Les travailleurs de Volvo publient une déclaration: «Où nous en sommes, ce que nous avons traversé et ce qui nous attend dans notre lutte»

Cette déclaration a été préparée par le Comité de base des travailleurs de Volvo alors que les travailleurs de l’usine de New River Valley amorcent aujourd’hui [lundi 19 juillet] un retour au travail après la conclusion d’une grève de plus d’un mois la semaine dernière.

Mercredi dernier, le syndicat des Travailleurs unis de l’automobile a déclaré que son troisième accord de principe avec Volvo avait été adopté par une avance de seulement 17 voix lors d’un nouveau vote sur un contrat au rabais que les travailleurs avaient rejeté quelques jours auparavant. Malgré la fin de la grève et l’imposition des conditions de l’entreprise, les travailleurs ont déclaré au WSWS qu’ils reprenaient le travail dans un état d’esprit militant, prêts à poursuivre la lutte contre les demandes de la direction d’accélérer la production.

Les travailleurs de Volvo peuvent contacter le Comité de base des travailleurs de Volvo à l’adresse volvowrfc@gmail.com ou par SMS au (540) 307-0509.

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Où nous en sommes, ce que nous avons traversé et ce qui nous attend dans notre lutte

18 juillet 2021

Frères et sœurs,

Lundi, beaucoup d’entre nous commencent à reprendre le travail, après que le syndicat, les Travailleurs unis de l’automobile (UAW – United Auto Workers), a prétendu que son troisième accord de principe avec l’entreprise avait été adopté par seulement 17 voix mercredi dernier. De nombreux aspects du nouveau vote restent très douteux, étant donné l’avance prétendument étroite, le désir explicitement exprimé par l’UAW de voir ce contrat passer et sa conduite malhonnête tout au long du processus.

Cependant, en mettant de côté l’exactitude du vote, la fin de la grève et la reprise du travail ne signifient pas la fin de la lutte pour les droits de tous les travailleurs de l’usine de New River Valley (NRV). Au contraire, elle ne fait que marquer le début de la prochaine étape de la lutte. Mais pour franchir avec succès cette prochaine étape, nous devons d’abord examiner et comprendre les expériences par lesquelles nous sommes passés.

D’emblée, nous souhaitons affirmer que le Comité de base des travailleurs de Volvo est immensément fier d’avoir lutté aux côtés de nos milliers de frères et sœurs au cours des trois derniers mois. Pendant des semaines, nous avons collectivement tenu bon face à l’une des plus grandes entreprises du monde et avons défié les demandes de sacrifice pendant que ses investisseurs gagnent des milliards. Notre position servira de phare aux nombreux travailleurs qui luttent contre les mêmes enjeux.

À nos frères et sœurs qui ont voté oui et qui ont pensé qu’il était nécessaire de mettre fin à la grève: nos liens de solidarité ne sont pas moins profonds. Nous comprenons la situation financière très difficile à laquelle beaucoup ont été confrontés, étant donné les maigres 275$ par semaine d’indemnité de grève alloués par l’UAW, et que ce n’était pas une décision facile à prendre. Un vote en faveur du contrat n’était en aucun cas une approbation de ses termes, et encore moins de l’UAW.

Aux nombreux frères et sœurs de Mack, des usines automobiles et d’autres lieux de travail dans tout le pays, nous exprimons notre plus profonde gratitude pour votre solidarité. Aux travailleurs d’autres pays qui ont exprimé leur soutien à notre grève, en particulier les travailleurs de Volvo Cars en Belgique, nous souhaitons dire que vos paroles et votre soutien ont énormément encouragé, renforcé et inspiré les travailleurs de NRV. Il est devenu clair pour nous combien la solidarité de la classe ouvrière internationale est essentielle pour le succès de toute lutte.

