La catastrophe du COVID-19 prend de l’ampleur dans les DOM-TOM français

Les dominions et territoires français d’outre-mer (DOM-TOM), qui comprennent les îles des Antilles, de la Polynésie et de la Réunion, et la Guyane, connaissent une augmentation spectaculaire des cas et des hospitalisations. Le mauvais état des infrastructures de santé, les faibles taux de vaccination et la politique d’immunité collective de la classe dirigeante française ont transformé ces territoires en plaques tournantes majeures du COVID-19.

Les îles de la Guadeloupe et de la Martinique ont connu un taux d’incidence de 2.225 et 1.188 pour 100.000, respectivement, au cours des sept derniers jours. Malgré l’imposition de mesures de confinement limitées il y a deux semaines, le taux d’incidence en Guadeloupe a continué de monter. Il est désormais près de quatre fois supérieur à celui de la région la plus touchée de France métropolitaine, les Bouches-du-Rhône, qui a enregistré 693 cas pour 100.000 habitants la semaine dernière. Le 11 août, la Guadeloupe a enregistré 1.376 nouveaux cas, soit l’équivalent de 245.000 cas en France métropolitaine.

La situation est devenue si grave que le ministre de la santé, Olivier Véran, a lancé la semaine dernière un appel à des soignants et médecins volontaires pour qu’ils se rendent dans les îles. L’armée a été mobilisée pour construire des lits de réanimation d’urgence sur les îles, les hôpitaux étant débordés et les nouvelles admissions non traitées par manque de ressources et de personnel.

Travailleurs de la santé en Afrique. (Crédit: Organisation mondiale de la santé)

S’adressant à France24, le Dr Marc Vallette, responsable de la réanimation du CHU de Pointe-à-Pitre en Guadeloupe, a déclaré: «Au cours des dernières 24 heures, nous avons atteint la saturation. Cela signifie que chaque nouvelle entrée d’un patient COVID n’est possible que si un patient COVID en soins intensifs quitte le service».

Guillem Diarra de Latapie, infirmier bénévole de 28 ans en Guadeloupe, a déclaré à Europe 1: «Nous sommes débordés par les patients, les arrivées, l’affluence, les besoins».

On a également enregistré des foyers épidémiques importants en Guyane française, à Saint-Martin, à la Réunion et à Saint-Barthélemy. Suite à une augmentation rapide des cas du variant Delta, qui représentent désormais 60 pour cent des cas séquencés, la Guyane a réintroduit un couvre-feu dans la région de Cayenne. Malgré l’évolution de la situation, les voyageurs entièrement vaccinés peuvent toujours se rendre dans les territoires s’ils présentent un test négatif récent.

Sur l’île de la Réunion située dans l’océan Indien, on a enregistré un record de 3.590 cas hebdomadaires de COVID-19 la semaine dernière. Malgré la situation dangereuse et l’impact accru du variant Delta sur les enfants et les adolescents, 220.000 écoliers non vaccinés de l’île ont repris le chemin de l’école lundi 16 août.

Le ministre français de l’outre-mer, Sébastien Lecornu, s’est rendu en Guadeloupe la semaine dernière et a déclaré sur France Inter: «Je suis bouleversé par ce que j’ai vu aujourd’hui», décrivant les infections en Guadeloupe comme se produisant à «un rythme que nous n’avons jamais connu depuis le début de la pandémie de COVID-19». On a déclaré un nouveau confinement le 4 août. Néanmoins, les bars, les plages et les autres destinations touristiques sont restés ouverts jusqu’à la semaine dernière.

L’augmentation rapide du nombre de cas aux Antilles et à la Réunion est due à une hausse du tourisme pendant les mois d’été. En juin, Macron a tenté d’encourager les touristes français à stimuler le tourisme intérieur, en déclarant: «Cette année, les vacances sont en France». Les DOM TOM ont ainsi été particulièrement appréciés des touristes de métropole, qui ont introduit le variant Delta dans ces territoires. Jusqu’au 29 juin, le nombre hebdomadaire de cas en Guadeloupe n’était que de 16.

