Tandis que les infections augmentent au Royaume-Uni

Une étude de l’Université d’Oxford montre que l’immunité collective est une fiction

Une étude majeure de l’Université d’Oxford, non encore évaluée par des pairs, fournit une preuve supplémentaire qu’une stratégie de lutte contre le COVID-19 ne peut pas reposer uniquement sur la vaccination.

Un employé du ministère de la Santé remplit une seringue avec le vaccin Moderna COVID-19 avant de l’administrer aux travailleurs médicaux d’urgence et au personnel de santé. (Photo AP/Matt Slocum)

L’étude est la plus grande à ce jour sur l’efficacité des vaccins contre le variant Delta. En collaboration avec l’Office for National Statistics (ONS) et le ministère de la Santé et des Affaires sociales, les scientifiques d’Oxford ont examiné plus de 3,4 millions de résultats de tests de plus de 740.000 adultes différents au Royaume-Uni.

Selon leurs recherches, l’efficacité de Pfizer dans la prévention de l’infection symptomatique contre le variant Delta était de 90 pour cent après un mois, 85 pour cent après deux mois et 78 pour cent après trois mois. L’efficacité d’AstraZeneca était de 67 pour cent après un mois, 65 pour cent après deux et 61 pour cent après trois. La baisse plus rapide de Pfizer a conduit les chercheurs à supposer que l’efficacité des deux vaccins convergerait après 4 à 5 mois.

Ces chiffres sont nettement inférieurs à ceux de la protection contre le variant Alpha.

Les résultats d’Oxford sont conformes à ceux de deux études plus petites menées aux États-Unis et au Qatar, qui ont toutes deux trouvé un nombre plus élevé que prévu d’infections chez les personnes vaccinées. Des recherches en Israël ont également fait état d’une efficacité considérablement réduite du vaccin contre l’infection symptomatique.

L’étude correspond aux données de l’enquête REACT de l’Imperial College London de mai à juillet, qui a révélé que, pour les adultes jusqu’à 64 ans, la probabilité qu’une personne qui entre en contact avec un cas COVID positif soit elle-même infectée n’est réduite que de moitié par vaccination complète.

Une autre différence entre les variants identifiés par l’étude d’Oxford était que les personnes infectées par Delta après une vaccination complète avaient une charge virale beaucoup plus élevée que celles complètement vaccinées et infectées par Alpha. La charge virale fait référence à la quantité de virus véhiculée par la personne infectée, en l’occurrence dans le nez et la gorge, qui peut être «excrétée», par exemple par la toux et les éternuements, et transmise à d’autres. Les adultes complètement vaccinés infectés par Delta avaient des charges virales maximales similaires à celles des personnes non vaccinées.

Bien que le montant exact de la transmission par les personnes vaccinées ne puisse être estimé à partir de cette étude, ses résultats indiquent clairement que le variant Delta réduit l’efficacité de la vaccination contre la pandémie.

Sarah Walker, professeure de statistiques médicales et d’épidémiologie à l’Université d’Oxford, a commenté: «Nous ne savons pas encore dans quelle mesure la transmission peut se produire chez les personnes qui contractent le Covid-19 après avoir été vaccinées – par exemple, elles peuvent avoir des niveaux élevés de virus pour des périodes plus courtes.

«Mais le fait qu’elles puissent avoir des niveaux élevés de virus suggère que les personnes qui ne sont pas encore vaccinées ne sont peut-être pas aussi protégées contre le variant Delta que nous l’espérions.»

Si les personnes vaccinées peuvent encore contribuer de manière substantielle à la propagation du COVID-19, alors même des niveaux élevés de vaccination ne suffiront pas à arrêter la circulation du virus, en particulier face à des variants plus transmissibles. «Le fait qu’on voit une plus grande charge virale [avec le variant Delta] laisse entendre que l’immunité collective est plus difficile», a averti le Dr Koen Pouwels, l’un des principaux chercheurs de l’étude d’Oxford.

Bien que tous les efforts soient déployés dans les médias capitalistes pour minimiser les dangers de cette évolution, la propagation continue du COVID-19 constitue une menace sérieuse.

Premièrement, il y a encore un grand nombre de personnes dans le monde qui ne sont pas vaccinées. Au Royaume-Uni, cela s’applique à la plupart des enfants. Même ceux qui sont vaccinés peuvent encore souffrir de maladies graves et mourir dans une petite minorité de cas, ce qui se traduit néanmoins par un grand nombre de patients hospitalisés dans des situations de forte transmission communautaire, submergeant les services de santé.

Deuxièmement, plus le virus est répandu, plus il a de chances de développer de nouveaux variants plus dangereux. Le variant Delta est la conséquence de la stratégie d’immunité collective poursuivie par les gouvernements du monde, suite probablement à la vague massive de cas qui a balayé l’Inde ce printemps et qu’on a laissé se propager à travers le monde.

