La grève de Volvo Trucks entre dans sa quatrième semaine et doit sortir de l’isolement de toute urgence

Alors que la grève de près de 3.000 travailleurs de Volvo Trucks dans le sud-ouest de la Virginie entre dans sa quatrième semaine, il est de plus en plus évident que les travailleurs sont engagés dans une bataille contre des adversaires impitoyables et acharnés.

Les forces de réserve de l'ennemi ne doivent pas être sous-estimées: tant que la grève restera confinée à l'usine de New River Valley, la compagnie tiendra bon et cherchera par tous les moyens à briser la volonté et l'unité des travailleurs. La tâche la plus urgente est donc de mettre fin à l'isolement de la grève et mobiliser le renfort de travailleurs des autres usines Volvo, notamment Mack Trucks, et du reste de l'industrie automobile.

Les problèmes auxquels sont confrontés les travailleurs de Volvo sont ceux de toute la classe ouvrière. Il est donc essentiel que les travailleurs agissent pour garantir le succès de la lutte. Des comités de solidarité de la base doivent être formés pour aider la grève par le biais de manifestations, de grèves du zèle et d’autres actions de solidarité, et par la fermeture des industries de fabrication d’automobiles et de camions.

Travailleurs de Stellantis à l'usine d'assemblage de camions de Warren (WSWS Media)

Les travailleurs de Volvo ont montré qu’ils sont absolument déterminés à inverser l’érosion de leurs conditions de vie et de travail, qui dure depuis des décennies. Ils ne voient aucune raison d’accepter une hausse du coût des soins de santé, le maintien du système détesté de salaires et prestations sociales à plusieurs vitesses, la fin de la journée de huit heures et d’autres abandons, alors que la compagnie a réalisé des profits massifs durant toute la pandémie et distribué des milliards de dividendes à ses investisseurs.

Les déclarations et lettres ouvertes du comité de base des travailleurs de Volvo, qui s’est imposé comme le nouveau leader de la lutte chez Volvo, ont exprimé ces sentiments largement répandus et unifié l’opposition des travailleurs aux exigences de l’entreprise, mobilisant le rejet massif des deux accords précédents.

Volvo, pour sa part, a clairement indiqué qu’il refusait de céder. Dès le début de la deuxième grève de l’année, le 7 juin, l’entreprise a pris toutes les mesures nécessaires pour la briser, même les plus dures, comme l’annulation immédiate de la couverture des soins de santé et des autres assurances des travailleurs, l’envoi d’avis de licenciement, l’intervention de la police contre les piquets de grève et le recours aux briseurs de grève pour maintenir les opérations.

Mais les grévistes ne se heurtent pas seulement au groupe Volvo, un géant international doté de ressources et d’une expérience considérables, ainsi que de puissants alliés financiers et politiques. Ils se battent également contre le syndicat UAW (United Auto Workers ) qui a œuvré depuis le début de la lutte sur le contrat de cette année pour que les exigences de l’entreprise soient imposées, et qui fait en ce moment tout ce qu’il peut pour isoler et saboter la grève.

Il est à présent indéniable que l’UAW laisse délibérément ses centaines de milliers de membres dans l’ignorance totale de la grève, ne publiant rien à son sujet sur son site Web national ou sur sa page Facebook ; le syndicat n’a fait aucune déclaration durant les trois dernières semaines.

En même temps, l’UAW a affamé les travailleurs en ne leur donnant que 275 dollars (230 euros) par semaine en provenance de son fonds de grève de près de 800 millions de dollars. Le syndicat continue par contre à distribuer des milliers de dollars par semaine en moyenne, en salaires hypertrophiés à des centaines de bureaucrates à son siège mal nommé de «Solidarity House». De façon scandaleuse, la section locale 2069 a annoncé vendredi que les chèques de grève ne seraient pas disponibles avant lundi, deux jours plus tard que ce qu’elle avait dit aux travailleurs être le jour normal de distribution.

L’UAW n’a rien dit aux travailleurs en grève de Volvo sur ce qu’elle négocie avec la compagnie après la reprise officielle des pourparlers sur un troisième contrat la semaine dernière, ni quels termes il exige qui soient différents des deux accords que les travailleurs ont déjà massivement rejetés.

Il faut regarder les faits en face: l’UAW garde le silence sur ses «négociations» à huis clos avec l’entreprise parce qu’elle ne négocie rien du tout. Au contraire, elle est engagée dans des séances de stratégie avec ses partenaires du groupe sur la meilleure façon de briser la résistance de la base et de faire passer les exiegences de l’entreprise.

La bureaucratie de l’UAW isole la grève à l’usine Volvo de New River Valley et cherche à la garder secrète pour les travailleurs de toute l’industrie automobile, parce qu’elle considère l’extension de la lutte comme la principale menace à la fois pour les gains de l’entreprise et pour ses propres intérêts, qui sont entièrement liés aux profits de l’entreprise.

