Le dimanche 8 août, les 16 jours des Jeux olympiques d’été de Tokyo ont pris fin. Ils se sont conclus par un discours du président du Comité international olympique (CIO), Thomas Bach, qui a déclaré cyniquement: «Vous, le peuple japonais, pouvez être extrêmement fier de ce que vous avez accompli.»
Ce qui n’a pas été mentionné, c’est la grande impopularité des jeux qui se sont déroulés en pleine urgence nationale et mondiale pendant la pire vague de COVID-19 au Japon à ce jour. La réalité est que le «peuple japonais» n’a pas eu son mot à dire dans ces événements qui ont suscité une forte opposition. Les sondages ont montré que plus de 80 % de la population souhaitait annuler ou reporter les Jeux olympiques qui se sont déroulés pendant l’état d’urgence.
Les Jeux olympiques ont rassemblé environ 11.500 athlètes de 206 nations, territoires et principautés, ainsi qu’environ 79.000 officiels olympiques, journalistes et membres de personnel de soutien. Selon un document publié par le CIO, il y a eu au moins 320 cas confirmés de COVID-19 parmi les athlètes, les organisateurs des Jeux et les travailleurs.
On estime que le gouvernement japonais a dilapidé plus de 36 milliards de dollars pour accueillir les jeux, en construisant neuf nouveaux stades, alors que rien n’a été dépensé pour les mesures d’atténuation de la COVID-19 ni pour l’aide aux personnes touchées par la pandémie.
Pendant la durée de l’événement d’affaires mondial, le Japon a enregistré son plus grand nombre de cas de coronavirus à ce jour. Tokyo a dépassé les 5042 cas le 5 août, dont 229 avaient moins de 10 ans, et le pays dans son ensemble a enregistré 15.000 cas.
L’Institut national des maladies infectieuses a annoncé que 90 % de tous les cas dans la région du Kanto (Tokyo, Kanagawa, Saitama, Chiba) et 60 % de tous les cas dans la région du Kansai (Osaka, Kyoto, Nara) sont dus au variant Delta. L’agence a déclaré à Asahi TV: «Le nombre de décès va augmenter.» Les experts de la santé ont conseillé au gouvernement de déclarer l’état d’urgence dans tout le pays, ce que le gouvernement Suga a refusé de faire pendant toute la durée des jeux.
L’augmentation massive des cas de coronavirus a plongé Tokyo dans une crise sanitaire de plus en plus grave, où seulement 32,9 % de la population sont entièrement vaccinés. En réaction au fait que de nombreux hôpitaux ont atteint leurs capacités, le gouvernement Suga a mis en place une politique impitoyable et mortelle visant à limiter l’hospitalisation aux personnes présentant les cas les plus graves de COVID-19. Les cas légers et modérés ne devaient pas entrer dans les hôpitaux et devaient rester en quarantaine à la maison. Malgré les supplications du ministre japonais de la Santé au sujet de cette nouvelle politique, l’administration a refusé de céder.
La pénurie de lits et de ressources sanitaires était tout à fait prévisible, mais le gouvernement n’a fait aucun effort pour faire face à l’augmentation prévue du nombre de cas ni pour contenir le virus. Le 29 juillet, la gouverneure de Tokyo, Yuriko Koike, a déclaré: «Pour ceux qui vivent seuls, utilisez votre maison comme un lit d’hôpital.»
Cette déclaration a été largement critiquée sur Internet avec des commentaires tels que «Elle recommande de mourir seul», «Que ferez-vous si vos symptômes s’aggravent ?». «En gros, Tokyo laisse mourir ceux qui vivent seuls», «Il y a des cas de décès pendant la quarantaine. Vous nous dites de mourir?»
En conséquence, le nombre de décès parmi les personnes en quarantaine à domicile a augmenté de manière draconienne, en particulier chez les personnes âgées de 30 à 50 ans. Au 5 août, on comptait au moins huit décès pendant la mise en quarantaine à domicile. Le 7 août, NHK, le radiodiffuseur public japonais, a rapporté qu’une femme d’une cinquantaine d’années avait développé de graves symptômes alors qu’elle était en quarantaine chez elle et qu’elle était décédée peu après avoir été admise à l’hôpital.
