Le ministère américain de la Sécurité intérieure met en garde contre la violence terroriste liée aux conspirations électorales de Trump

Vendredi dernier, le département de la Sécurité intérieure (DHS) a publié un nouveau bulletin du système national d’alerte au terrorisme, signalant un «environnement de menace accrue à travers les États-Unis» du 13 août au 11 novembre. Le bulletin cite explicitement les théories du complot fasciste propagées par l’ancien président Donald Trump concernant «la fraude électorale perçue et la réintégration présumée».

Le bulletin de renseignement a noté l’émergence de variants de COVID-19 et, avec eux, la réimposition possible de restrictions de santé publique comme moteur de la violence potentielle des groupes «antigouvernementaux». Le bulletin cite également la réouverture des écoles et le 20e anniversaire des attaques terroristes du 11 septembre 2001 comme autant de «cibles potentielles pour la violence». Toutefois, aucune menace spécifique n’a été citée par l’agence.

Dans une interview accordée à CNN, John Cohen, chef du bureau du renseignement et de l’analyse du DHS, a qualifié les menaces en ligne de «très similaires à celles que nous avons vues avant le 6 janvier». Paraphrasant les commentaires vus en ligne par l’agence, Cohen a dit que l’on pouvait lire que «le système ne fonctionne plus», qu’il «faut agir nous-mêmes» et «sortez les potences».

Des partisans du président Donald Trump qui portent des tenues associées aux Proud Boys assistent à un rassemblement au Freedom Plaza, samedi 12 décembre 2020, à Washington. (AP Photo/Luis M. Alvarez)

«La préoccupation des forces de l’ordre», a déclaré Cohen, «est qu’à un certain moment, toutes les théories de la conspiration qui indiquent qu’un changement va survenir par le biais du processus vont s’épuiser. Et la question qui se pose est de savoir si les gens vont essayer de recourir à la violence pour faire avancer ce faux récit.»

Dans une interview accordée à la chaine NBC News mercredi dernier, un porte-parole du DHS a déclaré: «Nous sommes actuellement dans un environnement de menaces accrues liées au terrorisme, et le DHS est conscient de précédents cas de violence associés à la diffusion de désinformation, de faux récits et de théories du complot concernant l’élection de 2020.»

Un deuxième responsable du DHS a déclaré à la chaine NBC News que les théories du complot sur l’élection de 2020 propagées par Trump et la quasi-totalité du Parti républicain avaient migré des forums internet obscurs vers des forums plus grand public. «Nous sommes préoccupés par les appels à la violence», a-t-il déclaré.

À l’approche de la tentative de coup d’État du 6 janvier, le DHS a refusé de publier un bulletin de menace ou de désigner la certification, ce jour-là, du vote du collège électoral par une session conjointe du Congrès américain comme un événement de sécurité spéciale national (ESN). Au lieu de cela, un rapport de renseignement produit le 5 janvier par le Bureau du renseignement et de l’analyse du DHS a déclaré que «rien d’important n’était à signaler».

Ce faisant, le DHS, alors dirigé par des personnes nommées par Trump, a ignoré les milliers d’indices qui affluaient dans les agences de renseignement et des agences de police sur le plan national, y compris le DHS, le FBI, la police métropolitaine de Washington DC et la police du Capitole américain, avertissant d’une attaque violente contre le Congrès qui visait à bloquer la certification de la victoire électorale de Joe Biden.

L’ancien secrétaire par intérim du DHS, Chad Wolf, ne s’est toujours pas présenté devant une commission de la Chambre ou du Sénat pour expliquer pourquoi il en était ainsi, et les démocrates n’ont pas émis d’assignation à comparaître pour l’obliger à témoigner.

La semaine dernière, le Bureau de la responsabilisation du gouvernement (Government Accountability Office – GAO) a publié le premier de trois rapports sur la raison pour laquelle le DHS n’avait pas désigné le 6 janvier comme un événement national de sécurité spéciale ou émis une évaluation d’événement spécial (SEAR). Le rapport ne critique pas le DHS pour cette étonnante omission et l’attribue plutôt à une «confusion» entre les différentes agences fédérales quant à savoir qui peut demander de telles désignations.

Cette esquive ridicule est mise en évidence par le fait qu’au cours des quatre dernières années, le DHS a désigné 13 événements comme des événements nationaux de sécurité spéciale, dont huit ont eu lieu dans la région de Washington DC. Les événements NSSE précédents incluent les discours sur l’état de l’Union, les conventions démocrates et républicaines et les investitures présidentielles.

Au cours de la même période, le DHS a reçu plus de 104.000 demandes d’événements à classer dans la catégorie SEAR, dont 1.717 ont eu lieu dans la région du Capitole national. Des milliers de demandes SEAR ont été soumises par des agences fédérales et locales, notamment le DHS, la police du Capitole et le National Park Service, de 2017 à 2021. Parmi ces événements, citons le Super Bowl à Tampa, en Floride, les funérailles de la juge de la Cour suprême Ruth Bader Ginsburg et le Festival national des cerisiers en fleurs à Washington DC.

Les rumeurs de réintégration de Trump à un moment donné en août sont alimentées par des politiciens républicains d’extrême droite et leurs alliés, comme le PDG de MyPillow, Mike Lindell. Ce dernier a récemment accueilli des dizaines de responsables du Parti républicain pour un «Cyber Symposium» de trois jours, qui a fait la promotion du mensonge selon lequel le Parti communiste chinois aurait «changé» des votes Trump en votes Joe Biden via Internet.

Un exemple de la relation symbiotique entre le Parti républicain et les milices fascistes s’est produit samedi à Los Angeles. Sous le regard de la police de la ville, des centaines de partisans de Trump, dont des dizaines de Proud Boys fascistes, se sont rassemblés à l’hôtel de ville contre les obligations de port de masque et ont agressé des contre-manifestants et des journalistes.

Le rassemblement d'extrême droite comportait des pancartes et des t-shirts dénonçant les vaccins, la Chine, le gouverneur Gavin Newsom, le socialisme, les Antifa et les masques, ainsi que des versets bibliques chrétiens et des déclarations selon lesquelles «Jésus est roi» et «Son sang est mon vaccin». Les intervenants fascistes ont ouvertement appelé à la violence contre leurs opposants.

Au moins une personne a été poignardée lors de l’événement, mais le département de police de Los Angeles (LAPD) a annoncé qu’il n’y avait eu aucune arrestation. Sur Instagram, le LAPD a omis la présence des dizaines de Proud Boys. Au lieu de cela, elle a écrit que ses agents étaient «sur place pour maintenir l’ordre après qu’une bagarre a éclaté entre Antifa et des personnes rassemblées pour l’événement autorisé».

Un événement similaire a eu lieu la semaine dernière à Portland, où la police a permis à des manifestants d’extrême droite pro-Trump d’attaquer des contre-manifestants. Parmi les manifestants d’extrême droite figuraient des personnes qui ont participé à la prise d’assaut du Capitole américain le 6 janvier.

Un fasciste identifié à la fois lors de la tentative de coup d’État du 6 janvier et de la manifestation de LA, ainsi que lors de l’émeute des Proud Boy devant le Wi Spa de Los Angeles le mois dernier, est Tony Moon. Ce dernier a admis qu’il était présent dans l’enceinte du Capitole le 6 janvier et de nombreuses photos le montrent en train d’agresser des journalistes samedi dernier, mais il n’a pas encore été arrêté ou inculpé.

(Article paru en anglais le 16 août 2021)

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