Aux États-Unis le variant Delta se propage rapidement, le pays est confronté à un déluge d’hospitalisations

Les États-Unis ont ajouté 235.099 cas de COVID-19 à leur nombre de cas quotidiens lundi, selon le ‘tracker’ COVID du New York Times. C’est le nombre le plus élevé de nouvelles infections enregistrées en un seul jour depuis la mi-janvier. Mais ce chiffre choquant est manifestement inexact, de nombreux États ayant limité leurs rapports sur les cas et les décès ; ce qui rend difficile et troublant l’appréciation de ce bond soudain des infections.

Le Dr Jorge Caballero, qui a qualifié d’«immoral» le fait de renvoyer dans les écoles des enfants et des enseignants non vaccinés, a récemment tweeté que de nombreux États se débarrassaient des chiffres accumulés pendant le week-end. Cela rend impossible le suivi des statistiques quotidiennes. Il faut à présent utiliser les tendances hebdomadaires pour essayer de se faire une idée approximative ; mais dans le contexte d’un virus hautement transmissible, celles-ci ne peuvent pas aider au suivi et au traçage des infections. La moyenne mobile sur sept jours continue de grimper, ayant atteint 117.000 nouvelles infections par jour. La dernière fois que les États-Unis ont connu un tel taux, c’était au cours de la première semaine de février, il y a un peu plus de six mois.

Des élèves arrivent pour le premier jour d’école à l’école primaire Sessums, le 10 août 2021, à Riverview, en Floride. (AP Photo/Chris O’Meara)

La Floride, confrontée à une crise sanitaire rapidement incapacitante, ne publie que des rapports hebdomadaires ; cela rend impossible de déterminer où les infections se produisent et comment elles se propagent. Pour ajouter à la confusion, les Centres de contrôle et prévention des maladies (CDC) ont arbitrairement divisé par deux les 56.633 cas signalés par la Floride au cours du week-end. Ainsi, ils ont relevé 28.316 nouveaux cas de COVID samedi et 28.317 nouveaux cas dimanche. Plutôt que d’exiger des données exactes et opportunes, cette manipulation désinvolte des données ne fait que confirmer qu’ils ont abdiqué leur leadership.

Ce qui reste néanmoins certain, c’est que le taux de positivité pour l’État est maintenant proche de 20 pour cent, car il a dépassé le taux des hospitalisations pour COVID-19 neuf jours de suite. La semaine dernière, près de 14.000 personnes y étaient hospitalisées, dont 2.835 en soins intensifs, ce qui représente 45 pour cent de la capacité des unités de soins intensifs de l’État. Dimanche, les patients COVID-19 représentaient 25 pour cent de tous les hospitalisés.

Le 5 août 2021, l’émission US News & World Report a rapporté que, malgré l’augmentation du nombre de cas, sept États – la Floride, le Dakota du Sud, l’Iowa, l’Alaska, le Maine, le Michigan et l’Oklahoma – ont réduit la fréquence de communication de leurs statistiques sur le COVID-19, tandis que le Nebraska a cessé de mettre à jour son tableau de bord COVID le 30 juin, à peu près au moment où le gouverneur Pete Ricketts mettait fin à l’état d’urgence. Le Dr Bob Rauner, médecin-chef de OneHealth Nebraska, a déclaré sans détours au Lincoln Journal Star: «C’est une mauvaise idée de ne pas communiquer les données pour que les autres ne puissent pas les analyser.»

Actuellement, près de 69.000 patients atteints du COVID-19 se trouvent hospitalisés aux États-Unis, soit une augmentation de 2.591 par rapport à la semaine précédente. Parmi eux, 16.828 sont en soins intensifs. Tous les États, sauf l’Utah, ont connu une augmentation des nouveaux cas. La moyenne quotidienne des décès COVID-19 a augmenté de plus de 100 pour cent en deux semaines, atteignant plus de 550 décès par jour.

On observe également une tendance à la hausse chez des personnes entièrement vaccinées qui sont hospitalisées pour des infections graves. Ce sont généralement des personnes âgées présentant des comorbidités et vivant dans des établissements de soins longue durée. Cela souligne le danger des nouveaux variants et la nécessité de dénoncer cette idée dangereuse que la vaccination peut à elle seule permettre au monde de traverser la pandémie, sans les mesures sociales globales – masquage, éloignement social et fermeture des entreprises non essentielles – qui ont prouvé qu’elles pouvaient sauver des vies mais sont ignorées par les gouvernements, national et des États.

Les écoles étant prêtes à ouvrir, de nombreux pédiatres et cliniciens mettent en garde contre les dangers courus par les enfants non vaccinés. La semaine dernière, les nouveaux cas pédiatriques de COVID-19 ont approché les 94.000, avec un nombre croissant d’hospitalisations. Cette semaine, le nombre d’admissions pédiatriques pour le COVID-19 a atteint un niveau record en une seule journée. Par rapport à juillet, les enfants sont maintenant hospitalisés presque quatre fois plus.

Le président de l’Académie américaine de pédiatrie, le Dr Lee Savio Beers, exhorte l’Administration des denrées alimentaires et médicaments (FDA) à autoriser les vaccins pour les enfants de cinq ans et plus dès que possible. «Nous devons aborder les essais et l’autorisation des vaccins COVID pour les enfants avec la même urgence que pour les adultes. Tout comme le virus peut causer une maladie grave chez les adultes, il peut en causer une très grave chez les enfants.» Toutefois, le fabricant du vaccin COVID-19 Pfizer ne demandera cette autorisation que fin septembre, pour un début des vaccinations en décembre.