Enfin, nous voulons exprimer notre gratitude au World Socialist Web Site, qui nous a fourni tant de conseils et d’informations inestimables – sur Volvo, sur l’UAW, sur l’histoire des autres luttes ouvrières. Alors que tous les médias propatronaux et l’UAW occultaient la grève au niveau national, le WSWS s’est efforcé de briser le black-out et de porter la grève à l’attention des travailleurs du monde entier. Nous tenons également à souligner que le WSWS n’a pas exigé d’accord avec son programme politique comme condition à son soutien indéfectible à notre grève.

Maintenant, tirons collectivement les leçons de cette expérience. Que s’est-il passé?

Pour commencer par les événements de ce mois-ci, un «troisième» accord de principe a été annoncé le 1er juillet et l’UAW a prétendu faussement qu’il comprenait des «gains importants.»

Ce contrat, dont Volvo et l’UAW affirment maintenant qu’il est en vigueur, augmente considérablement les coûts des soins de santé pour les travailleurs actifs et les retraités, maintient les augmentations salariales en dessous de 2% par an pour le haut de l’échelle salariale, ne prévoit pas d’augmentation liée au coût de la vie pour suivre l’inflation, transforme le système de niveaux en un système de «progression salariale» sur plusieurs années, et donne une plus grande marge de manœuvre à la direction pour pénaliser et discipliner les travailleurs. Bien sûr, il ne s’agit là que des concessions révélées dans les «points saillants» de l’UAW, et nous devrons étudier attentivement le contrat complet pour voir ce qui nous attend encore.

Le 9 juillet, malgré la campagne menée par Volvo et l’UAW en faveur de la ratification du contrat, la majorité des travailleurs ont clairement indiqué qu’il était inadéquat, rejetant l’accord à 60%.

C’est à peu près à ce moment-là que notre rébellion est passée du statut d’irritant pour Volvo et l’UAW à celui de menace et de danger réels. La grève gagnait du soutien parmi les travailleurs de Mack ainsi que parmi les travailleurs à l’échelle internationale. Les commandes de l’entreprise, de leur propre aveu, étaient mises en danger, et Volvo et l’UAW ont donc élaboré un plan pour tenter de briser la grève rapidement et brutalement.

Tout d’abord, l’UAW nous a annoncé – au nom de la compagnie – que Volvo allait imposer l’accord malgré notre refus, ce qui constitue un acte ouvert de bris de grève. L’UAW a ensuite déclaré qu’elle organisait un «revote» sur le même accord, une action totalement antidémocratique, qu’elle a tenté de dissimuler en suggérant à tort qu’elle était légalement requise.

L’UAW a ensuite mené une campagne pour nous convaincre que nous n’avions pas d’autre choix que de nous rendre, que le contrat serait en vigueur même si nous votions non, et que tout ce que nous «gagnerions» serait la perte de notre prime de signature. Le président de la section locale 2069, Matt Blondino, et la présidente du comité des élections, Missy Edwards, ont tous deux fait pression pour un vote favorable. De plus, nous avons appris que le siège de l’UAW, mal nommé «Solidarity House», s’opposait à la poursuite de la grève et qu’elle prendrait fin cette fin de semaine là, quel que soit le résultat du nouveau vote.

Malgré cela, l’opposition à l’accord est restée très importante, en particulier à mesure que les travailleurs apprenaient le soutien et la grève des travailleurs belges de Volvo Cars.

Mercredi soir [14 juillet], l’UAW a retardé l’annonce des résultats de plus de trois heures, soit plus longtemps que lors des votes précédents, pendant lesquelles elle consultait sans doute le siège de l’UAW. Puis, elle a annoncé que l’accord avait miraculeusement été adopté par 17 voix seulement. Dans les 30 minutes qui ont suivi, il a annoncé aux travailleurs que les piquets de grève allaient être levés «au moment même où nous parlons.»

