, peuvent potentiellement augmenter le risque de ces maladies neurologiques. Des preuves circonstancielles existent à cet égard après la grippe espagnole. Des chercheurs de près de 40 pays vont recruter et suivre 40.000 participants âgés de plus de 50 ans qui ont survécu à des infections par le COVID-19 afin de répondre à ces questions essentielles.

L'un des principaux auteurs de l'étude internationale, le Dr Gabriel A. de Erausquin du Glenn Biggs Institute pour l’Alzheimer et les maladies neurodégénératives de l'UT Health San Antonio, a expliqué: «La piste du virus, lorsqu'il envahit le cerveau, mène presque directement à l'hippocampe. On pense que c'est l'une des sources de la déficience cognitive observée chez les patients atteints de la maladie COVID-19. Nous pensons que cela peut également expliquer en partie pourquoi il y aura un déclin cognitif accéléré au fil du temps chez les personnes vulnérables».

Étant donné que les estimations du fardeau mondial des infections par le COVID-19 se chiffrent en centaines de millions, voire en milliards, les implications sociales et économiques de l’impact de la pandémie seront considérables, surtout dans les décennies qui précéderont la fin éventuelle de la pandémie.

Le Dr Erausquin a ajouté: «Cela m’inquiète vraiment, parce que si vous pensez que nous sommes déjà, dans les pays développés du moins, une population vieillissante, et que le taux de démence et de maladies du cerveau soit déjà susceptible d’augmenter, l’impact d’un coup supplémentaire sur le cerveau qui peut accélérer ou précipiter la maladie sans aucun facteur de risque supplémentaire, c’est un constat effrayant».

La variante Delta, plus transmissible, est en bonne voie de devenir la souche dominante aux États-Unis et dans toute l’Europe avant la fin de l’été. Dans le contexte de l’abandon complet de toutes les mesures de santé publique et de la réouverture des écoles, les enfants d’âge scolaire et les jeunes adultes qui sont, pour la plupart, toujours sans vaccin, risquent de subir des conséquences considérables sur leur santé neurologique à long terme. La majorité de la population de la planète n’a pas été exposée au virus. Si ces personnes survivent à l’infection, ce qui sera le cas de la plupart d’entre elles, quel impact aura eu la réponse criminelle à la pandémie, qui continue de faire passer les profits avant les vies humaines, sur le restant de leurs jours?

(Article paru en anglais le 25 juin 2021)

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