La Dre Deepti Gurdasani s’exprime sur le variant Delta et s’oppose à la politique du « vivre avec le virus »

Deuxième partie

Ceci est la deuxième partie d'une interview en deux parties. La première partie peut être consultée ici.

Deepti Gurdasani est l’un des plus grands spécialistes mondiaux du COVID-19. Elle est l’un des principaux auteurs de l’article du BMJ condamnant la promotion par le gouvernement britannique de «l’immunité collective par l’infection massive» et qualifiant ses actions d’«expérience dangereuse et contraire à l’éthique».

Ayant une formation en épidémiologie clinique et en génétique statistique, le Dr Gurdasani a obtenu son diplôme de médecine interne au Christian Medical College, à Vellore, en Inde. Son travail de doctorat, achevé en 2013, examine les facteurs génétiques associés à la maladie dans des populations génétiquement diverses. Plus précisément, elle a développé des algorithmes d’apprentissage automatique pour des ensembles de données cliniques à grande échelle.

Pendant la pandémie de COVID-19, le Dr Gurdasani a fourni des informations indispensables et fait des commentaires publics sur la pandémie, devenant une critique sévère des gouvernements et de leur réponse criminelle à la crise sanitaire. Elle a utilisé son compte Twitter et les médias pour partager des informations sur l’évolution de la situation. Ses travaux visant à révéler le lien entre les enfants d’âge scolaire et la transmission communautaire, ainsi que ses recherches sur l’incidence du COVID longue durée, ont rendu un grand service au public. Elle participe également au Groupe d’action COVID, un réseau mondial multidisciplinaire d’experts dont la mission déclarée est d’éliminer le COVID-19.

La Dre Deepti Gurdasani. Source WSWS

Récemment, la Dre Gurdasani a accepté notre invitation pour une interview afin de discuter de l’état de la pandémie. Voici la dernière partie d’un article en deux parties sur cette discussion.

Benjamin Mateus: Que pensez-vous des données sur les infections post-vaccinales d’Israël et du vaccin Pfizer? On a critiqué le fait que la population étudiée était plus âgée et n’était pas représentative de la population en général.

Deepti Gurdasani: Je ne peux pas commenter pleinement les données israéliennes car, bien sûr, l’article n’a pas été publié. Je pense qu’on suggère que les personnes qui ont été vaccinées plus tôt – par exemple, en janvier ou février – sont plus susceptibles d’être infectées que celles vaccinées plus tard. Mais je ne sais pas encore comment déterminer l’effet d’affaiblissement de l’immunité, que nous avons observé dans des études en laboratoire mais pas encore dans des études en situation réelle, et comment cela se distingue du fait que les groupes plus âgés ont aussi été vaccinés tôt, ce qui n’est pas clair pour moi.

Il est certain que s’il y a une correction pour cela, et que nous corrigeons pour l’âge et examinons des personnes du même groupe d’âge, vaccinées tôt et vaccinées plus tard, qui sont masquées pour d’autres facteurs, et que nous montrions que celles vaccinées plus tôt ont un risque plus élevé, cela m’inquiète vraiment. Ce ne serait pas nécessairement surprenant, car nous avons vu dans des études en laboratoire, notamment avec le variant Delta, que les anticorps neutralisants diminuent, en particulier chez les personnes âgées, sur une période d’environ six mois. On a publié une étude récente du Lancet à ce sujet, et elle soulève des inquiétudes, en particulier chez les personnes âgées, qui ont au départ des niveaux d’immunité neutralisante plus faibles. Cela pourrait suggérer que nous avons peut-être besoin de doses de rappel plus tôt que tard.

Je suis également très préoccupée par des données récentes pas encore publiées, mais je pense qu’il y a des suggestions récentes du CDC, qui a inversé sa politique visant à donner plus de libertés aux personnes vaccinées. Je pense qu’il y a environ trois mois, il avait une politique selon laquelle les masques seraient retirés ou ne seraient pas exigés pour les personnes doublement [pleinement] vaccinées.

Et maintenant, ils ont rétabli les masques pour les adolescents dans les écoles. Les chercheurs ont constaté que les personnes vaccinées couraient un risque raisonnable d’être contaminées; et non seulement elles sont contaminées, mais certaines ont même une charge virale élevée et peuvent infecter d’autres personnes. Ces résultats sont similaires à ceux obtenus dans d’autres régions du monde, comme la Corée du Sud et le Vietnam, où l’on a récemment observé des poussées massives d’infections après l’importation du variant Delta. Au moment où ils ont importé le variant, ces deux pays avaient des politiques permettant aux personnes vaccinées d’entrer dans le pays sans avoir à subir de quarantaine obligatoire. Ils ont dû inverser cette politique. Pour moi, toute cette expérience mondiale suggère que les personnes vaccinées sont plus susceptibles d’être contaminées et de transmettre l’infection qu’on ne le pensait jusque là, en particulier avec le variant Delta.

