Les parlementaires du parti travailliste ont joué le rôle principal, en travaillant main dans la main avec les ministres du gouvernement de la Coalition libérale-nationale, pour faire passer en un peu plus de 24 heures des projets de loi électoraux antidémocratiques au Parlement australien la semaine dernière.
Les travaillistes et la Coalition – les deux principaux partis de la classe capitaliste dirigeante – détiennent l’écrasante majorité des sièges à la Chambre des représentants et au Sénat. Ils ont donc collaboré pour faire passer les projets de loi en un temps record.
Le Parti de l’égalité socialiste (PES) australien a lancé une campagne à travers la classe ouvrière contre ces lois. L’establishment politique et du monde des affaires cherche à supprimer l’opposition croissante à sa campagne de «réouverture» alors que la pandémie de COVID-19 refait surface, menaçant des milliers de vies de la classe ouvrière, y compris celles des enfants.
Rien de comparable aux scènes qui se sont déroulées la semaine dernière au Parlement n’a été vu depuis novembre 2005, lorsque les travaillistes, ainsi que les Verts, ont aidé le gouvernement de la coalition Howard à rappeler le Sénat pour faire adopter en 36 heures seulement une loi sur le «terrorisme», une loi d’état policier. Cette prise de position unanime était fondée sur l’affirmation douteuse de Howard, jamais étayée, selon laquelle son gouvernement avait reçu des «renseignements spécifiques» sur une menace terroriste.
Le rôle des travaillistes dans l’adoption des derniers projets de loi est révélateur. Il reflète la nervosité des cercles dirigeants qui craignent que la résistance des travailleurs, des étudiants et des parents au retour prématuré dans les salles de classe et sur les lieux de travail n’échappe au contrôle du gouvernement de la coalition, de plus en plus discrédité et détesté.
D’où la nécessité de consolider le vote des travaillistes, ainsi que celui de la Coalition, en interdisant l’accès aux élections aux partis alternatifs. Cela inclut le PES, le seul à mettre en avant la nécessité pour les travailleurs de se mobiliser sur la base d’une perspective socialiste pour protéger les vies et éradiquer le COVID-19.
Comme le PES l’a expliqué dans sa déclaration d’hier, «Défaite de la campagne australienne bipartisane de désenregistrement des partis politiques», les lois visent à retirer l’enregistrement des partis à tous les partis qui ne sont pas actuellement représentés au Parlement. À l’approche des élections fédérales, la législation oblige les partis à fournir des informations sur 1.500 membres – soit le triple de ce qu’on exigeait auparavant – en l’espace de trois mois seulement, le tout en pleine période de confinements généralisés.
Sans le statut de parti enregistré, les candidats aux élections ne peuvent pas indiquer leur appartenance politique sur les bulletins de vote. Ils doivent être inscrits sans le nom d’un parti ou en tant qu’«indépendants».
Cela ne revient pas seulement à nier le droit essentiel des partis politiques à faire campagne et à communiquer leurs points de vue lors des élections. Elle prive les électeurs de la possibilité d’exprimer des votes politiques conscients.
L’un des projets de loi vise spécifiquement à bloquer le soutien au programme socialiste défendu par le PES. Il interdit aux partis d’utiliser les noms «socialiste» ou «communiste» (ainsi que «ouvrier», «libéral» et «vert») si un autre parti enregistré a déjà revendiqué cette étiquette, même à tort.
Une autre disposition restreint les droits de vote en réduisant le vote préalable à un maximum de 12 jours avant les élections. Cela réduit la capacité de nombreux électeurs de la classe ouvrière à voter – plus de 40 pour cent de l’électorat a voté par anticipation ou par correspondance lors des dernières élections de 2019.
L’introduction et l’adoption de ces projets de loi ont été enterrées partout dans les grands médias. La classe dirigeante est clairement préoccupée par le fait que le soutien s’effondre pour les partis de longue date de l’ordre capitaliste, et le public doit être tenu dans l’ignorance des efforts déployés pour les soutenir.
Les «débats» symboliques de deux heures de la semaine dernière dans chaque chambre du Parlement ont démontré que le gouvernement de coalition du Premier ministre Scott Morrison compte sur le Parti travailliste pour poursuivre l’attaque contre les droits démocratiques.
Les députés travaillistes ont été les défenseurs les plus agressifs des projets de loi. Milton Dick, qui détient le siège d’Oxley dans l’ouest de Brisbane, a dénoncé «les gens qui se plaignent et pleurnichent à propos de ce changement – les prétendus croyants en la liberté et la démocratie».
Dick a également donné un aperçu de l’opération en coulisses entre le gouvernement et le parti travailliste pour produire les projets de loi. Il a déclaré que le sénateur Don Farrell, porte-parole de l’opposition travailliste sur les questions électorales, avait travaillé «incroyablement dur» avec le bras droit de Morrison, le ministre adjoint Ben Morton, «pour s’assurer que nous travaillons de manière bipartisane».
