En pleine pandémie, l’Alberta demande une réduction de 5% du salaire des infirmières de la province

Des travailleurs hospitaliers de l’Alberta et des personnes venues les encourager lors de leur grève sauvage en octobre dernier

Le gouvernement ultraconservateur du Parti conservateur uni (PCU) de l’Alberta cherche à imposer une réduction de salaire de 3% et d’autres coupures importantes aux 30.000 infirmières de la province.

Selon l’United Nurses of Alberta (UNA) – le syndicat qui négocie au nom de ces travailleurs de la santé de première ligne – si l’on tient compte des demandes du gouvernement concernant l’élimination des primes de quart et de fin de semaine et des primes semestrielles, la demande de réduction de salaire s’élève à 5%.

De plus, comme les infirmières sont sans contrat depuis l’année dernière, il est possible que le gouvernement tente de les obliger à «rembourser» des milliers de dollars de «salaires versés en trop.»

Au début du mois, dans une déclaration empreinte d’arrogance et de cynisme, le ministre des Finances de l’Alberta, Travis Toews, a loué avec effusion les efforts des infirmières pendant la pandémie, avant de passer rapidement aux grandes lignes des attaques de son gouvernement contre leurs salaires et leurs conditions de travail. Toews, qui gère les finances de la province canadienne qui a les taux d’imposition les plus bas pour les grandes entreprises et les riches, a affirmé que les demandes de concessions du gouvernement sont «le reflet de notre réalité fiscale.» Le gouvernement du PCU exige également une réduction de salaire de 4% pour le personnel de soutien des hôpitaux.

Les attaques contre les travailleurs de la santé surviennent au moment où le premier ministre Jason Kenney, qui a été l’un des premiers à appliquer la politique des «profits avant les vies» de l’élite dirigeante canadienne en réponse à la COVID-19, déclare que la pandémie est pratiquement terminée. Malgré une nouvelle poussée des cas de COVID-19 en Alberta, alimentée par le variant Delta, plus infectieux et mortel, le PCU éliminera pratiquement toutes les restrictions de santé publique au cours des prochaines semaines. Cela inclut la fin de la recherche des contacts, de presque tous les tests et même de l’obligation de mise en quarantaine des personnes infectées par la COVID-19.

Les coupes budgétaires du gouvernement et les demandes de concessions ont un impact dévastateur sur un système de santé qui est déjà au bord de l’effondrement. Le personnel surmené et épuisé mentalement quitte la profession ou cherche des emplois à l’extérieur de la province.

Le plus grand hôpital d’Edmonton, le Royal Alexandra Hospital, ainsi que l’hôpital Lacombe et une douzaine d’autres établissements de santé en Alberta, ont été contraints de fermer des dizaines de lits au début du mois. Le ministre de la Santé, Tyler Shandro, qui possède avec sa femme une entreprise privée de soins de santé, a froidement rejeté les critiques concernant sa gestion de la pénurie de personnel.

La docteure Shazma Mithani, médecin au service des urgences du Royal Alexandra Hospital depuis sept ans, a déclaré qu’elle n’avait «jamais vu ce type de pénurie de personnel auparavant... L’hôpital est vraiment poussé à bout en termes de ressources disponibles pour nos patients.» Il s’agit d’un «cercle vicieux», explique Mithani, qui a commencé par des problèmes de dotation en personnel, qui ont entraîné une augmentation de la charge de travail, une accélération de la fatigue et de l’épuisement professionnel, et d’autres pénuries de personnel. «C’est le résultat de mois et de mois et de mois de blessures morales, de stress et d’épuisement professionnel qui, malheureusement, culminent tous en même temps», a déclaré Mithani, ajoutant que, comme d’autres établissements sont confrontés à des défis similaires, il est difficile de redéployer le personnel.

La pénurie de personnel a été un problème tout au long de la pandémie. Les infirmières et les médecins ont dû travailler plus de 16 heures par jour sans que personne ne puisse les remplacer. «Nous avons travaillé un an et demi d’enfer», a déclaré Bonnie Gostola, une responsable de l’Alberta Union of Public Employees (AUPE). «De nombreux travailleurs de la santé ne peuvent tout simplement plus faire face à la charge de travail. En fait, ils remettent leur avis de retraite ou quittent la province.»

Gostola ajoute que la crainte des coupes dans les soins de santé après la pandémie empêche également les nouvelles recrues potentielles de rejoindre la population active. «C’est essentiellement la menace future», a-t-elle expliqué. «Dès que la pandémie sera terminée, les emplois disparaîtront. Qui voudra entrer dans un secteur où l’on manque déjà de personnel?»

