Les travailleurs de Volvo Trucks revotent sur le rejet de leur contrat déjà rejeté, alors que l'opposition à la collusion de l'UAW avec les entreprises s'intensifie.

L’opposition des travailleurs de Volvo Trucks en Virginie a continué de croître à la veille du nouveau vote ordonné par le syndicat United Auto Workers sur un troisième accord de principe, que près des deux tiers des effectifs ont déjà rejeté. Le vote devait commencer hier à 6h30 dans la salle syndicale de la section 2069 de l’UAW à Dublin, et les résultats être publiés peu après la fermeture du vote, à 17h30.

Dimanche dernier, deux jours après que les travailleurs eurent rejeté l’accord par 60-40 pour cent, Volvo avait déclaré avoir atteint une «impasse». Il imposerait les termes de sa «dernière, meilleure et ultime» offre lundi et rouvrirait l’usine avec des briseurs de grève. Loin de s’opposer à cette provocation, l’UAW a immédiatement annoncé qu’elle organiserait un nouveau vote et déposerait éventuellement une «plainte pour travail déloyal» plus ou moins sans conséquence contre Volvo auprès du Conseil national des relations du travail (National Labor Relations Board).

Travailleurs de Volvo en grève (Source: UAW L. 2069)

Un nombre négligeable de travailleurs ont rompu les rangs et franchi les piquets de grève. Les grévistes ont déclaré n’en avoir vu que quelques dizaines, parmi lesquels du personnel de direction, se présenter au travail. Son stock de camions étant presque épuisé en raison de la grève, la compagnie fait pression sur les cols blancs, entre autres sur les ingénieurs de son siège social de Greensboro, en Caroline du Nord, pour qu’ils reprennent la production de camions à raison de 10 par jour.

«Volvo a organisé une réunion avec ses cols blancs pour demander à des volontaires de se laisser transporter en bus jusqu’à New River Valley», a déclaré un travailleur au WSWS. La firme « paiera leurs repas et leur hôtel, et a en fait loué un hôtel entier pendant 4 semaines. Les cols blancs feraient des travaux de production pendant 4 semaines pendant que les autres se mettraient en grève, parce que c’est ce qu’ils [la direction de Volvo] prédisent.» Le travailleur a ajouté: «Cela vient d’une source très fiable, alors si vous pouviez s’il vous plaît transmettre cette information aux membres du syndicat, je l’apprécierais.»

Les travailleurs de la base appellent leurs collègues, y compris ceux qui ont voté «oui» vendredi dernier, à rejeter de manière décisive le contrat lors du revote d’aujourd’hui. «L’humeur ici est à la colère», a déclaré un travailleur au WSWS. «Les gens sont furieux contre l’entreprise et le syndicat. Il y a des messages sur la page Facebook de la section locale par des travailleurs qui ont voté “oui”, mais qui vont voter « non » à cause de comment ils ont ignoré notre vote et essaient de nous l’enfoncer dans la gorge. J’espère que cet état d’esprit se développera et que nous rejetterons à nouveau ce contrat».

Le président de la section locale 2069, Matt Blondino, a dit aux travailleurs de voter «oui» et de se préparer à reprendre le travail entre jeudi et lundi prochain – le 19 juillet. Après que l’UAW ait cherché à affamer les travailleurs sur les piquets de grève avec 275 dollars par semaine d’indemnité de grève, Blondino agite la prime de signature de 2.000 dollars au-dessus de leur tête, en disant qu’ils ne l’obtiendront pas s’ils rejettent le contrat. Il a également suggéré, à tort, que l’UAW était légalement obligée de forcer les travailleurs à revoter sur le contrat qu’ils ont rejeté de manière décisive et à leur faire reprendre le travail.

«La prime miteuse à la signature de 2.000 dollars n’a aucun sens», a déclaré un autre gréviste au WSWS. «Après impôts, c’est plutôt 1.200 dollars. Il faut plus de 1200 dollars pour que je sacrifie mon âme», a-t-il ajouté. Un message sur la page Facebook de la section locale disait: «Nous sommes allés trop loin pour nous vendre pour 1.200 dollars (après impôts). Votez non!! … Au moins notre conscience sera propre de ne pas nous être vendus pour quelques dollars. Maintenez le cap! Nous avons plus à gagner à long terme!»

Plusieurs grévistes ont appelé le National Labor Relations Board pour demander comment accuser l’UAW d’avoir violé son devoir de les représenter. Au téléphone, ils ont demandé aux représentants du NLRB si cela était vrai, comme le suggérait l’UAW, que les travailleurs devaient reprendre le travail même s’ils rejetaient le contrat. «Quand ils ont appris que ce n’était pas vrai, ils étaient furieux», a déclaré un autre gréviste au WSWS.

Il s’agit là d’une pratique courante de l’UAW, qui utilise depuis longtemps les mensonges, les menaces et l’intimidation pour faire passer des contrats favorables aux entreprises dans l’ l’automobile et la construction de camions. Pour chacun des trois accords de principe, les dirigeants de l’UAW, dont l’actuel président Ray Curry, ont affirmé que l’accord était le meilleur qu’ils puissent obtenir.

