Dix faits que les travailleurs de JDE doivent savoir sur l’entreprise et le syndicat Unite

Le syndicat Unite présente aux travailleurs de l’usine Jacobs Douwe Egberts (JDE) de Banbury un ultimatum au nom de JDE: accepter l’accord pourri qu’il a conclu avec l’entreprise pour réduire les salaires et les conditions de travail générales ou s’attendre à être licencié en septembre.

Le World Socialist Web Site présente des informations provenant des rapports financiers et des bilans les plus récents de la société mère JDE Peet’s et de sa filiale britannique afin que les travailleurs puissent comprendre à la fois l’entreprise et sa situation financière.

1. JDE Peet’s et la pandémie

L’usine de JDE à Banbury fait partie de la multinationale géante JDE Peet’s basée aux Pays-Bas, qui affirme être «le plus grand groupe spécialisé dans le café et thé au monde en termes de chiffre d’affaires». Deuxième torréfacteur après Nestlé, il a vendu «environ 130 milliards de tasses de café et de thé au cours de l’exercice clos le 31 décembre 2019 dans plus de 100 pays développés et émergents».

Ses marques, qu’elle décrit comme «nos bijoux locaux […] emblématiques sur leur marché local» comprennent Jacobs, Senseo, Peet’s Coffee, Ti Ora, Kenco, Tassimo, Moccona, L’OR et Douwe Egberts, ainsi que plusieurs marques de thés bien connues dont Horniman’s Tea.

Usine de JDE Peet’s à Saint-Pétersbourg en Russie (Photo: capture d’écran, rapport annuel 2020 de JDE Peet’s)

Les bénéfices de JDE Peet’s ont à peine été impactés pendant la pandémie, malgré les confinements qui ont conduit à la fermeture de bureaux, d’hôtels, de bars, de restaurants et de nombreux cafés de l’entreprise, alors que les ventes de café pour la consommation des ménagères montaient en flèche et que les travailleurs faisaient des heures supplémentaires pour maintenir la cadence des chaînes de production alors que les infections et les décès explosaient à l’échelle internationale.

Comme l’a déclaré la société, «Malgré les conditions difficiles de la pandémie et des confinements en 2020, tout au long de tout cela, JDE Peet’s a fait des progrès significatifs dans de nombreux domaines au cours de notre première année en tant que société cotée en bourse. Dans ce contexte, la résilience et le dévouement de nos employés ont permis à nos usines de fonctionner, à assurer l’efficacité de nos chaînes d’approvisionnement et à servir nos clients et consommateurs, malgré les nombreux défis de la pandémie.»

2. Distribution massive de dividendes aux actionnaires

Annonçant un chiffre d’affaires de 6,7 milliards d’euros et un bénéfice d’exploitation de 933 millions d’euros pour 2020, la société a déclaré dans son rapport aux actionnaires: «La résilience que nous avons connue dans notre segment ménager a largement compensé la réduction que nous avons constatée dans la consommation hors ménage» et «dès le début, nous avons adapté nos modèles commerciaux Hors Ménage et, par conséquent, nous nous attendons à ce que ces activités soient encore plus fortes après la crise».

Son message pour 2021 était que l’avenir s’annonçait radieux. «Les actionnaires devraient toucher 89 millions d’euros de ses bénéfices en 2020, ce qui équivaut à près de 4500 euros pour chacun des 20.000 employés de l’entreprise dans le monde.»

Les profits extraits aux travailleurs de l’usine de Banbury étaient encore plus importants, chacun des 371 travailleurs, y compris la direction, générant plus de 7600 £ de bénéfices après impôts et frais de dette pour la société mère en 2019, dernière année disponible. Ce chiffre est probablement une sous-estimation importante, car JDE négocie avec ses filières au sein de JDE Peet’s sur une base conçue pour minimiser les coûts globaux, y compris les impôts et les frais de financement, pour la société mère.

