«Les riches ont peur de voir sortir les fourches»

Les travailleurs de Volvo Trucks demandent à voir tout le contrat et une semaine de plus avant de voter sur l’accord de capitulation de l’UAW

La grève de près de 3.000 travailleurs de Volvo Trucks à Dublin (Virginie) entre dans sa cinquième semaine et l’opposition grandit à l’accord de principe pour un nouveau contrat de six ans proposé par le syndicat UAW (United Auto Workers). Le nouvel accord prévoit des augmentations de salaire bien inférieures au taux d’inflation et une hausse des frais de santé pour les travailleurs, actifs comme retraités. C’est tout au plus une répétition des deux accords déjà proposés et soutenus par l’UAW, que les travailleurs ont rejetés à 9 contre 1 en mai et en juin.

Les travailleurs de Volvo Truck le mois dernier [Source: UAW 2069].

Les travailleurs de Volvo exigent qu’on publie la copie intégrale de la nouvelle proposition et toutes les lettres d’entente et protocoles d’accord associés. L’UAW n’a rien voulu divulguer à part quelques pages de l’accord provisoire sur lesquelles figurent de prétendues améliorations par rapport aux accords précédents. Le contrat complet est sous clé dans le local syndical de l’UAW 2069. Apparemment, les travailleurs sont autorisés à voir le document, qui compte plusieurs centaines de pages, mais pas à en obtenir eux-mêmes une copie.

Craignant les travailleurs, l’UAW n’a même pas convoqué d’assemblées générales avant le vote de ratification, prévu vendredi. A la place, les responsables syndicaux locaux ont instruit les travailleurs d’aller au local syndical, encore une fois tout seuls, s’ils veulent poser des questions sur l’accord aux représentants locaux de la région 8 et de l’UAW International.

Le long week-end du 4 juillet se terminant lundi, l’UAW ne donne pratiquement que trois jours aux travailleurs pour examiner et discuter l’accord, qui dictera leurs salaires, avantages sociaux et conditions de travail jusqu’en 2027.

«Nous devons avoir le contrat complet et une semaine supplémentaire pour tout passer en revue avant de voter», a déclaré un travailleur Volvo en grève au «World Socialist Web Site». «Tout le monde doit le passer au crible, et avec le 4 juillet, nous n’avons pas eu le temps».

«Nous devrions tenir au moins deux réunions par semaine auxquelles tout le monde peut assister et poser des questions. C’est comme cela qu’on réfléchit. Si les travailleurs y réfléchissent clairement, ils le rejetteront».

«C’est pourquoi l’UAW n’a pas convoqué de meeting de masse – elle a peur de le faire. Tout ce qu’ils disent, c’est: “Passez à la salle des syndicats pour nous poser des questions”. Le président de la section locale 2069, Matt Blondino, et le comité de négociation ont peur de se présenter devant les membres».

«L’UAW nous a renvoyés au travail [après la première grève] pour que Volvo puisse sortir des centaines de camions supplémentaires. Les stocks sont en train de diminuer et si nous rejetons à nouveau le contrat, cela mettrait vraiment sous pression les superviseurs de Volvo et leurs patrons en Suède.»

Le Comité des travailleurs de la base de Volvo, qui a mené l’opposition aux contrats de capitulation et se bat pour l’extension de la grève à tous les sites Volvo, a publié une déclaration appellant les travailleurs à voter «non» vendredi. Cette déclaration demande également la publication de l’intégralité du contrat, au moins 10 jours avant tout vote, trois réunions des membres pour en discuter, la supervision du vote par la base et l’octroi d’une indemnité de grève égale au salaire hebdomadaire.

«D’après les informations divulguées», a déclaré un autre gréviste, “l’entreprise a abandonné la proposition de journée de travail de 10 heures, mais nous avons toujours le système de points pour discipliner les travailleurs en cas d’absentéisme, et nous devons utiliser toutes nos vacances avant de recourir au FMLA [Family and Medical Leave Act]. Ils essaient d’inciter les travailleurs embauchés entre 2011 et 2015 à voter pour cette proposition en les faisant passer directement au salaire le plus élevé. Mais il n’y a pas de COLA [ajustement du coût de la vie], le coût de l’assurance maladie augmente toujours et il faudra encore six ans aux nouveaux travailleurs pour atteindre le salaire maximum. Ce serait autre chose si tout le monde passait tout de suite au Core Group [ancienneté et salaire les plus élevés] et si tout le monde gardait son assurance, mais ce n’est pas ce qui se passe.

«La plupart des travailleurs du Core Group sont contre, mais l’UAW essaie de leur faire peur en disant que si nous votons contre, ils feront appel à un médiateur, et que l’accord obtenu alors serait encore pire. Ces personnes au pouvoir ont tort de recourir à l’intimidation pour obtenir un vote favorable. C’est juste une autre tactique pour faire peur. Je vois toujours une majorité de gens voter contre ce projet parce que les gens se serrent les coudes».