Nous devons examiner attentivement les données scientifiques avant de commencer à faire des exceptions pour les personnes vaccinées ; en particulier avec un variant hautement transmissible et plus capable d’échapper aux vaccins, car il semble que si les vaccins sont capables de donner une bonne protection contre les maladies graves, la protection contre la transmission de l’infection pourrait être moindre.

BM: Le CDC a peut-être appelé au rétablissement des masques, mais on ne sait pas combien d’États vont ré-adopter ces mesures. Mais pour moi, il semble que les masques ne suffisent pas à eux seuls à stopper la transmission, et surtout aux États-Unis, où nous constatons à nouveau des niveaux élevés de transmission. Qu’est ce qu’on doit faire d’autre, ou que préconisez-vous, en dehors d’une obligation de porter des masques?

DG: Nous avons toujours besoin de mesures d’atténuation à plusieurs niveaux. Je pense que le masquage est important, mais je pense que la ventilation est tout aussi importante. Et je pense que nous devons investir réellement dans la ventilation sous la forme de dispositifs de filtration de l’air et de ventilation supplémentaire plutôt que de simplement ouvrir portes et fenêtres. Et nous devons le faire dans les écoles et dans d’autres environnements intérieurs, comme les entreprises, les magasins et les lieux de travail en général. Ce genre de choses se passe dans certaines parties du monde. En Belgique, par exemple, les entreprises sont tenues d’afficher des moniteurs de dioxyde de carbone afin que vous puissiez connaître le niveau de risque avant d’entrer dans le magasin. Au Japon, si vous voulez aller au cinéma, vous pouvez être à l’extérieur et voir quel est le niveau de dioxyde de carbone pour le film que vous allez voir et si ce risque est quelque chose que vous voulez prendre. Et je pense que cela incite les entreprises et les commerces à protéger le public également. C’est très important, car ce problème ne va pas disparaître de sitôt, et nous devons investir dans ce domaine à long terme.

Il est également nécessaire de diffuser un message public très fort sur la nécessité d’une atténuation à long terme, en même temps que de vaccination. Je pense, par exemple, que le taux d’adhésion aux États-Unis, en particulier chez les jeunes, a été plus faible que souhaité. Cela implique également d’introduire une discussion sur le COVID long et les maladies chroniques chez les jeunes, ce qui, je pense, a été écarté par de nombreux gouvernements et même par des scientifiques.

Si les jeunes ne savent pas qu’en se contaminant ils courent un risque très réel, pourquoi voudraient-ils se faire vacciner? On leur dit constamment qu’ils ne tombent pas gravement malades. Ils pensent que ce sera quelque chose comme la grippe, alors ils décident de simplement l’endurer. À cet égard également, le message public n’est pas clair et ne donne pas la priorité aux jeunes pour leur expliquer pourquoi c’est si important et avantageux pour eux de se faire vacciner.

Outre les messages de santé publique, les bonnes stratégies d'atténuation, l'éducation sur les vaccins et la lutte contre l'hésitation à se faire vacciner, nous devons également mettre en place des systèmes de surveillance efficaces et améliorer la surveillance et l'identification des variants, ce qui est d'une importance capitale à ce stade.

BM: Les vaccins semblent-ils protéger contre le COVID long durée?

DG: Les données à ce sujet sont encore très récentes. Nous ne disposons pas de données systématiques analysées. N’oublions pas que le COVID longue durée ne survient que lorsque vous êtes infecté. Dans la mesure où les vaccins protègent contre l’infection, et ils offrent certainement une certaine protection contre l’infection, ils protégeront contre le COVID longue durée.

Mais je pense que la question est celle-ci: «Bénéficiez-vous d’une protection supérieure aux risques posés par l’infection sans vaccination?». Je pense que cela est moins clair. Des données récentes de Survivor Corps, un groupe de défense des personnes atteintes de la maladie de Creutzfeldt-Jakob, basées sur des enquêtes en ligne, montrent qu’il y a un degré d’infection post-vaccinale pour la maladie de Creutzfeldt-Jakob où 50 pour cent des personnes infectées après vaccination ont développé la maladie. Il s’agit évidemment d’une enquête biaisée, car elle n’est pas réalisée auprès de la population générale et les personnes qui se manifestent ne sont pas forcément représentatives de la population générale. Mais elle donne une indication que les personnes vaccinées peuvent aussi contracter le COVID de longue durée. Quelle que soit la protection fournie par les vaccins, elle est loin d’être complète, mais il y aura un degré de protection parce qu’elle protège contre l’infection.

