Le pass sanitaire de Macron couvre le refus d'une lutte scientifiquement fondée contre le coronavirus

Lorsque le quotidien Le Monde a rendu compte du conseil de défense sanitaire tenu le 21 juillet dernier, il a indiqué que le président Macron avait opposé «Un refus net et catégorique. Une sorte de veto présidentiel» à la possibilité de compléter les dispositions du pass sanitaire par des mesures de restrictions spécifiques localisées, telle que le couvre-feu, dans les zones de forte infection.

Le pass sanitaire réserve l’accès de différents lieux collectifs aux personnes vaccinées, rétablies du covid ou ayant effectué un dépistage récent. Le pass sanitaire, présenté comme un dispositif complémentaire à la vaccination et encourageant à celle-ci, est en fait un ensemble de mesures disparates et peu cohérentes. Il vise avant tout à justifier la réouverture la plus large possible des activités et de l’économie pour l'accumulation des profits, tout en laissant le virus circuler largement.

La veille du conseil de défense du 21 juillet, le ministre de la santé, Olivier Véran avait sonné l’alarme, annonçant un triplement du nombre de cas positifs en une semaine. Un record depuis le début de l’épidémie en France. Cela faisait suite à la levée des dernières mesures partielles de confinement. La diffusion sans entrave en France du variant delta beaucoup plus contagieux a ainsi été rendue possible: il est passé de 20 % des cas à la fin juin à 93% aujourd’hui.

Le pass sanitaire est une politique en trompe-l'œil visant à faire croire que des mesures sont prises pour lutter contre le virus alors qu'aucune politique ayant pour objectif de diminution de la circulation du virus n'est définie et que le nombre de cas augmente au contraire sans cesse. Le pass n'a rien à voir avec une politique scientifiquement fondée, visant à éradiquer le virus.

Le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal, a dû reconnaître le 11 août que «Après des semaines de hausse exponentielle, le nombre de contaminations est désormais sur un faux plat légèrement ascendant, un plateau très haut avec 22.500 nouvelles contaminations détectées en moyenne chaque jour et qui ne semble pas pour l'instant s'infléchir». Mais en fin de semaine, la moyenne sur 7 jours est passée à 23.783 cas, démontrant une poursuite de l'augmentation des cas, avec un taux de reproduction de virus un peu au-dessus de 1,1.

Le virus se diffuse à un niveau élevé en France, mais aussi de façon contrastée selon les régions. La contamination est en particulier nettement plus élevée dans les zones estivales du Sud Ouest et Sud Est, ainsi que dans toute la zone proche des Pyrénées. Six départements du sud de la France ont des taux supérieurs à 300 pour 100.000. On s'attend à ce que les retours vacances d'août entraînent un brassage des populations et s'accompagnent d'une diffusion accrue sur l'ensemble du territoire.

La réouverture des écoles en septembre se transformera inévitablement en catastrophe sanitaire. Les enfants sont peu vaccinés et les vaccins ne sont utilisés qu'au-dessus de 12 ans. Les contaminations croisées entre les familles et à l'école vont être très nombreuses. (Lire: 'La réouverture des écoles présente des risques majeurs pour la vie des enfants') Rouvrir les écoles dans le contexte actuel serait une folie et il faut mobiliser les travailleurs à la base, indépendamment des appareils syndicaux qui y sont favorables, pour s'y opposer.

En Martinique et en Guadeloupe, où le niveau de la vaccination est trois fois plus faible qu’en métropole, y compris chez les plus âgés, le refus de principe du confinement édicté par Macron a provoqué une explosion phénoménale des contaminations. Le confinement vient finalement d’être décidé avec plusieurs semaines de retard. Les hôpitaux sont déjà saturés et le nombre de soignants est très insuffisant, alors que les patients récemment contaminés ne sont pas encore arrivés à l’hôpital. On s’attend à un nombre considérable de décès dans la deuxième moitié d’août et en septembre et en octobre, car de nombreux malades ne pourront pas accéder à la réanimation faute de lits et de personnels en nombre suffisant.

Macron a eu l’impudence de déclarer «S'il fallait faire la démonstration que la vaccination est le moyen le plus efficace de répondre à ce variant Delta, malheureusement nos Antilles nous en délivrent une démonstration cruelle». C’est mettre la réalité à l’envers! La «cruauté» bien réelle est celle de la politique menée par Macron, consistant à lever les mesures de précaution, à encourager les déplacements touristiques et à s’appuyer quasi exclusivement sur la vaccination que ce soit dans les Outre-mer ou en France métropolitaine.

