La réouverture des écoles de la maternelle à la terminale partout aux États-Unis s’est déjà avérée désastreuse et alimente une forte poussée de la COVID-19. Selon l’Université Johns Hopkins, la moyenne des nouveaux cas quotidiens sur sept jours est désormais de 137.270, plus du triple de la moyenne observée le jour de la fête du Travail (6 septembre) l’année dernière. Plus de quatre millions d’Américains ont été infectés au cours du seul mois dernier. Des poussées similaires ont lieu au Royaume-Uni, en Allemagne, en France, au Brésil et dans d’autres pays où les écoles ont rouvert alors que les taux de vaccination stagnent et que la pandémie est loin d’être éliminée.
Plus alarmants encore, 251.781 enfants ont été infectés par le COVID-19 dans la semaine qui s’est terminée le 2 septembre, selon l’Académie américaine de pédiatrie. C’est le niveau le plus élevé de cas chez les enfants depuis le début de la pandémie, et cinq fois plus élevé qu’il y a seulement un mois.
La politique mondiale de réouverture des écoles alors que les infections au COVID-19 échappent à tout contrôle exprime clairement les différences entre les trois stratégies qui ont émergé face à la pandémie de COVID-19: «immunité collective», atténuation et éradication.
La catastrophe des États-Unis montre clairement la nécessité de fermer immédiatement toutes les écoles dans le cadre d’une stratégie plus large visant à éliminer le COVID-19 aux États-Unis et, à terme, à l’éradiquer dans le monde entier. Cette stratégie est fondée sur la science, qui prouve que l’éradication peut être obtenue par la fermeture des écoles et des lieux de travail non essentiels, les vaccinations de masse, les restrictions de voyage, le masquage, les tests universels, la recherche des contacts et l’isolement des personnes infectées. Les récentes estimations de l’Economist, selon lesquelles le nombre réel de décès dus au COVID-19 dans le monde s’élève à environ 15,2 millions de personnes, montrent qu’il est urgent de populariser cette stratégie dans la classe ouvrière.
Immunité collective par la réouverture des écoles
La réouverture totale des écoles a pour effet d’entasser plus de 40 millions d’enfants non vaccinés dans des salles de classe étroites et mal ventilées pour qu’ils soient infectés par le COVID-19. C’est la manifestation la plus brutale de la stratégie d’«immunité collective» avancée par certaines sections de la classe dirigeante. Fondée sur la fausse affirmation que les parties les plus vulnérables de la population peuvent être «protégées» de l’infection en infectant rapidement les jeunes, cette stratégie expose en pratique toute la société au virus et accepte que des millions de personnes meurent.
Les chiffres suivants indiquent l’ampleur du crime social commis contre les enfants, les enseignants et la population en général aux États-Unis à travers la réouverture des écoles:
● Une moyenne record de 365 enfants a été hospitalisée chaque jour la semaine dernière, les hôpitaux pédiatriques ayant atteint leur capacité dans les États du Sud.
● Au cours du mois dernier, 73 enfants sont morts du COVID-19, ce qui représente le plus grand nombre de décès d’enfants aux États-Unis depuis le début de la pandémie.
● Plus de 197 décès parmi le personnel scolaire ont été recensés jusqu’à là, cette année scolaire, par la page Twitter #SchoolPersonnelLostToCovid, la plupart ayant eu lieu en août.
● Plusieurs enseignants sont morts dans la même école ou le même district ce semestre, notamment à Waco (Texas), dans le comté de Bulloch (Géorgie) et dans le comté de Polk (Floride) et ailleurs.
● Au moins 15 enseignants et membres du personnel des écoles publiques du comté de Miami-Dade seraient morts du COVID-19 au cours d’une période récente de 100 jours.
● Au Texas, où le port du masque est interdit dans les écoles, 27.353 élèves ont testé positif au COVID-19 pour la semaine qui s’est terminée le 29 août, une augmentation de 51 pour cent par rapport à la semaine précédente.
On est en train de rendre malade toute une génération de jeunes, avec des conséquences à long terme inconnues. Les résultats préliminaires de la plus grande étude au monde sur le COVID-19 chez les enfants indiquent que 14 pour cent des enfants testés positifs au COVID-19 présentent au moins trois symptômes liés au virus 15 semaines plus tard, les plus courants étant la fatigue et les maux de tête.
La vague d’infections, d’hospitalisations et de décès a également rendu la réouverture des écoles totalement chaotique. Selon le service de données Burbio, au moins 1.000 écoles dans 35 États ont dû passer à l’enseignement à distance cette année scolaire en raison d’infections parmi les élèves et le personnel. Dans le Kentucky, un cinquième de tous les districts scolaires ont dû fermer ; des chiffres comparables existent dans de nombreux États où les écoles sont restées ouvertes pendant des semaines.
Ces faits montrent clairement que les affirmations des politiciens, des médias et des responsables syndicaux que la réouverture des écoles pouvait se faire «en toute sécurité» et avait pour seul but d’améliorer l’apprentissage et le bien-être émotionnel des enfants n’étaient que des mensonges cyniques.