Dick et Morton ont tous deux déclaré, sans explication, que certains «partis mineurs» atteignaient déjà le nouveau seuil de 1.500 membres. Ils ont fait référence au «Parti de la justice animale», aux «Tireurs, pêcheurs et agriculteurs», à «Une nation unique» de Pauline Hanson, à «Australie durable» et au Liberal Democratic Party. Ce sont tous des partis procapitalistes, considérés comme des soupapes de sécurité utiles pour détourner la désaffection populaire vers l’arène parlementaire.
Les orateurs travaillistes ont affirmé que les projets de loi empêcheraient des milliardaires tels que le magnat des mines Clive Palmer d’enregistrer des partis sans véritables membres. Mais comme les autres partis qui siègent au Parlement, le «Parti de l’Australie unie» de Palmer se trouve exempté de l’obligation d’adhésion, puisqu’il vient de recruter Craig Kelly, un transfuge de la Coalition d’extrême droite.
La vérité est que tous les partis parlementaires auraient du mal à désigner 1.500 membres, à moins de compter les députés, les membres du personnel, les responsables syndicaux et autres titulaires de fonctions. Ces partis sont des coquilles bureaucratiques, dominées par l’empilement de branches mené par des responsables de factions à base étroite.
Les travaillistes et la Coalition avaient l’intention de chercher à radier autant de partis que possible. Ils ont sommairement rejeté les amendements de Kelly et d’une autre figure de la droite, le sénateur Jacqui Lambie, qui visaient à abaisser à 1.000 le nombre de membres requis et à faire en sorte qu’il ne s’applique qu’aux nouveaux partis qui demandent à être enregistrés, et non à ceux déjà enregistrés.
Un autre porte-parole du parti travailliste, Andrew Giles, a exprimé les inquiétudes de l’establishment capitaliste quant au fait que les partis alternatifs peuvent obtenir un soutien plus large en se présentant aux élections fédérales. Il a déclaré qu’un parti enregistré pourrait «construire un profil et une reconnaissance de son nom» en ayant son nom sur les bulletins de vote.
Giles a donné un aperçu de la perspective profondément antidémocratique qui imprègne la classe dirigeante. Il a déclaré que cette reconnaissance sur les bulletins de vote était un «privilège» et un «avantage significatif», et non un droit démocratique fondamental. C’est un «avantage» qui s’accompagne de «responsabilités» à faire respecter l’ordre parlementaire.
De même, Giles a convenu avec ses collègues de la Coalition que les partis enregistrés devaient fournir des listes de membres afin de démontrer une «base réelle de soutien communautaire». Cela nie la fonction des élections elles-mêmes, qui sont censées déterminer les niveaux de soutien politique.
Dans une tentative de distancer son parti de cette démarche antidémocratique, la sénatrice des Verts, Larissa Waters, s’est exprimée et a voté contre les projets de loi au Sénat. À la Chambre des représentants, cependant, le leader des Verts Adam Bandt est resté silencieux.
Waters a déclaré que les mesures de désenregistrement étaient une «attaque contre notre démocratie». Mais les Verts ont soutenu la règle précédente des 500 membres, qui était une disposition antidémocratique introduite sous le gouvernement travailliste Hawke en 1984, exigeant l’enregistrement des partis pour la première fois.
Associées au financement des partis parlementaires par l’État, les lois de 1984 étaient elles-mêmes une tentative de consolider l’establishment parlementaire, pour lequel le soutien populaire s’effritait déjà en raison de l’inégalité sociale croissante et de la dégradation des conditions de vie et de travail.
Le système d’enregistrement des partis était une attaque préventive contre l’agitation de la classe ouvrière. Les accords corporatistes sur les prix et les revenus conclus par le gouvernement Hawke avec les syndicats ont ouvert la voie à une attaque de plusieurs décennies contre les emplois et les conditions de travail des travailleurs. Cela a provoqué une désaffection et une opposition généralisées parmi les travailleurs.
La législation de 1984 n’a cependant pas réussi à renforcer l’ordre parlementaire. La part des voix allant aux travaillistes et à la coalition a continué de baisser, jusqu’à 75 pour cent en 2019. Cela reflète l’hostilité croissante à l’égard de leur programme bipartisan pro-entreprise.
Le PES s’est toujours opposé aux lois sur l’enregistrement des partis, qui obligent également les partis à communiquer les coordonnées de leurs membres. Cela les expose à la surveillance et au harcèlement, et viole le principe du vote secret, qui est censé garantir aux électeurs la confidentialité de leurs affiliations politiques.
Le PES appelle à une campagne concertée pour demander l’abrogation des dernières lois et de toutes les restrictions au droit démocratique des partis et des individus de se présenter aux élections. En même temps, nous lançons un appel à tous nos sympathisants et lecteurs: demandez à devenir membre électoral du PES pour nous aider à conserver notre enregistrement et à vaincre cette attaque.
(Article paru en anglais le 3 septembre 2021)