L’UAW a été rejointe dans sa conspiration du silence par la presse patronale américaine qui a occulté la grève et par des organisations se disant «de gauche» ou même «socialistes», comme les Socialistes démocrates d’Amérique (DSA) et le magazine Jacobin, l’un des principaux organes de presse des DSA.

À ce jour, Jacobin et les autres publications des DSA n’ont absolument rien publié sur la lutte chez Volvo. Leur silence complet sur la grève contraste fortement avec leur couverture intégrale de la campagne de syndicalisation des travailleurs de l’usine Amazon de Bessemer en Alabama, soutenue par le gouvernement Biden, le Parti démocrate et même des secteurs du parti républicain.

Si les DSA sont restés silencieux sur cette grève, c’est parce qu’ils sont instinctivement hostiles à toute mesure prise par les travailleurs indépendamment de la bureaucratie syndicale où les membres des DSA occupent eux-mêmes des positions de plus en plus importantes.

Des luttes telles que celle de Volvo, qui a éclaté en un conflit ouvert avec l'appareil syndical, sont redoutées comme la peste par les couches supérieures de la classe moyenne qui contrôlent l'UAW et l'AFL-CIO, ainsi que par les DSA. Ils craignent que la grève de Volvo ne déclenche un mouvement de plus en plus large des travailleurs pour des salaires et des avantages plus élevés ; cela menacerait les bénéfices des sociétés et donc les portefeuilles d'actions et comptes d'investissement considérables des dirigeants syndicaux et de leurs alliés.

Volvo et ses alliés syndicaux ne sont pas les seuls à avoir intérêt à ce que les revendications des travailleurs soient étouffées. Les principaux actionnaires de Volvo, y compris les grandes sociétés d'investissement telles que la société suédoise Industrivärden et la société américaine BlackRock, ont des centaines de millions, voire des milliards, en jeu.

L'importance de la grève et son impact potentiel sont cependant encore plus vastes. Comme l'a déclaré un travailleur de Volvo en grève au WSWS la semaine dernière, «si nous obtenons des gains dans un contrat, cela pourrait être le début d'un grand mouvement dans le monde entier».

Avec la montée en flèche des prix des denrées de base, les milieux dirigeants et la presse financière se montrent de plus en plus inquiets quant à un mouvement généralisé en faveur d’une hausse des salaires, notamment par les travailleurs du secteur manufacturier. Vendredi, un article de la section économique du New York Times a cité un économiste déclarant que la «question clé» pour la Réserve fédérale était de savoir si une hausse de l’inflation entraînerait une augmentation des salaires et «augmenterait encore les attentes en matière d’inflation».

L'implication est qu'une poussée des salaires menace d'éroder les bénéfices, voire d'éclater les énormes bulles spéculatives créées par la quasi gratuité de l'argent accordé par les banques centrales aux grandes banques et entreprises.

Les travailleurs de Volvo sont en grève pour obtenir ce dont ils ont besoin pour vivre. Mais pour obtenir ce qu’ils demandent, ils doivent lutter pour leurs intérêts de classe de façon tout aussi consciente et implacable que leurs adversaires.

La grève a suscité l’intense sympathie des travailleurs qui en entendent parler, qu’ils vivent à Macungie, en Pennsylvanie, à Silao, au Mexique, ou à Brisbane, en Australie, parce qu’ils sont confrontés partout à la stagnation des salaires, à la hausse des prix, à l’effondrement des prestations sociales et à la trahison des syndicats.

Cette sympathie doit maintenant être mobilisée et transformée en soutien et en aide actifs.

L’immense pouvoir potentiel de la classe ouvrière, qui ne peut être réalisé que par son action et son organisation collectives, doit être mis à contribution afin de mettre fin à l’isolement de la grève chez Volvo. Il est crucial que les travailleurs de l’automobile et les travailleurs de Mack Trucks en particulier, viennent en aide à leurs frères et sœurs.

Le WSWS Autoworker Newsletter appelle les travailleurs à former des comités de solidarité. Pour 1) exiger que les travailleurs en grève de Volvo reçoivent un revenu complet du fonds de grève de 790 millions de dollars de l’UAW, qui provient des cotisations des travailleurs; 2) briser le black-out sur la grève en faisant circuler l’information dans chaque usine; 3) prendre des mesures pour faire en sorte que Volvo ne puisse pas continuer ses opérations pendant la grève, notamment la fermeture des usines Mack ; 4) préparer des manifestations, grèves du zèle et autres actions de solidarité dans l’ensemble de l’industrie automobile, dont les travailleurs sont eux aussi confrontés aux bas salaires, à la fin des mesures de sécurité COVID-19 et à d’autres attaques contre leurs emplois.

Nous encourageons les travailleurs de l’automobile et les autres travailleurs francophones du monde entier à envoyer des déclarations de soutien aux travailleurs de Volvo en grève, en utilisant le formulaire ci-dessous.

(Article paru d’abord en anglais le 28 juin 2021)

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