La convention des DSA 2021: la banalité de la politique de pseudo gauche du Parti démocrate

Les Socialistes démocrates d’Amérique (DSA) ont tenu leur convention biennale cette année entre le 1er et le 8 août. Cette réunion s’est surtout distinguée par la complaisance et la banalité qui ont prévalu tout au long de son déroulement, ce qui est conforme au caractère de l’organisation en tant qu’appendice du Parti démocrate et de l’appareil syndical.

Depuis la dernière convention des DSA en 2019, une pandémie mondiale a tué plus de 4,4 millions de personnes, selon les chiffres officiels, dont près de 650.000 personnes aux États-Unis. Le précédent gouvernement Trump a cherché à renverser les formes démocratiques de gouvernement, culminant avec la tentative de coup d’État fasciste du 6 janvier.

Le gouvernement Biden est arrivé au pouvoir et poursuit, dans l’essentiel, les politiques du gouvernement Trump, notamment sur la pandémie. Avec l’aide des syndicats, le Parti démocrate mène une campagne pour la réouverture des écoles, alors même que le variant Delta du coronavirus a entraîné une forte augmentation des nouveaux cas de COVID-19, des hospitalisations et des décès chez les enfants.

Photo de la conférence des socialistes démocrates d'Amérique en 2019 (Photo: Steve Eberhart, The Nation)

La convention des DSA n’a pas tenté d’aborder l’un de ces développements voire, en fait, de discuter sérieusement de quoi que ce soit. Comme le WSWS l’a déjà analysé, le projet de plateforme des DSA pour la convention, qui a été adopté à l’unanimité, ne fait aucune critique du Parti démocrate. Il mentionne à peine la pandémie et ne contient pas une seule référence aux efforts de Trump pour renverser les résultats de l’élection. La convention a suivi la même ligne.

Mis à part «L’organisation socialiste du mouvement ouvrier durant la pandémie» (Socialist Labor Organizing Through the Pandemic), aucune session n’a même mentionné la pandémie dans son titre, et c’est l’exception qui a confirmé la règle. La session n’était aucunement consacrée à un examen des politiques meurtrières de la classe dirigeante qui ont produit et continuent de produire la mort en masse, mais a plutôt fait la promotion des relations étroites des DSA avec le syndicat United Electrical, Radio and Machine Workers of America (UE) et le syndicat International Longshore and Warehouse Union (ILWU).

Dans des conditions où les travailleurs tentent de s’affranchir du contrôle des syndicats – comme dans la récente grève de Volvo Trucks, où les travailleurs ont créé un comité de la base pour s’opposer à la conspiration commune de l’UAW et de l’entreprise – les DSA font tout ce qu’ils peuvent pour soutenir les syndicats propatronaux.

«Construire le socialisme par les élections» et «Élire des socialistes: comment mener et remporter des campagnes de lutte des classes» ont présenté les différents membres des DSA et les candidats soutenus par les DSA qui occupent des postes locaux et nationaux en tant que représentants du Parti démocrate. Plusieurs sessions ont été utilisées pour promouvoir la politique raciale, notamment «Construire un mouvement socialiste multiracial» et une session sur la «stratégie abolitionniste» des DSA.

Sara Nelson, directrice de l’Association of Flight Attendants (CWA) et membre des DSA, devait prendre la parole lors de la session d’ouverture, mais a annulé à la dernière minute. Nelson avait fait l’objet de rumeurs comme successeure possible de Richard Trumka, qui est décédé le 5 août, en plein congrès des DSA. Samedi, l’AFL-CIO a annoncé qu’elle choisissait Liz Shuler, l’actuelle secrétaire-trésorière, comme présidente.

Les résolutions adoptées visaient essentiellement à engager plus fermement les DSA dans la promotion du Parti démocrate. L’une d’entre elles a décidé de faire de la «politique électorale une priorité pour les deux prochaines années» et a réaffirmé l’engagement des DSA à présenter et à soutenir des candidats «sur la ligne de vote démocrate». Un amendement qui visait à engager les DSA dans une «rupture» avec le Parti démocrate – une fiction promue par des factions des DSA alignées avec Jacobin – a été rejeté.

Dans son propre commentaire sur la convention («Réflexions sur la convention nationale des DSA 2021»), David Duhalde, l’un des principaux dirigeants politiques des DSA et vice-président du Fonds des DSA, a félicité les délégués pour avoir rejeté tout engagement verbal, même insignifiant, de rupture éventuelle avec le Parti démocrate. «Au fur et à mesure que les nouveaux DSA mûrissent, écrit-il, un consensus semble se dégager sur le fait que mettre l’accent sur une “rupture” avec les démocrates en soi peut aliéner les électeurs que nous devons conquérir et mettre les élus soutenus par les DSA dans une position difficile».