Il existe déjà deux autres mutations du variant Delta qui suscitent des inquiétudes. Huit cas ont été identifiés à Uppsala en Suède de la mutation E484Q, dont les études indiquent qu’il pourrait être plus transmissible. Tous ces cas sont liés à des voyages à l’étranger.

Aux États-Unis, le sous-type AY.3 de Delta représente désormais environ 9 pour cent des cas, et il semble surpasser le variant Delta au Royaume-Uni, bien qu’actuellement en très petit nombre. Les premières données de l’Inde suggèrent qu’il a une résistance à l’immunisation plus élevée que son prédécesseur.

La seule conclusion rationnelle à tirer de ces développements est que des mesures de santé publique doivent être mises en œuvre d’urgence en tant que première étape d’un programme coordonné à l’échelle mondiale pour l’éradication du virus. Mais les gouvernements capitalistes du monde entier poursuivent la politique opposée, supprimant les restrictions et permettant au virus de se propager librement.

L’étude d’Oxford survient au moment où le Royaume-Uni se trouve déjà bien dans les premiers stades d’une résurgence du virus, après une brève baisse des infections enregistrées. 36.572 autres cas ont été enregistrés jeudi, portant le total des sept derniers jours à 214.736, soit une augmentation de 7,8 pour cent par rapport à la semaine précédente.

Les décès et les hospitalisations sont également en augmentation. 113 nouveaux décès ont été enregistrés jeudi, portant le total de la semaine dernière à 674, soit une augmentation de 9,6 pour cent.

Les dernières données sur les hospitalisations montrent que 804 personnes ont été admises avec le COVID-19 le 15 août, soit 5698 au cours des sept jours précédents, soit une augmentation de 5,6 pour cent. Il y avait un total de 6379 personnes hospitalisées avec le COVID-19 mercredi, 909 sous respirateur.

Le Dr Simon Clarke, professeur agrégé en microbiologie cellulaire à l’Université de Reading, a commenté vendredi dernier que le nombre élevé et croissant de cas et l’augmentation des hospitalisations donnaient «une première idée de ce à quoi ressemble de vivre avec le COVID-19. Alors que les restrictions sont levées et que l’économie rebondit, nous sommes «sur le fil» lorsqu’il s’agit de gérer la propagation du COVID.» Il a averti que bien que les vaccins réduisent actuellement de manière significative les taux d’hospitalisation, le nombre élevé de cas «constitue toujours une charge malvenue pour les hôpitaux publics».

Les infections augmenteront beaucoup plus fortement au cours des prochains mois alors que les écoles et les universités, principaux vecteurs de propagation du virus, rouvriront sans pratiquement aucune mesure d’atténuation en place. Les dernières données disponibles de l’ONS montrent que les taux d’infection sont toujours les plus élevés parmi, par ordre décroissant, les élèves du secondaire, les jeunes adultes jusqu’à 24 ans et les élèves du primaire.

D’autres facteurs comme la fin de l’auto-isolement pour les contacts ayant reçu leurs deux doses et tous les moins de 18 ans; les efforts en cours pour forcer les derniers travailleurs à retourner sur les lieux de travail; la propagande continue selon laquelle les choses sont revenues à la normale; et la détérioration de la température automnale jettera de l’huile sur le feu. Le modélisateur de premier plan du gouvernement professeur Neil Fergusson a dit à la BBC Radio 4 de sur l’émission Today que le pays confronte une «situation qui donne à réfléchir», avec «le potentiel d’une assez grande vague d’infections en septembre et octobre».

À l’approche de l’hiver, sachant que le Service national de santé publique, sous-financé et en sous-effectif, a été chaque année soumis à une pression extrême avant la pandémie, la crise sera d’autant plus grave.

Le professeur Peter Openshaw, membre du groupe consultatif gouvernemental sur les menaces de virus respiratoires nouveaux et émergents (Nervtag), s’est entretenu jeudi avec Times Radio et a qualifié les récentes augmentations quotidiennes des nouvelles infections de «très préoccupantes»:

«C’est un très grand nombre. Considérant que l’on parle de 34.000 personnes, cela fait beaucoup de personnes déclarées positives, et que l’on constate plus de 100 décès par jour à ce stade, et cela avant la rentrée des écoles, alors que la température est encore relativement clémente, et l’hiver est encore devant nous.

«Je pense que nous sommes tous très inquiets de ce qui va se passer une fois que nous reviendrons à la normalité.

«Nous approchons l’hiver avec des niveaux d’infection vraiment très élevés dans la communauté et nous ne savons tout simplement pas vraiment ce qui va se passer.»

(Article paru en anglais le 20 août 2021)

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