Lorsque le nouveau PDG Fabien Simon (ancien directeur financier de JDE) a été nommé l’an dernier, il a reçu un «bonjour en or» de 10 millions d’euros. Il percevrait un salaire annuel brut de 1 million d’euros et une allocation de frais professionnels mensuelle de 3300 euros, ainsi que des «opportunités de prime» égale à 250 pour cent de son salaire. Pourtant, les travailleurs de JDE ont été informés que l’entreprise «ne peut pas se permettre» de payer 750.000 à 800.000 £ pour éviter de les contraindre à des horaires décalés nuisibles à la santé.

3. À qui appartient JDE Peet’s?

JDE Peet’s a été introduite à la bourse d’Amsterdam en mai de l’année dernière après une fusion entre JAB Holding Company, JDE et Peet’s (le torréfacteur et détaillant de café de la baie de San Francisco) pour former JDE Peet’s.

Deux grandes sociétés détiennent 77 pour cent des actions. JAB Holding, un groupe d’investissement privé allemand dont le siège est dans le paradis fiscal luxembourgeois – et qui détient des participations dans des sociétés produisant des marques connues telles que Coty, Pret A Manger, Krispy Kreme et Petcare – est le principal actionnaire de la société via ses actions dans Acorn Holdings. Cette dernière est une société de portefeuille qui possède JDE Peet’s avec le groupe Keurig Dr Pepper, un important producteur et distributeur de boissons.

Environ 90 pour cent des actions de JAB appartiennent à la famille milliardaire Reimann qui a soutenu Hitler et le parti nazi bien avant 1933 et a profité du travail forcé dans leur entreprise de produits chimiques industriels dans le sud de l’Allemagne.

Le deuxième actionnaire le plus important de JDE Peet’s est Mondelez International. La multinationale de l’alimentation, de la confiserie et des boissons basée à Chicago possède des marques bien connues telles que Oreo, Ritz, TUC, Peek Freans, Côte d’Or, Toblerone, Cadbury, Green & Black’s, Trident, Dentyne et Chiclets. Il y a une usine appartenant à Mondelez à Sheffield, la plus grande usine de bonbons d’Europe. Mondelez possède également la célèbre usine Cadbury à Bourneville. Le syndicat Unite n’a lancé aucun appel en direction de ces travailleurs pour qu’ils apportent leur soutien aux travailleurs de Banbury, assurant l’isolement des 300 grévistes de l’usine.

Mondelez est embourbé dans la controverse depuis des années.

* L’ONG Mighty Earth a rapporté en 2017 qu’une grande partie du cacao utilisé dans le chocolat produit par Mondelez et d’autres grandes entreprises de chocolat était cultivé illégalement dans des parcs nationaux et d’autres zones protégées en Côte d’Ivoire et au Ghana.

* Greenpeace International a rapporté en 2018 que 22 fournisseurs d’huile de palme de Mondelez International ont défriché plus de 70.000 hectares de forêt tropicale de 2015 à 2017.

* En 2015, la Commodity and Futures Commission des États-Unis (Agence fédérale chargée de la régulation des bourses de commerce) a allégué que Mondelez International et son ancienne filiale étaient impliqués dans la fixation des prix du marché à terme du blé.

* Plus tôt cette année, huit anciens enfants esclaves du Mali ont intenté un recours collectif contre Mondelez, affirmant que l’entreprise ainsi que Nestlé et d’autres fabricants de chocolat bien connus se livraient sciemment au travail forcé.

4. Le but de l’introduction en bourse

L’introduction en bourse de JDE Peet’s l’année dernière a levé 2,25 milliards d’euros lors de la plus grande introduction en bourse d’Europe depuis 2018, générant 1,55 milliard d’euros pour l’une de ses sociétés mères, Mondelez International, qui a vendu certaines de ses actions.