Avant la pandémie, le gouvernement du PCU a annoncé qu’il prévoyait d’éliminer jusqu’à 10.300 postes équivalents temps plein – dont des centaines de postes d’infirmières et de soutien clinique. On s’attendait à ce que les mises à pied et le déplacement d’emplois par la sous-traitance touchent jusqu’à 16.700 employés à temps plein et à temps partiel. Par la suite, le gouvernement a dû promettre qu’il ne mettrait à pied aucun travailleur médical de première ligne pendant la pandémie et a affirmé que la plupart des postes d’infirmières seraient, de toute façon, éliminés en raison de l’attrition naturelle. Mais maintenant que le PCU a déclaré que la pandémie était pratiquement terminée, il s’efforce à nouveau de mettre toutes les options sur la table.

Avant le début de la pandémie, les infirmières ont été informées par leur syndicat que le mieux qu’elles pouvaient espérer dans un nouveau contrat était un gel des salaires sur quatre ans – ce qui, si l’on tient compte de l’inflation, qui est actuellement de plus de 3%, signifierait une réduction des salaires réels de plus de 10%.

Le PCU tente de justifier ses attaques sauvages contre les travailleurs de la santé en prétendant de façon mensongère qu’il n’y a pas d’argent disponible et qu’il faut faire des coupes pour équilibrer le budget. Cependant, il y a toujours eu beaucoup d’argent pour les réductions d’impôt sur les sociétés et les cadeaux aux grandes entreprises, en particulier celles du secteur pétrolier. Cela comprend: les 1,3 milliard de dollars que le gouvernement du PCU a gaspillés pour tenter de sauver l’oléoduc Keystone XL, maintenant annulé; sa réduction de l’impôt des sociétés de 4,7 milliards de dollars; les 2,1 milliards de dollars que l’Alberta Investment Management Corporation a perdus en investissements à haut risque; et les 825 millions de dollars que l’Alberta a prodigués à la raffinerie de pétrole Sturgeon, qui perd de l’argent.

Si le PCU a pu jusqu’à présent imposer ses attaques brutales contre les travailleurs essentiels de la santé, malgré la colère massive des travailleurs et le soutien généralisé du public, c’est parce que les syndicats et les néo-démocrates de l’opposition répriment systématiquement l’opposition des travailleurs. Les infirmières n’ont pas reçu d’augmentation de salaire depuis plus de cinq ans, une période qui inclut le mandat de quatre ans (2015-19) du gouvernement provincial néo-démocrate de Rachel Notley. Au nom de la «responsabilité fiscale», le NPD ostensiblement «protravailleurs» a imposé, avec la complicité des syndicats, des réductions des dépenses sociales et une «modération» salariale.

L’UNA et l’AUPE, qui représentent le personnel de soutien des soins de santé, n’ont rien fait pour organiser des grèves ou des actions syndicales, même si des milliers d’emplois de travailleurs de la santé sont menacés.

L’automne dernier, plus d’un millier de travailleurs de la santé ont pris les choses en main en débrayant pendant une journée dans le cadre d’une grève sauvage. Lorsque la grève a été déclarée illégale par la commission provinciale des relations de travail, les syndicats ont immédiatement obéi au gouvernement et ont persuadé les travailleurs de reprendre le travail. L’AUPE et l’Alberta Federation of Labour (AFL) n’ont pas non plus organisé d’action pour défendre les 27 travailleurs qui ont été suspendus pour leur rôle dans la grève sauvage et les 771 qui ont reçu des lettres d’avertissement.

La présidente de l’UNA, Heather Smith, a admis que la pression de la base en faveur d’une grève est de plus en plus forte. «Il y a certainement des gens qui suggèrent que, légalement ou non, nous devrions le faire maintenant», a-t-elle déclaré à CTV. Smith a indiqué que le syndicat approuvera une «journée d’action» comprenant des «piquets d’information» dans les hôpitaux le mois prochain. Indiquant clairement qu’il s’agit davantage de maintenir le contrôle sur les membres de l’UNA que d’organiser une véritable lutte contre le gouvernement Kenney, Smith a déclaré à la CBC que les actions de protestation étaient planifiées alors que «des discussions sur des grèves sauvages non sanctionnées par le syndicat sont en cours.»

L’AFL, l’UNA et l’AUPE sont farouchement opposés à l’organisation d’une véritable lutte contre l’attaque de classe du gouvernement Kenney contre le système de santé publique et contre les salaires et les emplois des travailleurs qui l’administrent. Une telle lutte exigerait la mobilisation des travailleurs de l’Alberta et de tout le pays dans une offensive industrielle et politique de la classe ouvrière contre le programme d’austérité de la classe dirigeante et les lois antiouvrières par lesquelles elle a largement criminalisé l’opposition des travailleurs. Les syndicats ont l’intention d’utiliser leurs «journées d’action» symboliques pour détourner les travailleurs vers une campagne futile visant à faire pression sur Kenney pour qu’il «entende raison» et remplacer le gouvernement du PCU aux prochaines élections provinciales en 2023 par un gouvernement NPD non moins redevable aux grandes entreprises.

(Article paru en anglais le 31 juillet 2021)

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