Malheureusement, je suis assez frustrée de constater qu’en dépit du grand nombre d’études dont nous disposons sur la protection vaccinale contre les maladies graves et les infections, très peu de gens semblent étudier le COVID longue durée, qui est une partie essentielle de la protection que nous devons comprendre que les vaccins peuvent fournir.

BM: Vous aviez récemment écrit dans votre article publié dans The Lancet: «La contamination de masse n’est pas une option. Nous devons faire plus pour protéger nos jeunes». Vous avez également écrit: «La cause fondamentale de la perturbation de l’éducation est la transmission, pas l’isolement.» Comme nous approchons de la fin de notre discussion, pourriez-vous parler de la question COVID-19, enfants et éducation?

DG: Il est devenu très évident au cours de l’année dernière que les enfants jouent un rôle massif dans [la propagation de] la maladie. Je veux dire qu’on a vu beaucoup de désinformation à ce sujet et une minimisation du rôle des enfants dans la contamination. Nous avons entendu dire que les enfants sont moins susceptibles de s’infecter, qu’il est moins probable qu’ils transmettent la maladie, ou même qu’ils ne jouent pas un rôle important dans la transmission communautaire. C’est absolument faux!

Je pense que, indépendamment de la susceptibilité et de la transmissibilité, nous devons nous rappeler que les enfants sont en contact avec beaucoup plus de personnes que les adultes, étant donné qu’ils fréquentent les écoles en présentiel. Des études récentes, y compris celles des CDC, montrent que si l’on tient compte de ce que la plupart des infections chez les enfants sont asymptomatiques, on ne les détecte pas, les enfants ne se présentent pas aux tests parce qu’ils ne se sentent pas malades, si l’on tient compte de cela dans les études, on constate que les enfants sont tout aussi vulnérables que les adultes et aussi susceptibles de transmettre la maladie. Mais le fait qu’ils aient beaucoup plus de contacts fait d’eux une voie de transmission cruciale dans la communauté. Ces études ont également démontré que les parents d’enfants courent un risque élevé d’être infectés et de devoir aller à l’hôpital.

Ces études ont été menées dans le monde entier. Elles montrent toutes la même chose. Mais ces mêmes études ont également montré que si vous mettez en place des mesures d’atténuation dans les salles de classe, des mesures d’atténuation à plusieurs niveaux, vous pouvez réellement réduire le risque, non seulement pour les enfants mais aussi pour les parents. Nous savons que ce problème existe dans différentes parties du monde et qu’il peut être résolu. Je pense que la grande question est [que] malgré toutes ces connaissances, qui sont disponibles depuis un certain temps, de nombreux pays occidentaux ont fait si peu pour s’attaquer à ce problème. Pourquoi? Ils disent avoir pour priorité de réduire la perturbation de l’enseignement mais en fait ils ont fait très peu pour la réduire. Pour réduire les perturbations scolaires, qui ont malheureusement touché de nombreux enfants dans le monde, il ne s’agit pas de nier qu’ils contribuent à la transmission, ce qui est un fait avéré, mais plutôt de s’y attaquer en rendant les écoles plus sûres grâce à des mesures d’atténuation qui fonctionnent.

Hélas, ce sont les mêmes scientifiques et politiciens qui ont minimisé le rôle des enfants dans la transmission qui disent vouloir donner la priorité à l’éducation, mais qui attendent ensuite des enfants qu’ils aillent dans les écoles sans aucune mesure d’atténuation, ce qui conduit presque toujours à des taux élevés de transmission et à la fermeture des écoles.

Et c’est encore plus vrai avec les variants. Nous avons vu avec les variants Alpha et Delta que la transmission commençait chez les enfants d’âge scolaire et se propageait dans les communautés. Les variants les plus transmissibles se propagent très rapidement dans les écoles et dans les communautés. Si nous ne nous attaquons pas à ce problème par des mesures d’atténuation dans les écoles et par la vaccination des enfants, nous ne parviendrons malheureusement jamais à maîtriser cette pandémie. Et c’est quelque chose que les gouvernements doivent comprendre et que les scientifiques doivent comprendre.