Il a également soutenu l’appel à la supervision du vote par la base. «C’est plus facile de manipuler le vote quand ce n’est pas un rejet à 90 pour cent. Nous allons devoir surveiller le vote et le décompte avec des yeux de faucons pour les empêcher de le manipuler».

Il a encore condamné l’UAW pour avoir délibérément dissimulé des informations sur la grève aux autres membres de l’UAW dans l’industrie automobile.

«L’UAW n’a rien fait pour rendre la grève publique. Si c’était un syndicat, ce serait la première chose qu’il ferait. Mais l’entreprise et le syndicat avaient une stratégie depuis le début pour faire passer un contrat préétabli, et nous nous sommes mis en travers. Ils ont élaboré une stratégie pour baiser leurs propres employés. Ce serait une chose s’ils souffraient de la pandémie. En 2008, ils étaient en difficulté, et nous avons pris des coupes sévères comme une réduction de salaire de 6 dollars de l’heure pour les nouveaux embauchés. Maintenant, l’entreprise fait de l’argent à tour de bras et elle veut encore nous en prendre un tas».

«Les travailleurs en ont assez de tout cela. Les riches ont peur de voir sortir les fourches. Ça touche à sa fin et les travailleurs veulent renverser la situation.»

L’UAW est terrifiée par le soutien croissant dont bénéficient les grévistes de Volvo, comme celui des travailleurs de Mack Trucks en Pennsylvanie et dans le Maryland qui sont furieux de devoir utiliser des pièces produites par des jaunes provenant de l’usine en grève de Virginie.

Des travailleurs de Ford à Chicago soutiennent les grévistes de Volvo (WSWS Media)

Un travailleur de Mack-Volvo d’Allentown a dénoncé l’accord que l’UAW tente de faire avaler aux grévistes. «Si le contrat est aussi bon qu’ils prétendent, pourquoi ne peuvent-ils pas le montrer aux travailleurs?»

«L’UAW nous a fait la même chose lorsque nous étions en grève en 2019. Ils ont dit qu’ils avaient un excellent contrat, nous ont renvoyé au travail et ont arrêté la grève. Puis ils ont fait passer le mauvais contrat une fois qu’ils nous avaient fait revenir dans l’usine. La seule chose que l’on entend sur la grève vient du “World Socialist Web Site”. Nous n’entendons rien de la part des républicains ou des démocrates».

Les travailleurs publient également des déclarations du Comité des travailleurs de la base de Volvo et des articles du WSWS sur les pages Facebook locales de ceux de New River Valley.

Dans les commentaires sur la page de la section locale 2069, des travailleurs dénoncent la trahison de l’UAW et appellent à l’unité des travailleurs dans toute l’industrie. On pouvait lire dans un post: «En tant que membre de l’UAW qui en a lui aussi assez des conneries de l’IUAW, je veux juste dire que je suis vraiment fier de mes frères et sœurs chez Volvo qui ont tenu tête à la direction de l’entreprise et du syndicat. Restez forts!»

Un autre a déclaré: «En tant que retraité de Volvo, à quoi donc ça sert d’avoir un syndicat si les employés ne peuvent pas voter comme ils le veulent. Je vois des affiches le long de la route où on recherche des gens avec un salaire de départ de 13 à 17 dollars de l’heure. On dirait bien que Volvo ne vous offre pas plus que la dernière fois, et l’UAW accepte.»

«Comme retraités, on s’est tout de même fait avoir», peut-on lire dans un autre post. «On nous a dit que quand on prendrait notre retraite, on aurait des droits acquis et qu’on garderait les avantages qu’on avait en partant en retraite. Quel tas de conneries. J’ai pris ma retraite avec tous les avantages et maintenant il faut que je paie l’assurance qu’on m’avait promise. Quelle foutaise!!!!!!!!»

Un autre post faisait référence à Ray Curry, l’ancien secrétaire au Trésor de l’UAW qui vient d’être installé à la présidence de l’UAW. Curry a trahi la grève de 2019 des travailleurs de Mack-Volvo et a signé les deux contrats de Volvo NRV, que les travailleurs ont répudiés.

«Véreux!!!!! Va-t-il se construire une maison de luxe s’il fait ce que l’autre président international a fait???… Est-ce qu’il profite de ce qu’il fait économiser à Volvo avec ce contrat???? Pourquoi serait-il promu au poste de président en plein règlement du contrat???? Il y a là une sale anguille sous roche!!!»

Un autre gréviste de Volvo écrit: «Ils n’ont rien fait pour les retraités. Maintenant, ils font la tactique du diviser pour mieux régner. J’espère que ceux du groupe [des meilleurs salaires] peuvent voir ce qu’ils sont en train de faire. Si ce groupe tombe dans le panneau, il finira par souffrir de son choix. L’accord actuel ne vaut pas la peine de briser la solidarité. L’entreprise peut mieux.»

(Article paru d’abord en anglais le 6 juillet 2021)

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