La réouverture des écoles de la maternelle à la 12e année coïncide également avec la réouverture des collèges et universités à l’enseignement en présentiel, sans aucune mesure d’atténuation. Il y a déjà eu des épidémies importantes à l’Université Duke, à l’Université de Californie, à l’Université du Michigan et dans de nombreuses autres écoles où les taux de vaccination sont élevés. La réouverture de l’Appalachian State University en Caroline du Nord a contribué à faire grimper le taux de positivité des cas dans la région à des niveaux records. Les stades de football remplis de dizaines de milliers d’étudiants et de supporters, comme on l’a vu pendant le week-end de la fête du Travail (4-6 septembre), deviendront inévitablement des événements de propagation massive, entraînant d’innombrables nouveaux cas et décès.
Depuis le début, le véritable motif de la réouverture des écoles a toujours été économique, déterminé par les besoins de la grande entreprise de renvoyer les parents au travail. En juillet, Brian Deese, le principal conseiller économique de Biden a déclaré sans ambages que l’un des principaux facteurs de la «pénurie de main-d’œuvre» actuelle était le manque de «garderies et d’écoles. En particulier pour les parents d’enfants en âge scolaire.» L’ouverture des écoles coïncide avec la suppression des allocations de chômage fédérales. Elle coïncide aussi avec l’abandon du moratoire sur les expulsions, menaçant des millions de familles de misère et de la perte du logement, à moins qu’elles n’envoient leurs enfants dans des écoles dangereuses et ne retournent sur des lieux de travail dangereux.
La stratégie d’«immunité collective» est illustrée de façon grotesque par l’interdiction du port du masque dans les écoles d’États républicains comme l’Arizona, l’Arkansas, l’Iowa, l’Oklahoma, la Floride, la Caroline du Sud, le Texas et l’Utah, qui ont des taux d’infections et de décès parmi les plus élevés, y compris chez les enfants. Un article scientifique de début août estime que dans ces écoles, environ 91 pour cent des élèves pourraient être infectés dans les trois mois suivant le début de l’année scolaire, la plupart des élèves s’infectant avant la fin du premier mois dû à une croissance exponentielle des cas.
L’atténuation dans les écoles: une «immunité collective» avec soins palliatifs
La deuxième stratégie de lutte contre la pandémie – l’atténuation – affirme de façon fausse que grâce au masquage et à la vaccination du personnel et des enfants éligibles de plus de 12 ans, les écoles peuvent être rouvertes «en toute sécurité». Si l’atténuation prétend être une alternative à l’«immunité collective», elle n’est en réalité qu’une modification de cette stratégie et vise à en émousser les bords tranchants.
Les politiciens du Parti démocrate, les responsables syndicaux et les représentants des médias qui encouragent la réouverture des écoles avec des «atténuations» savent que cette politique infectera inévitablement des millions d’enfants et accentuera la propagation du COVID-19. Ils cherchent seulement à le faire à un rythme plus lent pour éviter de submerger les hôpitaux et autres services sociaux. Leurs efforts d’atténuation ne sont pas dirigés contre le virus, mais contre les conséquences de la politique d’«immunité collective».
En particulier, l’affirmation selon laquelle la vaccination est une solution universelle à la pandémie attribue aux vaccins des propriétés qu’ils n’ont pas. Non seulement une partie importante de la population n’est pas vaccinée, dont tous les enfants de moins de 12 ans, mais la propagation continue du virus crée encore des conditions propices à l’évolution de nouveaux variants plus infectieux et résistants aux vaccins. Les personnes vaccinées peuvent toujours contracter et propager le virus, et l’émergence du variant Delta a conduit à une recrudescence des «infections post-vaccinales», impliquant maladie et même mort de personnes vaccinées.
La vaccination est un outil puissant. Mais déconnectée d’une stratégie plus large qui vise à réduire rapidement à zéro les nouvelles infections et donc à éradiquer le COVID-19, la vaccination et les autres mesures d’atténuation ne sont rien de plus que des soins palliatifs.
La plus fervente partisane de la réouverture des écoles avec des «mesures d’atténuation» est la présidente de la Fédération américaine des enseignants (American Federation of Teachers – AFT), Randi Weingarten, qui a passé le dernier mois à faire une tournée de 20 États, intitulée «La rentrée scolaire pour tous», parcourant les États-Unis pour promouvoir cette politique meurtrière. Dans une déclaration extraordinaire publiée le jour de la Fête du Travail, Weingarten a affirmé que les membres de l’AFT éprouvaient «la joie de retrouver une nouvelle année scolaire en présentiel».
Elle écrit: «Le variant Delta n’a pas changé notre détermination à garder nos écoles ouvertes et à faire en sorte qu’elles soient sûres, saines et accueillantes pour tous. Cependant, elle a rendu encore plus critique l’utilisation des outils qui, nous le savons, assureront la sécurité de nos communautés scolaires: vaccinations, masques, ventilation, lavage des mains, éloignement, tests et protocoles clairs en cas d’épidémie.»