Macron justifie son refus de prendre des mesures supplémentaires en parlant «d’acceptabilité sociale» et de privations de liberté, comme si les mesures de santé publique étaient arbitraires plutôt que fondées sur la nécessité de contenir la pandémie pour sauver des vies. En fait Macron parle le même langage antiscientifique que les adversaires de la vaccination, du passe sanitaire et des mesures de distanciation sociale, qui manifestent avec le soutien de l’extrême droite.

Alors que le taux de vaccination pour espérer bloquer la circulation du virus est autour de 90 pour cent et que 57,5 pour cent seulement de la population est totalement vaccinée en France, le pass sanitaire ne peut remplacer les mesures de confinement et de distanciation sociale. En outre, selon les dernières études portant sur le variant delta, si le vaccin diminue très efficacement la gravité du covid, comme le montre le nombre très faible de vaccinés en réanimation, un nombre non négligeable de personnes vaccinées font quand même des formes moins sévères et peuvent être contagieuses.

Il est donc d'autant plus nécessaire de coupler la vaccination avec des mesures énergiques de distanciation sociale, d'isolement et de traçage des cas, y compris lorsque les personnes sont vaccinées, avec des confinements partiels ou totaux lorsque c'est nécessaire. C'est pourquoi le pass sanitaire qui ouvre largement tous les lieux au public et permet de mélanger vaccinés et non vaccinés ayant fait un test récent (dont la validité a été prolongée à 72 heures) est inefficace et dangereux.

Des résultats désastreux découlent déjà de cette politique. Après avoir atteint un plus bas vers la mi-juillet, le nombre total de personnes hospitalisées augmente depuis et atteint 9.546 personnes le 13 août, avec une augmentation de 14 pour cent en 7 jours. Le nombre de personnes en soins critiques a augmenté plus fortement encore de 25 pour cent en 7 jours et atteint 1.831 personnes. La mortalité a fortement augmenté et dépasse maintenant les 50 décès par jour en moyenne sur 7 jours. Hier, le nombre total officiel de décès par covid est de 112.612 en France, 1.149.500 en Europe et 4.367.381 dans le monde.

Malgré les chiffres alarmants, Macron a refusé de prendre des mesures pour contenir la pandémie en métropole. Aucune mesure spécifique n'est prise dans les départements où la contamination est très élevée, comme en Occitanie. Derrière la façade de la vaccination et du passe sanitaire, c’est la politique d’immunité collective qui est de nouveau menée, comme en Angleterre. Le premier ministre Boris Johnson y a levé, le 19 juillet, toutes les mesures d’endiguement, à l’occasion de ce qu’il a cyniquement appelé la «Journée de la liberté».

En Espagne la jeunesse a été délibérément sacrifiée, avec des taux d'incidence parmi ce groupe d'âge plusieurs fois supérieurs à la moyenne nationale qui a atteint 600 cas pour 100.000.

La politique irresponsable menée en Europe fait que de nombreux pays, comme la Grande Bretagne, l'Irlande, l'Espagne, le Portugal et la France dépassent les 200 cas pour 100.000. Pour l'ensemble de l'Europe il est de 160.

La situation est épouvantable dans certains pays. En Inde (lire l’article du WSWS) la lutte contre le covid a été sabotée de bout en bout par le gouvernement de Modi. Une étude du Center for Global Development, basé aux États-Unis, estime qu’il y a eu entre 1,5 et 3,4 millions de décès excédentaires pendant la première vague de la pandémie, entre avril 2020 et mars 2021. Avec la diffusion du variant delta entre avril et juin de cette année, de 1,4 à 2,4 millions de personnes sont mortes en trois mois, soit un taux de mortalité trois fois supérieur à celui de la période précédente. Selon le rapport «Les véritables décès sont probablement de l’ordre de plusieurs millions et non de centaines de milliers» comme rapporté par les autorités indiennes.