Quelques jours après l’introduction en bourse, les actions de JDE Peet’s ont bondi de 12 pour cent, lui attribuant une valeur marchande de 16,8 milliards d’euros, permettant à ceux qui avaient acheté des actions de vendre et de réaliser un profit rapide. L’entreprise pèse aujourd’hui environ 15 milliards d’euros.

En plus d’enrichir ses anciens propriétaires, 700 millions d’euros devaient réduire davantage sa dette élevée et jeter les bases de nouvelles acquisitions et investissements en capital, augmentant encore la base de capital de l’entreprise dont les actionnaires attendraient un taux de rendement, généralement de 10 à 15 pour cent, grâce à la main-d’œuvre. Cela signale une augmentation significative du taux d’exploitation des travailleurs de JDE Peet’s sous la forme de perte d’emplois, d’augmentation des cadences et le pillage des salaires et des retraites.

5. La politique de dividendes de JDE Peet’s

La société a déclaré que sa politique de dividende «entend préserver l’indépendance de l’entreprise» et cela à son tour «dépendra principalement de sa situation financière», y compris ses résultats d’exploitation. C’est un code pour dire que le cours de son action, et donc ses dividendes, doit rester élevé pour éviter un rachat.

En fait, la société déclare qu’elle «a l’intention de fournir un dividende par action stable et croissant, tandis que le rythme sera déterminé par les priorités d’allocation du capital de la société» [c’est nous qui soulignons]. Les investissements et les emprunts seraient ajustés pour garantir cela.

Les intérêts des propriétaires passent avant tout.

6. L’ attaque contre les travailleurs

L’introduction en bourse de l’année dernière a été saluée comme une bonne nouvelle pour les actionnaires de la société et ses prêteurs, mais cela ne peut être réalisé qu’en exploitant de plus en plus la main-d’œuvre, en augmentant la journée de travail et en réduisant les paiements d’heures supplémentaires. À Banbury, la direction prévoit d’introduire un système de quatre quarts, obligeant le personnel à travailler par équipes de 12 heures, la nuit, le week-end, etc., tout en réduisant les taux de rémunération traditionnels de Noël et des jours fériés, et en prévoyant des pauses non rémunérées et en les limitant à 30 minutes. Ces plans coûteraient aux travailleurs des milliers en pertes de salaire, certains perdant 7000 à 12.000 £ par an.

En ce qui concerne les retraites, le rapport financier et les comptes de l’entreprise ont souligné que son régime de retraite à prestations définies (DB) était «le régime à prestations définies le plus important du Royaume-Uni», étant plus cher que les régimes à cotisations définies (CD) et le ciblant pour la réduction des coûts. La fin prévue du régime de retraite à prestations définies et son remplacement par le régime à cotisations déterminées inférieur coûtera beaucoup plus cher aux travailleurs et économisera des millions de livres à JDE par an.

JDE Peet’s a l’intention d’extraire le moindre sou à ses travailleurs afin de payer ses actionnaires et maintenir la bonne humeur du marché boursier.

7. JDE Peet’s compte sur les syndicats

La clé de la réduction des coûts de l’entreprise est la relation de confiance et le partenariat entre l’entreprise et les syndicats. L’entreprise se targue que: «Dans de nombreux endroits, nous avons mis en place des comités d’entreprise. Environ 33 pour cent de nos employés sont couverts par des conventions collectives». Ils incluent les employés au Royaume-Uni. Le syndicat Unite essaie maintenant de faire passer un accord au rabais qui impose les diktats de la direction de JDE et de ses actionnaires.

8. JDE Peet’s dépend de ses employés

Les principales usines de fabrication de JDE Peet’s se trouvent aux États-Unis, en France, en Russie, aux Pays-Bas, en Allemagne, au Royaume-Uni, au Brésil, en Chine et en Malaisie. Cependant, en raison de la technologie spécialisée requise pour la torréfaction, la transformation et le conditionnement de ses produits, l’entreprise a consolidé sa capacité de production dans de grands sites de fabrication. Ceci, combiné à la forte utilisation de ces installations, «ne permet pas la capacité de réserve nécessaire pour servir de force d’appoint en cas d’interruption importante». Elle ne peut pas facilement déplacer sa production ailleurs, ce qui entraînerait également des coûts de transport supplémentaires pour desservir ses marchés.