BM: Est-ce que des données existent qui indiquent que le variant Delta est plus dangereux pour les jeunes enfants que les souches précédentes? Des données qui commencent à provenir d’Indonésie, du Brésil et même des États-Unis et du Royaume-Uni indiquent que les taux d’hospitalisation et de décès sont plus élevés.

DG: Oui. Globalement, il semble que le variant Delta soit le plus grave. Les données du Royaume-Uni et de l’Écosse nous apprennent que le risque d’hospitalisation est deux fois plus élevé pour les patients atteints du variant Delta. Des données récentes en provenance du Canada suggèrent qu’elle pourrait également être plus mortelle. Mais on ne sait pas si cela est pire pour certains groupes d’âge. Mais l’expérience «du front» semble suggérer que ce pourrait être le cas. Des pédiatres et des médecins spécialisés en soins intensifs de différentes régions du monde, y compris des États-Unis, nous disent que les adolescents malades de cette vague particulière nécessitent davantage de soins intensifs et sont plus susceptibles d’avoir besoin d’une ventilateur que ceux qu’ils ont vus lors des vagues précédentes. Et je pense que nous devons écouter ces expériences «du front» à mesure que les preuves s’accumulent. Nous avons entendu la même chose à Singapour et en Inde lorsque Delta s’y est répandu. Et je pense que nous devons être très prudents quant à l’exposition des enfants à ce virus. Au Royaume-Uni, nous avons vu les hospitalisations augmenter beaucoup plus rapidement que lors des vagues précédentes. Actuellement, nous avons environ 50 à 60 enfants hospitalisés par jour, ce qui est assez significatif.

BM: Quelle est votre opinion sur l’obligation de vacciner? Quelles sont les préoccupations politiques en faveur ou contre les obligations?

DG: J’ai peut-être des opinions différentes sur les vaccinations obligatoires. Je comprends leur nécessité dans les établissements de santé et les maisons de soins. Je suis moi-même médecin et avant d’aller à l’hôpital, j’ai dû me faire vacciner contre l’hépatite B et c’est une obligation. Et je comprends pourquoi, car les décisions que nous prenons influencent les risques auxquels sont soumis nos patients, dont beaucoup sont vulnérables. Et s’ils étaient infectés, ils pourraient tomber très malades. Je pense donc que je comprends les obligations dans ce contexte. Je suis moins à l’aise avec une obligation au niveau de la population et je vais en expliquer les raisons.

Je pense que l’hésitation à l’égard des vaccins est une chose très hétérogène, et il ne s’agit pas uniquement de la théorie complotiste antivax. Des gens hésitent à se faire vacciner pour des raisons très légitimes. Ils ne font pas confiance à notre gouvernement parce que celui-ci les a laissés tomber. Ils n’ont pas confiance dans les services de santé parce qu’ils les ont laissés tomber. Et ici, je parle spécifiquement des minorités ethniques parce qu’il s’agit d’un contexte historique. Il s’agit de groupes qui ont déjà fait l’objet d’expériences contraires à l’éthique de la part de notre communauté scientifique, qui ont été abandonnés à maintes reprises par le gouvernement, l’immigration et qui ont même subi la discrimination dans le domaine des soins de santé. Nous savons par exemple que les minorités ont de moins bonnes expériences en matière de soins de santé, que souvent on ne croit pas à leurs symptômes et qu’elles ont de moins bons résultats. Et je pense qu’aborder ce problème avec l’obligation n’est pas approprié et plutôt injuste car cela risque de marginaliser encore plus les groupes qui ne font déjà pas confiance aux systèmes pour de très bonnes raisons.

Je pense que la façon dont cela doit être abordé est à travers des engagements communautaires actifs et la reconnaissance de tels échecs, et en étant conscient de pourquoi l’hésitation existe ;et en essayant d’y répondre directement plutôt que de forcer les groupes qui se méfient déjà du gouvernement à s’engager dans quelque chose où ils ne sont pas à l’aise, sans essayer de comprendre pourquoi et de l’aborder directement.

BM: Ma dernière série de questions: Alors, que doit-on faire? Comment sortir de la pandémie et que doit-on faire contre les pandémies futures? La volonté politique existe-t-elle pour faire de tels préparatifs?

DG: Le seul moyen que je vois pour sortir de cette pandémie n’est pas la stratégie qui consiste à «vivre avec le virus», comme le font actuellement de nombreux pays. J’espère qu’à un moment donné, ils apprendront que ce n’est pas possible. La seule façon d’en sortir d’une manière raisonnable qui protège la santé publique, l’éducation et l’économie de la société est une stratégie d’élimination coordonnée au niveau mondial ; où les pays se soutiennent mutuellement, partagent les vaccins, les ressources, les informations et s’entraident pour y parvenir.