Le variant Delta s’est rapidement répandu en France métropolitaine au cours des deux derniers mois mais l’augmentation encore plus spectaculaire des territoires d’outre-mer est alimentée par les faibles taux de vaccination. Alors que 52,6 pour cent de la population métropolitaine est entièrement vaccinée, la Martinique et la Guadeloupe ont respectivement 15,8 pour cent et 15,9 pour cent de leur population entièrement vaccinée. Le 30 juillet, seulement 16,2 pour cent de la population guyanaise était vaccinée, tandis que la Réunion a un taux de vaccination de 29,2 pour cent.

Le faible taux de vaccination des DOM-TOM est dû à de nombreux facteurs. Si la campagne de vaccination en France métropolitaine a elle-même été retardée, les territoires des Antilles ont eux, dû attendre un mois de plus pour que la vaccination commence dû à l’insuffisance des infrastructures pour les vaccins à ARNm, devant être stockés à température très basse pour rester efficaces.

Une grande partie de la population des anciennes colonies françaises hésite à se faire vacciner. C’est là surtout le résultat de la négligence du gouvernement français vis-à-vis de la santé de ces populations durant la pandémie et les décennies précédentes. Le gouvernement Macron a frauduleusement présenté sa meurtrière politique d’immunité collective, qui a entraîné plus de 113.000 décès, comme «scientifique», érodant la confiance du public dans toute nouvelle mesure pour combattre le virus.

Tout en reconnaissant les proportions horribles de la crise dans les DOM-TOM, le gouvernement Macron cherche à donner la responsabilité de son ‘immunité collective’ aux habitants de ces régions. Sébastien Lecornu a déclaré à Libération que le taux de vaccination pouvait s’expliquer par des «réticences culturelles ou religieuses». Un communiqué du ministère de la Santé affirme: «Nous n’avons pas identifié de freins spécifiques à la vaccination dans les DOM-TOM, nous avons les mêmes freins qu’en métropole, mais de manière beaucoup plus accentuée».

Plutôt que les croyances culturelles ou religieuses de la population des territoires d’outre-mer, c’est le bilan des abus de l’État contre la santé de ces communautés qui est la principale cause du scepticisme généralisé à l’égard des vaccins.

Alors que Macron blâme les populations locales pour la propagation du virus, c’est bien sa politique d’immunité collective qui a favorisé la fin prématurée des confinements et la reprise du tourisme, entraînant l’implantation du variant Delta dans une population majoritairement non protégée. Cette politique a été soutenue par des leaders politiques dans tous les DOM-TOM. Parmi eux, Olivier Serva, député de la France insoumise pour la Guadeloupe, qui a dénoncé la vaccination obligatoire dans une interview accordée à Europe 1 le 5 août.

Ce n’est cependant là que le dernier exemple en date, et le plus meurtrier, des agissements de l’État. En Martinique et en Guadeloupe, qui ont les taux de vaccination les plus bas, plus de 90 pour cent de la population souffre d’une intoxication au chlordécone, selon le ministère français de la Santé. Même de faibles quantités de ce pesticide dans le sang peuvent provoquer des lésions cérébrales, des cancers et l’infertilité.

Bien qu’il ait été identifié comme cancérigène par l’Organisation mondiale de la santé en 1979 et interdit en France en 1990, il a été autorisé par le gouvernement français en tant que pesticide en Martinique jusqu’en 1993. La molécule met 700 ans à se dégrader dans un environnement naturel et passe dans la chaîne alimentaire, ce qui signifie que même les personnes nées après l’arrêt de son utilisation s’empoisonnent.

La fourniture de soins médicaux dans les DOM-TOM dépend avant tout de la mobilisation politique de la classe ouvrière dans une lutte pour l’éradication du coronavirus. Cela seul peut imposer les mesures de distanciation sociale et de confinement nécessaires pour stopper la propagation rapide du virus et créer les conditions politiques permettant aux scientifiques d’expliquer la nécessité de la vaccination à l’ensemble de la population.

(Article paru d’abord en anglais le 17 août 2021)

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