Mais les travailleurs sont déterminés à renverser plus d’une décennie d’abandons de la part de l’UAW et à se battre pour obtenir des augmentations de salaire substantielles, une indexation sur le coût de la vie, contre l’inflation – actuellement 5,4 pour cent, le taux le plus élevé depuis 13 ans – et empêcher toute réduction de la couverture médicale, payée par l’employeur pour les travailleurs actifs et retraités. Ils sont aussi déterminés à mettre fin au système à deux vitesses, qui condamne les jeunes travailleurs à des salaires et des avantages insuffisants.

Contrairement aux grèves que l’UAW a trahies chez Caterpillar, American Axle, Lear, Nexteer, John Deere, Chrysler, General Motors et d’innombrables autres entreprises depuis les années 1980, une nouvelle voix et une nouvelle direction ont émergé dans la grève de Virginie. Le Comité des travailleurs de base de Volvo [Volvo Workers Rank-and-File Committee – VWRFC] a mené la lutte contre les accords de capitulation consécutifs et le sabotage de la grève par l’UAW. Il appelle à un rejet du contrat lors du nouveau vote d’aujourd’hui et à une extension de la grève à Mack Trucks et aux constructeurs automobiles de Détroit pour répondre aux menaces de Volvo de briser la grève.

Craignant qu’une véritable victoire des travailleurs de Volvo ne déclenche une vague de luttes chez les travailleurs de l’automobile, l’UAW a tout fait pour isoler la grève et empêcher les travailleurs de Detroit et d’autres centres industriels d’apprendre la rébellion des travailleurs de Volvo contre l’ entreprise et l’UAW.

Pour briser cette conspiration du silence, le VWRFC, avec l’aide du WSWS, a lancé un appel aux travailleurs de Detroit, de Chicago et d’autres villes pour qu’ils se préparent à des actions de solidarité au cas où la compagnie mettrait à exécution sa menace de reprendre les opérations avec des briseurs de grève.

Mardi, des partisans du SEP (Parti de l’égalité socialiste) ont organisé un rassemblement à l’usine d’assemblage de camions Stellantis Warren, dans la banlieue de Detroit. Ils ont distribué des centaines d’exemplaires du bulletin d’information des travailleurs de l’automobile du WSWS, informant les travailleurs des efforts de Volvo et de l’UAW pour faire chanter les travailleurs de Volvo. Pendant le rassemblement, les travailleurs de Stellantis se sont arrêtés et ont parlé à distance à un travailleur Volvo en grève et membre du VWRFC qui était sur Facetime depuis la Virginie.

Travailleurs de Warren Truck (WSWS Media)

Les travailleurs ont réagi avec colère et incrédulité lorsqu’ils ont appris que les travailleurs de Volvo étaient forcés de voter à nouveau sur un accord de principe qu’ils avaient déjà rejeté. «Le syndicat devrait faire tout ce qu’il peut», a déclaré Tony. «Les travailleurs méritent un contrat équitable. Nous payons tous des cotisations et c’est pour ces moments-là que ça compte».

Tony

Randall a déclaré son soutien aux travailleurs de Volvo. «Nous avons besoin de plus de gens qui se battent pour ces travailleurs! Nous devons nous soutenir les uns les autres.»

Randall

«Si je peux être franc», a déclaré Johnny, un autre travailleur, «l’UAW ne raconte que des conneries. Ils prennent notre argent à chaque paie et où va-t-il? Ils devraient tout faire pour soutenir ces travailleurs et ils ne le font pas. Pas de surprise».

Un travailleur de Warren Truck qui a suivi la grève de Volvo par le biais du bulletin d’information des travailleurs de l’automobile du WSWS a déclaré: «J’espère qu’ils obtiendront ce qu’ils veulent, vraiment. Ils ont notre soutien».

Une travailleuse qui avait lu un exemplaire précédent de la lettre d’information a déclaré: «Je les soutiens à 100 pour cent.» Lorsqu’on lui a demandé si les travailleurs de Detroit voulaient également se battre pour une augmentation de salaire de 25 pour cent, elle a répondu: «Tout à fait». En ce qui concerne le système de salaires à plusieurs vitesses, elle a déclaré: «Il faut qu’on s’en débarrasse.»

Sur les nombreux travailleurs qui se sont arrêtés pour lui parler et lui adresser des mots de soutien et d’encouragement, le gréviste de Volvo a déclaré au WSWS: «De nombreux travailleurs de Detroit nous ont soutenus. Ils ont exprimé leur solidarité et nous ont encouragés. Presque tous les travailleurs du changement d’équipe ont pris les bulletins d’information sur notre grève. Je leur ai dit de penser à nous et de continuer à s’exprimer».

«Nous devons faire équipe avec les travailleurs de Detroit, avec ceux de Mack et de Volvo dans le monde entier. Nous avons besoin d’une seule équipe, d’un seul combat.»

(Article paru d’abord en anglais le 14 juillet 2021)

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