Je suis très sceptique quant à la possibilité de voir quelque chose de ce genre. Compte tenu du niveau d’inégalité en matière de vaccins que nous connaissons actuellement et de la manière dont nous appliquons la stratégie consistant à «vivre avec le virus», je m’inquiète vraiment de l’évolution des variants. Je m’inquiète vraiment de l’apparition de nouveaux variants. Et je crains vraiment qu’à un moment donné, l’élimination devienne impossible. Car, ce que nous voyons actuellement, c’est l’émergence de variants hautement transmissibles qui menacent les anciennes zones d’élimination qui ont bien fait les choses, qui ont protégé la santé publique et l’économie. Des pays comme la Corée du Sud, le Vietnam, Taïwan et l’Australie ont tous subi d’énormes poussées à cause de Delta. Et plus les variants transmissibles sont nombreux, plus il sera difficile de les éliminer ; l’élimination dépend du maintien des variants à l’extérieur et d’empêcher que de petits clusters épidémiques ne passent dans la communauté. Mais lorsque des variants hautement transmissibles pénètrent dans le pays, il n’est plus possible de tenir la cadence par une simple surveillance, ils pénètrent très rapidement dans la communauté, avant même qu’on sache qu’ils sont là, et ils commencent à se propager rapidement.

Même les systèmes de réponse rapide dont disposent de nombreux pays ne suffisent pas à maîtriser cette situation. Et c’est ce que nous constatons dans de nombreuses zones d’élimination. Nous n’avons pas le luxe d’attendre. Je pense que nous avons besoin d’une stratégie mondiale formelle et coordonnée pour l’élimination, dans laquelle les vaccins constituent une partie, mais pas la totalité, car nous devons activement réduire la transmission en même temps que nous vaccinons. Si nous ne le faisons pas, les vaccins seront toujours à la traîne de nouveaux variants et nous aurons des recrudescences massives avec leurs conséquences dévastatrices. Et je pense que nous devons investir à long terme dans des choses comme la ventilation pendant que nous faisons cela, car cela a un impact bénéfique pour cette pandémie, mais aussi pour notre avenir.

C’est une bonne chose de changer notre façon de vivre, de protéger les personnes, les lieux de travail et nos enfants, ce qui permet aux gens d’avoir plus de libertés. Je pense que nous devrions cesser de considérer ces mesures comme des restrictions, mais plutôt comme des mesures qui nous permettent de devenir plus libres en tant que société, de sortir et de rencontrer les gens que nous voulons en maintenant des taux de transmission bas, car c’est la seule façon de le faire. On ne peut pas aller dans une société où une personne sur 70 est infectée, ce que le Royaume-Uni a essayé de faire.

BM: Une dernière réflexion ou commentaire?

DG: Je pense que les dirigeants doivent abandonner leurs idéologies et travailler avec les parties prenantes pour élaborer des politiques fondées sur des preuves. Mais il faut suivre les preuves aux côtés de personnes motivées pour effectuer des changements. Les dirigeants ont souvent fait des choses au nom du public en pensant que c’était ce que le public voulait, alors que le public est en fait beaucoup plus prudent et beaucoup plus informé que les gouvernements n’ont tendance à le penser.

Et j’aimerais voir les gouvernements travailler avec des groupes comme des groupes d’entreprises, avec les enseignants, les syndicats, les groupes de défense, les scientifiques, les parents, les étudiants, afin de créer ensemble une politique qui soit bénéfique pour tout le monde et pas de donner la priorité à une chose sur une autre.

Et j’aimerais qu’ils travaillent sur la base de preuves scientifiques et non sur la base de la désinformation ou de l’idéologie. J’aimerais qu’ils cessent de donner la priorité à un aspect de la société plutôt qu’à un autre, car tous les aspects dépendent de notre capacité à surmonter cette crise. Cela signifie être honnête avec le public et contenir la crise à laquelle nous sommes confrontés plutôt que de l’ignorer et de l’écarter ; ce qui n’a jamais fonctionné, car il n’y a pas de moyen de s’en sortir par des tournures de langage. Nous devons nous attaquer au problème qui se présente à nous.

BM: Dre Gurdasani, encore une fois, merci pour votre temps.

DG: Ce fut un plaisir. Merci de m’avoir reçue.

(Article paru d’abord en anglais le 3 août 2021)

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