Cela a immédiatement déclenché un tollé chez les travailleurs, dont beaucoup ont allégué une fraude ou demandé un recomptage des voix, ce que l’UAW a complètement ignoré. Mais même si nous devions concéder que le décompte des voix était exact, cela ne change rien au fait que non seulement le nouveau vote, mais aussi l’ensemble du processus dit de «négociation de contrat» supervisé par l’UAW, était complètement antidémocratique et essentiellement illégitime du début à la fin.

Tout d’abord, l’UAW a prolongé de 30 jours le contrat précédent avec la compagnie, permettant à Volvo de stocker des camions. Étant donné le sentiment général en faveur d’une grève, avec un vote de grève d’environ 97%, l’UAW a estimé qu’il ne serait pas possible de faire passer un contrat sans autoriser quelques actions de grève limitées. Ils ont déclenché la première grève le 17 avril, dans le but, toutefois, de préparer le terrain pour obtenir l’adoption de l’accord qu’ils avaient précédemment conclu avec l’entreprise.

Deux semaines plus tard, ils ont brusquement mis fin à la grève, nous ordonnant de reprendre le travail sans montrer le premier accord de principe, et encore moins tenir un vote à son sujet. Cependant, après la publication des «points saillants», il est devenu évident que l’accord ne répondait absolument pas à nos besoins. Malgré les menaces de Ray Curry, qui était alors secrétaire-trésorier de l’UAW et responsable du département des poids lourds, et qui a maintenant été nommé président de l’UAW, l’opposition au premier accord de principe a été écrasante, et il a été rejeté à 91% le 16 mai.

Moins d’une semaine plus tard, le 20 mai, l’UAW a annoncé avoir conclu un nouvel accord de principe avec l’entreprise. Curry a prétendu faussement qu’il avait «réalisé des gains encore plus solides en matière de salaire équitable, d’avantages sociaux et de protection des emplois», mais l’accord n’était en fait que superficiellement différent du premier contrat.

Malgré tous les efforts de l’UAW et de l’entreprise, l’accord a de nouveau été rejeté massivement le 6 juin, avec presque la proportion de 90%. Face à cette rébellion des travailleurs, l’UAW a estimé qu’elle n’avait pas d’autre choix que de déclencher une nouvelle grève le 7 juin.

Le syndicat a commencé à isoler la grève, affamant les travailleurs avec une maigre indemnité de grève de 275 dollars et imposant un black-out destiné à empêcher les ouvriers de l’automobile de savoir qu’elle avait lieu. Il n’a rien fait pour s’opposer aux mesures agressives prises par l’entreprise pour briser la grève, telles que la cessation de nos bénéficies de soins de santé et autres assurances et l’embauche de briseurs de grève. Dans la mesure du possible, l’UAW nous a caché des informations essentielles, notamment ce qu’elle exigeait de l’entreprise ou ce dont elle discutait avec elle.

Néanmoins, une majorité d’entre nous a rejeté son troisième contrat avec l’entreprise lors du premier vote le 9 juillet, comme nous l’avons déjà expliqué, malgré une campagne de grande envergure menée par l’UAW pour vendre l’accord par le biais de mensonges sur sa qualité et de menaces sur ce qui nous arriverait en cas de rejet. Ce n’est qu’au prix d’un ultime effort désespéré de la part de Volvo et de l’UAW, en intensifiant considérablement l’opération de bris de grève et en se moquant du «processus démocratique» lors du nouveau vote de mercredi, qu’ils ont réussi à faire adopter le contrat de justesse, du moins le prétendent-ils.

Que révèlent ces événements? Nous pensons que les conclusions suivantes doivent être tirées:

1. L’UAW représente les entreprises, pas les travailleurs, et aucune pression ne pourra changer cela. Loin de répondre à notre rejet massif de leurs accords avec Volvo en faisant marche arrière et en travaillant à la réalisation de nos demandes, l’UAW a plutôt réagi en redoublant son black-out de l’information et en approfondissant sa conspiration avec l’entreprise, ce qui a culminé avec l’aide qu’il a fournie à Volvo pour faire appliquer le troisième accord par le biais du revote de la semaine dernière.