«La mort pendant la mise en quarantaine augmente» figurait parmi les mots-clés en vogue sur Twitter. Beaucoup ont exprimé leur indignation face à cette situation horrifiante en déclarant: «Cela va certainement augmenter. Je pourrais être le prochain.», «Cela fait seulement 5 jours que nous sommes entrés en août et nous avons déjà 8 décès». Un autre a exprimé sa colère envers les mesures COVID-19 inexistantes du gouvernement, déclarant: «C’est impardonnable. Cela fait un an et demi que nous sommes entrés dans la pandémie. Pourquoi ne peuvent-ils pas construire des installations d’isolement? Ils ne peuvent même pas engager suffisamment de personnel médical et n’ont aucune stratégie contre le virus. Un gouvernement inutile».
Au 9 août, on dénombrait 17.356 personnes en auto-isolement, 1869 personnes dans des hôtels et 13.325 personnes sur liste d’attente pour être admises dans un hôpital. L’infection au sein des familles représente désormais plus de 60 % des cas en raison de l’augmentation des cas d’auto-isolement. Les patients atteints de la COVID-19 qui souhaitent s’auto-isoler dans des hôtels sont placés sur une liste d’attente de plus de 100 personnes. Un travailleur social a déclaré à l’Asahi Shimbun: «J’ai vu de nombreuses personnes souffrant de symptômes graves ne pas être acceptées dans les hôpitaux juste avant leur mort.» Des infirmières ont été déployées pour rendre visite aux personnes âgées et aux personnes handicapées présentant des symptômes graves du COVID en quarantaine à domicile. Elles ont expliqué que les patients étaient incapables de bouger et que ce qu’ils avaient vomi n’était pas nettoyé. Beaucoup ont demandé aux infirmières: «Est-ce que je vais mourir?»
Des stades monumentaux ont été érigés, des responsables ont coordonné le déplacement de dizaines de milliers d’athlètes, d’employés, de travailleurs, de personnel de santé, d’hôtellerie, de restauration et d’une armée d’autres travailleurs pour rendre les jeux possibles. Aucune dépense n’a été épargnée pour ces événements, qui ont consommé d’énormes ressources équivalentes au PIB annuel d’un petit pays. Mais au bout d’un an et demi, absolument rien n’a été fait pour améliorer les hôpitaux, construire des centres d’isolement ou déployer les efforts d’atténuation nécessaires pour éviter le cauchemar auquel sont confrontés les hôpitaux et l’épuisement du personnel et des installations de soins de santé.
Pour couronner le tout, il a été révélé que l’Institut national des maladies infectieuses (NIID) a déposé un rapport sur la base de données internationale des virus, connue sous le nom de GISAID, concernant la découverte du premier cas du variant Lambda hautement infectieux trois jours avant la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques, mais l’information n’a jamais été rendue publique par Tokyo.
Il est absolument criminel que les Jeux olympiques aient eu lieu malgré l’opposition massive de la population, non seulement au Japon mais dans le monde entier. Alors que le gouvernement japonais n’a jamais pris de mesures sérieuses contre la pandémie ni fourni de fonds de secours aux personnes touchées, il s’est empressé d’investir des milliards de dollars des contribuables dans les jeux. Cette décision a été prise non seulement par le gouvernement japonais, mais aussi par les organisateurs internationaux des Jeux olympiques. Il n’existait aucun intérêt ou volonté politique de la part de la classe dirigeante internationale pour arrêter la pandémie.
De nombreuses protestations ont éclaté avant et pendant les jeux. La popularité de l’administration Suga a chuté à 28 %. La colère de la population japonaise a atteint un point de rupture avec tous les maux du système capitaliste qui remontent à la surface à cause de la pandémie de COVID-19 et de l’organisation forcée des jeux. C’est un événement qui ne sera pas oublié et qui restera dans l’histoire pour sa profonde criminalité.
(Article paru en anglais le 10 août 2021)