Entre-temps, le centre de prévision du COVID-19 de l’Université du Massachusetts à Amherst a prédit que si les épidémies actuelles n’étaient pas immédiatement contenues, les nouvelles hospitalisations pourraient quadrupler d’ici la Fête du travail [le 6 septembre] et atteindre 33.300 cas par jour.

Figure 1 Effet des vaccins et des mesures de santé publique sur la propagation du variant Delta. Source @GosiaGasperoPhD.

Si des États comme la Floride, la Louisiane, l'Arkansas, l'Alabama, le Missouri, le Mississippi et le Texas présentent les taux de cas les plus élevés du pays, 90 pour cent des comtés du pays, où vivent 98 pour cent de la population américaine, font état de transmissions communautaires importantes ou élevées.

Par exemple, les autorités sanitaires du Minnesota ont signalé que 333 personnes y ont été hospitalisés mardi. Les admissions ont triplé au cours du dernier mois, soulignant la vaste propagation du variant Delta dans tous les États-Unis. Quatre-vingt-douze personnes sont en soins intensifs en raison de difficultés respiratoires et de complications médicales liées à l’infection. Selon la Star Tribune, le taux de positivité des tests COVID-19 est passé de 1,1 pour cent en juin à 4,9 pour cent aujourd’hui. Ces tendances sont alarmantes pour un État qui a dépassé la moyenne nationale alors que 54 pour cent de sa population est entièrement vaccinée.

Le département de la santé publique du Minnesota a confirmé que le nouveau variant Delta pourrait être à l’origine d’au moins 85 pour cent de toutes les nouvelles infections. L’État, comme beaucoup d’autres, a tenté d’utiliser des incitations financières pour augmenter la taille de la population vaccinée. Mais en l’absence de mesures de sanitaires strictes visant à stopper la propagation et à éliminer le coronavirus, même un statut vaccinal solide ne permettra pas de freiner la propagation du variant.

L’épidémiologiste Larry Brilliant, membre de l’équipe de l’Organisation mondiale de la Santé qui a contribué à l’éradication de la variole, a dressé lundi sur CNBC un constat qui donne à réfléchir. «Je pense que nous sommes plus proches du début que de la fin [de la pandémie], et ce n’est pas parce que le variant que nous observons actuellement va durer très longtemps», a prévenu Brilliant. «À moins que nous ne vaccinions tout le monde dans plus de 200 pays, on va toujours subir de nouveaux variants.» Actuellement, environ 15 pour cent de la population mondiale est entièrement vaccinée.

Le 23 juillet, la Dre Malgorzata Gasperowicz, biologiste du développement et chercheuse à l’université de Calgary, a tweeté: «Nous ne pouvons pas sortir de la pandémie par la vaccination. Nous avons besoin à la fois de vaccins et de mesures sanitaires. C’était tout juste possible avec le variant original. [Mais] avec le variant Delta, les mesures sanitaires et les vaccins sont moins efficaces. Mais combinés, ils peuvent encore fonctionner». [C’est nous qui soulignons]

Si l’on considère la courbe épidémiologique actuelle, en supposant que 70 pour cent de la population soit totalement immunisée (les États-Unis sont à 50 pour cent) et que les vaccins contre le COVID puissent offrir une efficacité de 99 pour cent, ce qui n’est pas le cas, le nombre des nouveaux cas de COVID continuera d’augmenter si des mesures sanitaires strictes ne sont pas mises en œuvre. Dans un tel cas, le coronavirus ne s’épuiserait qu’après s’être propagé dans chaque communauté en infectant toutes les personnes pouvant l’être, y compris les enfants.

En plus de Brilliant, toutes les autorités épidémiologiques sur la pandémie ont déclaré sans ambiguïté que les mutations étaient probables, voire inévitables, surtout si l’on considérait les taux élevés répétés de transmission communautaire dans le monde. Dans un tel cas, même les vaccins et les mesures strictes de santé publique pourraient ne pas freiner la propagation des souches émergentes.

Figure 2 Tendances d’une semaine à l’autre des nouveaux cas de COVID aux États-Unis, 10 août 2021. source newsnode.com

L’inquiétante tendance à l’augmentation, semaine après semaine, des cas aux États-Unis, indépendamment des taux de vaccination déclarés par chaque État, ne fait que confirmer, dans le monde réel, la validité des conclusions du Dr Gasperowicz.

Et comme si cela n’était déjà pas suffisant, la situation actuelle aux États-Unis rappelle les premiers jours de mars 2020, lorsqu’un test de diagnostic défectueux et l’absence de mesures de sanitaires significatives – recherche et isolement des contacts, éloignement social et tests de masse – signifiaient que le pays entrait à grand pas et à l’aveuglette dans l’ouragan de la pandémie.

Mardi, le responsable de l’Oxford Vaccine Group, Andrew Pollard, a expliqué que l’immunité collective n’était «pas envisageable» avec le variant Delta. S’adressant au groupe parlementaire multipartite britannique sur le coronavirus, il a offert ces sages paroles et conseils: «Avec le variant actuel, nous sommes dans une situation où l’immunité collective n’est pas possible, car le virus continue d’infecter les personnes vaccinées. Je pense que le prochain variant du virus sera peut-être encore plus efficace dans sa transmission à des populations vaccinées. C’est donc une raison de plus de ne pas élaborer un programme de vaccination en fonction de l’immunité collective».

(Article paru d’abord en anglais le 11 août 2021)

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