Duhalde a ajouté: «Si les DSA avaient demandé aux élus de ne pas soutenir [Biden aux élections de 2020], cela aurait probablement aliéné l’organisation des fonctionnaires plutôt que de produire des non-appuis». Cela expose le véritable problème de manière assez évidente. Les DSA ne se préoccupent pas d’«aliéner» l’organisation des «électeurs» – qui sont de plus en plus mécontents de l’ensemble de la structure politique – mais de «s’aliéner» les «fonctionnaires», c’est-à-dire les politiciens capitalistes.

L’absence totale de sérieux de l’ensemble de l’événement est significative en soi. Lors d’une session, un panéliste a bu de la bière pendant toute la durée de la session. Une autre session était organisée autour d’un «téléthon», où des collecteurs de fonds faisaient semblant de parler au téléphone. Chaque session était dirigée et conduite au niveau le plus bas possible.

Un panel, «Émergeants des braises: pourquoi les DSA ont connu une hausse marquée et comment ils peuvent grossir», donne une idée de la convention et de l’organisation dans son ensemble. Animée par le rédacteur en chef du magazine Jacobin, Bhaskar Sunkara, elle réunissait Duhalde, la directrice nationale des DSA, Maria Svart, Bill Fletcher Jr, un stalinien de longue date et partisan de Barack Obama qui a récemment rejoint des DSA, et Beth Huang, membre des DSA à Boston.

Alors qu’ils étaient censés parler de l’histoire des DSA, rien n’a presque été dit sur ce sujet. À un moment donné, Sunkara a déclaré qu’il «ne voulait pas trop s’attarder sur le passé, car comme ils l’ont dit dans les Sopranos, “Se souvenir est la forme la plus basse de la conversation”». Tout examen réel de l’histoire des DSA devrait aborder l’échec de toute sa perspective de réforme du Parti démocrate: depuis les relations étroites de Michael Harrington avec le gouvernement Johnson jusqu’à la promotion par les DSA de Bernie Sanders, qui est actuellement président de la Commission du budget du Sénat et l’un des principaux promoteurs de Biden.

Politiquement, Sunkara s’est aligné le plus étroitement sur Fletcher. Cela est conforme à la politique prostalinienne de Jacobin, qui a récemment entrepris de promouvoir le Parti communiste américain et de glorifier le rôle des bourreaux staliniens en Espagne. Dans les mois qui précédaient la convention, un certain nombre de membres importants des DSA ont publié des tweets qui célébraient l’assassinat de Léon Trotsky en 1940 par un agent du GPU stalinien.

La session, comme tant d’autres, a été dominée par des discussions sur divers réalignements politiques, dépourvus de tout fondement politique de principe. Il y a un conflit au sein des DSA sur la question de savoir s’ils devaient s’orienter, et comment, vers divers autres groupes de «gauche», y compris les staliniens et les maoïstes, ainsi que Socialist Alternative, dont plusieurs membres importants ont récemment rejoint l’organisation. À un moment donné, Fletcher a déclaré que les DSA devaient apprécier la centralité du «Front unique» et cultiver ses relations avec d’autres groupes de «gauche», ou «sinon on établit une grande secte».

Ce conflit est toutefois purement tactique, car tous les groupes au sein et autour des DSA partagent son orientation politique de base: le soutien au Parti démocrate. Svart, la dirigeante organisationnelle des DSA, n’a rien dit en réponse à l’avertissement de Fletcher selon lequel les DSA deviendraient une «grande secte», suggérant qu’elle était d’accord avec plusieurs de ses points.

Les DSA ont également voté pour s’intégrer plus étroitement aux gouvernements capitalistes nominalement «de gauche» en Amérique latine. Une résolution du «Comité international» des DSA a été adoptée pour affilier officiellement les DSA au Forum de São Paulo, une organisation créée par le Parti des travailleurs au Brésil, qui, sous Lula Da Silva puis Dilma Rousseff, a gouverné le Brésil et mis en œuvre des mesures d’austérité de 2003 à 2016.

Le Forum de São Paulo regroupe des partis qui sont actuellement au pouvoir dans 10 pays d’Amérique latine, dont l’Argentine, la Bolivie, le Mexique, le Pérou et le Venezuela.

Bien que certains jeunes et travailleurs puissent se retrouver temporairement dans les DSA en croyant à tort qu’il s’agit d’une organisation socialiste, les DSA eux-mêmes sont menés par des fonctionnaires de la classe moyenne supérieure, une sorte de lumpen affluentsia, qui sont réticents et incapables de parler à la classe ouvrière. Plus la crise est extrême, plus les DSA se tournent vers l’État et la classe dirigeante, et plus ils se révèlent être une organisation sans passé sérieux, sans perspective pour le présent et sans avenir politique.

(Article paru en anglais le 24 août 2021)

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