2. Bien que l’UAW ait montré qu’il n’est pas capable de répondre à nos besoins, cela ne diminue ni ne supprime la nécessité d’une organisation collective de travailleurs de la base pour défendre et lutter pour nos intérêts. Le Comité de base des travailleurs de Volvo s’est battu tout au long de la lutte pour unifier tous les travailleurs, pour donner une voix aux besoins de toutes les générations, pour combattre les mensonges de Volvo et de l’UAW et pour établir comment gagner la grève. De nombreux travailleurs de NRV nous ont contactés et ont communiqué avec notre comité pendant la grève, nous disant que les votes négatifs n’auraient pas été aussi importants s’il n’y avait pas eu les déclarations de notre comité.

3. Pour que la prochaine lutte soit couronnée de succès, que ce soit chez Volvo, Mack ou ailleurs, elle doit s’étendre au-delà de l’une ou l’autre usine, en mobilisant la véritable force de la classe ouvrière. Nous ne pouvons pas combattre les multinationales comme Volvo dans une seule usine. Elles opèrent avec une stratégie mondiale, et nous devons en faire autant. Le soutien des travailleurs de Belgique, d’Australie, d’Angleterre et d’autres pays a montré que les travailleurs du monde entier sont capables de reconnaître qu’ils sont confrontés aux mêmes problèmes et qu’ils veulent s’unir pour lutter contre eux.

Ce travail de mise en relation avec d’autres travailleurs a déjà commencé, et il doit être développé encore davantage. Notre comité a commencé à se coordonner avec les travailleurs de Mack Trucks en Pennsylvanie qui ont fondé leur propre comité de la base, ainsi qu’avec des travailleurs d’autres États. Nous lançons un appel particulier aux travailleurs de John Deere, qui seront confrontés dans les mois à venir à leur propre lutte contractuelle sous l’égide du perfide UAW, pour qu’ils étudient attentivement les leçons de nos expériences et qu’ils forment des comités de base comme le nôtre.

En outre, la trahison à laquelle nous avons été confrontés n’est en aucun cas propre aux travailleurs de l’automobile. En ce moment même, les travailleurs de Frito-Lay au Kansas sont en grève après avoir rejeté un contrat soutenu par le syndicat local. Les mineurs de charbon de Warrior Met sont en grève depuis plus de 100 jours, isolés par l’UMWA. L’USW vient d’imposer un contrat de concession aux métallurgistes d’ATI après une grève de plusieurs mois. Les syndicats tels qu’ils existent aujourd’hui ne remplissent tout simplement pas la fonction pour laquelle ils ont été créés dans les années 30.

Un véritable mouvement des travailleurs doit venir de la base, et non de la bureaucratie. La construction d’un puissant mouvement de la base – des travailleurs, par les travailleurs et pour les travailleurs – est la tâche à laquelle sont confrontés tous les travailleurs partout dans le monde.

Un tel mouvement est à l’ordre du jour. Nous vivons dans une société qui est massivement inégalitaire. Alors que nous luttons chaque jour pour mettre de la nourriture sur la table pour nos familles et payer nos factures, un petit pourcentage de la population vit dans une extravagance inimaginable. Leurs salaires ne se chiffrent pas seulement en centaines de milliers, mais en millions et dizaines de millions, tous provenant de la richesse que nous créons collectivement. Et durant une pandémie qui a tué des millions de personnes, leur richesse n’a fait qu’augmenter.

Aux travailleurs de Volvo à NRV, nous disons: le combat continue. L’opposition et la colère vont inévitablement se raviver au fur et à mesure que la réalité de ce nouveau contrat sera révélée et que la compagnie tentera d’imposer des accélérations pour compenser la production perdue. Nous vous appelons à rejoindre notre comité et à nous aider à le construire comme l’organisation qui mènera les luttes encore à venir.

(Article paru en anglais le 19 juillet 2021)

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