Ces résultats confirment que la mortalité liée au covid est fortement sous-estimée au niveau mondial et qu’elle est largement supérieure à 10 millions au lieu de 4,37 millions selon les chiffres officiels. Les responsables de cette mort de masse ne sont pas à rechercher en Inde seulement, mais d’abord au cœur du capitalisme mondial, aux USA et en Europe. C’est là que la priorité des profits sur la vie humaine a été décrétée et que le refus de mener une quelconque politique internationale de lutte contre la pandémie a été entériné.

Le covid a ainsi pu tuer 633.000 personnes aux USA et plus de 1,1 millions eu Europe. L’épidémie est en pleine reprise aux USA et en Europe. Les indicateurs vont dans de nombreux pays dans le sens d’une forte reprise épidémique, plus ou moins avancée selon les cas et selon l'avancement de la vaccination. En fin de compte les pays pratiquent une politique d’immunité collective délibérée, laissant des millions de jeunes européens et américains se contaminer, avec des formes qui peuvent être graves, des covid longs, le rebond inévitable dans les classes d’âges supérieures et le risque de sélectionner des variants encore plus dangereux.

Bien que le variant delta soit très contagieux, une politique énergique d’isolement et de traçage permettrait de stopper la transmission dans le cadre d’une politique menée au niveau international. Les Chinois ont réussi à bloquer un démarrage épidémique de variant delta en mai 2021 à Guangzhou (province de Guangdong) qui s’est arrêté après avoir touché 167 personnes au total sur une durée de 26 jours. Depuis, la Chine fait face à une nouvelle série de cas plus sérieuse. Ils utilisent des millions de tests, le traçage des cas et l’isolement pour bloquer la diffusion de l'épidémie.

On ne peut plus dire, pour justifier de ne rien faire, que la Chine emploie des méthodes d’État policier extrêmement brutales et impossibles à transposer dans des pays de tradition démocratique. L'hostilité à l'égard de la politique menée par la Chine est frappante, alors que le contre-exemple indien démontre qu'elle a déjà sauvé des millions de vies.

Outre l'hostilité de l'impérialisme à l'égard de la Chine, la politique de santé chinoise dérange énormément parce qu'elle démontre qu'une autre politique est possible. C'est pourquoi elle n'est presque pas discutée; au contraire on relance sans cesse les accusations conspirationnistes sur le démarrage de l'épidémie dans les laboratoires de recherche chinois.

En France, Macron est responsable de dizaines de milliers de morts évitables, mais il a reçu le soutien politique constant sur sa gauche des bureaucraties syndicales et des partis de la pseudo gauche. Cela lui a permis de faire prévaloir les intérêts des milieux financiers et économiques sur la protection de la vie des populations. Ceci fait partie d’une politique menée par la classe dirigeante à travers toute l’Union européenne d’imposer le retour au travail et à l’école et de laisser le virus se propager au mépris des recommandations scientifiques. Une colère explosive monte pourtant contre la classe dirigeante à travers l’Europe et le monde, qui a refusé les mesures sanitaires nécessaires pour stopper la pandémie.

Les confinements partiels à répétition et maintenant le pass sanitaire avec ses mesures autoritaires et inefficaces, l'absence d'une campagne claire sur la nécessité de la vaccination, a fini par ouvrir un espace aux néofascistes pour regrouper une partie des mécontents s'opposant au pass sanitaire et à la vaccination et cultivant les théories les plus loufoques. Mais les attaques contre le pass sanitaire et la vaccination des néofascistes sont clairement des attaques visant à l'abandon de toute mesure de précaution et à un retour complet à une politique d'immunité collective.

La pseudo gauche et une partie des appareils syndicaux appellent maintenant à se ranger derrière cette campagne de l'extrême droite. Cette politique est à rejeter avec mépris. Elle aboutit à renforcer le régime de Macron au lieu de l'affaiblir, alors qu'il poursuit son agenda pour renforcer son régime d’État policier et qu'il prépare de nouvelles attaques contre les acquis sociaux de la classe ouvrière.

Les travailleurs doivent créer de comités de base, se dégager de l'influence des appareils syndicaux et de la pseudo gauche qui s'aligne derrière les slogans de l'extrême droite, se préparer à la lutte contre les projets de casse sociale, lutter contre la politique d'immunité collective, et protéger les jeunes dans la perspective de la rentrée scolaire. Contrairement aux attaques menées depuis la droite contre Macron, la lutte doit s'ancrer dans les intérêts de la classe ouvrière et prendre un caractère international.

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