Au Royaume-Uni, JDE traite et conditionne le café instantané ou lyophilisé dans divers formats. Elle traite et conditionne également les capsules en aluminium Tassimo R & G pour le café en portion individuelle.

Le résultat est que les travailleurs sont en position de force et ne devraient pas être intimidés par le syndicat pour qu’ils acceptent l’accord pourri avec une entreprise très rentable qui engrange des milliards.

9. Les employés de JDE Peet’s ont des alliés dans le monde entier

Plus important encore, JDE Peet’s est présent dans plus de 140 pays avec un chiffre d’affaires de 3,2 milliards d’euros. Elle opère dans près de 40 pays et emploie environ 20.000 personnes. Ces travailleurs ont les mêmes intérêts que vous. Ils sont tous exploités par la même entreprise mondiale. Ils sont vos alliés.

10. Unite gère des actifs massifs tout en forçant les travailleurs grévistes de reprendre le travail après avoir signé une entente au rabais

Les actifs financiers d’Unite sont énormes. Les derniers comptes financiers du syndicat (pour 2019) montrent que le syndicat a un actif net de 439 millions de livres sterling, dont 108 millions de livres sterling en espèces, 67 millions de livres sterling en investissements et 209 millions de livres sterling en biens. En 2019, les revenus d’Unite provenant des membres s’élevaient à 162 millions de livres sterling, mais il n’a déboursé que 1,3 million de livres sterling pour tout «conflit» (au sens large) confondu à travers le Royaume-Uni.

Les responsables d’Unite ont plus en commun avec les cadres RH qu’avec les travailleurs qu’ils sont censés représenter. Le secrétaire général Len McCluskey a gagné 99.338 £ de salaire et d’avantages sociaux l’année dernière. Mais McCluskey et d’autres responsables d’Unite ont accès à des avantages supplémentaires, les comptes 2019 citant: «dépenses du comité exécutif (siège social)» 338.000 £, «conférences» 1,8 million £, comités et exécutif» 3.1 million £, «frais des régions et filiales locales» 169 millions £, «paiements aux régions et filiales» 15 millions £.

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Len McCluskey, à la conférence du Parti travailliste de 2016 (Photo: Wikimedia Commons)

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Unite a organisé 245 votes pour une action revendicative en 2019, mais seulement 25 d’entre eux ont abouti à des grèves ou à des «actions sans grève». Le rôle d’Unite était d’empêcher les actions revendicatives dans une pandémie qui tuait des dizaines de milliers de travailleurs et où des milliers d’autres étaient confrontés au «licenciement et à la réembauche» [sous forme de contrat inférieur], la destruction d’emplois et la dégradation des conditions. Unite dispose d’un fonds de grève de 40 millions de livres sterling, mais ses responsables ont déclaré aux travailleurs de JDE qu’il n’y avait aucun moyen de lutter contre les menaces de l’entreprise. Unite est une organisation de briseurs de grève qui collabore avec les sociétés et le gouvernement Johnson contre les droits et intérêts les plus élémentaires des travailleurs.

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Le World Socialist Web Site et le Socialist Equality Party encouragent vivement les travailleurs de l’usine JDE à Banbury à voter «Non» à l’accord conclu entre Unite et JDE et à élire votre propre comité de la base pour organiser une riposte contre la politique de «licenciement et réembauche» de l’entreprise. Les travailleurs devraient dresser leur propre liste de revendications, dont le retrait de toutes les attaques contre les emplois, les conditions de travail et les salaires, en faisant appel à vos frères et sœurs à travers le Royaume-Uni, l’Europe et le monde qui soutiendront votre combat.

(Article paru en anglais le 27 juillet 2021)

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