Ayant écrit sa déclaration après la réouverture de la plupart des districts scolaires, Weingarten sait que dans la grande majorité des écoles, on n’a pas appliqué ces mesures. Les vaccinations ne sont pas obligatoires, le masquage est aléatoire, plus de 30.000 écoles américaines ont des systèmes de ventilation vétustes, de nombreuses écoles manquent de savon et de serviettes en papier, la distanciation est inexistante dans des classes de 30 élèves ou plus, les tests sont inadéquats et les protocoles en cas d’épidémie sont chaotiques.
De nombreux scientifiques, travailleurs de la base, parents et personnes impliquées dans le domaine de la santé publique croient personnellement que l’élimination et l’éradication éventuelle du COVID-19 devraient être la base et l’objectif de la politique. Cependant, face à une immense opposition gouvernementale et institutionnelle, ils ont conclu que cette politique correcte et nécessaire ne sera jamais mise en œuvre. Même avec les meilleurs motifs, ils se replient sur la stratégie d’atténuation et préconisent la série de mesures la plus vaste comme la ventilation, la distanciation sociale, les tests quotidiens, la recherche des contacts, etc. Même s’ils cherchent à la justifier, cette approche est fausse.
Tout repli sur la stratégie d’atténuation, même dans l’espoir de sauver autant de vies possibles, est une erreur et élude la réalité scientifique de la transmission virale dans les écoles. Ce n’est que par le développement d’une conscience de masse et une compréhension scientifique de la stratégie d’éradication par de larges couches de la classe ouvrière que l’on pourra mettre fin à la pandémie.
Le rôle de la fermeture des écoles dans la stratégie d'éradication
On sait depuis longtemps que les écoles sont des centres importants de transmission virale. Une étude publiée en janvier a montré qu’il n’en va pas autrement avec le COVID-19. Les chercheurs ont constaté que les infections au COVID-19 chez les enfants âgés de 10 à 19 ans précédaient une augmentation des cas chez les adultes âgés de 30 à 49 ans. Cela signifiait que les enfants infectés infectaient leurs parents, et non l’inverse.
Le précepte fondamental de la stratégie d’élimination-éradication est que le COVID-19 dépend d’un hôte humain pour se propager et que le seul moyen de le supprimer est de couper toutes les voies de transmission. Cela nécessite la fermeture des écoles et des lieux de travail non essentiels; des restrictions de voyage, des tests de masse ; le masquage; la recherche des contacts; l’isolement sûr des patients infectés; et d’autres mesures sanitaires de base; associées à des vaccinations de masse.
Dans un webinaire du WSWS, organisé le 22 août, la Dre Malgorzata Gasperowicz de l’Université de Calgary a clairement indiqué que des mesures de santé publique agressives auraient pu ramener les nouveaux cas à zéro. Il aurait fallu 37 jours si on l’avait fait au début de 2020 sauvant ainsi des millions de vies. Compte tenu de la transmissibilité du variant Delta, son modèle a estimé que la combinaison de vaccins et de mesures sanitaires agressives pouvaient encore éliminer le virus dans un pays donné en l’espace de deux mois. Soulignant que les vaccins seuls ne suffisaient pas à stopper la transmission, elle a déclaré: «Nous avons besoin de tout ce que nous avons dans notre boîte à outils pour l’arrêter, pour la ralentir».
La stratégie d’élimination a été très efficace en Chine, une société de masse qui compte plus de 1,4 milliard d’habitants, ainsi qu’en Nouvelle-Zélande et dans d’autres pays, grâce à l’utilisation de la série de mesures sanitaires décrites ci-dessus. Après avoir éliminé le COVID-19, ces pays ont maintenant combattu les épidémies répétées du variant Delta importé lors de voyages internationaux.
L’épidémie la plus récente en Chine a été confinée dans un hôtel de quarantaine de Guangzhou, destiné aux voyageurs internationaux. Samedi dernier, Xu, un employé de l’hôtel âgé de 42 ans a testé positif au COVID-19 et a été immédiatement placé en observation médicale dans un hôpital voisin, comme c’est le cas pour tous les patients atteints du COVID-19 en Chine. On a effectué des tests de masse dans les quartiers environnants et, samedi à minuit, les 92.185 échantillons recueillis étaient tous négatifs. On a également placé toutes les personnes qui ont eu un contact étroit avec Xu en observation médicale dans des lieux sûrs.
Alors que le World Socialist Web Site a d’âpres divergences politiques avec le Parti communiste chinois, ces mesures sanitaires nécessaires ne sont en aucun cas «autoritaires», comme les décrie la quasi-totalité de l’establishment politique et médiatique américain. Au contraire, elles démontrent le potentiel existant pour mobiliser les ressources de la société afin d’éliminer le COVID-19. Si ces mesures sont appliquées de manière globalement coordonnée dans tous les pays, la pandémie pourrait être rapidement éradiquée.
La stratégie d’éradication se croise avec le mouvement de la classe ouvrière qui se développe contre la subordination de la santé publique au profit privé. Au cours de l’année dernière, l’hostilité des enseignants et des parents à la réouverture des écoles a été délibérément étouffée par les syndicats et le Parti démocrate, mais elle commence à se développer à travers les actions de protestation, les arrêts de maladie et les grèves des parents, des étudiants et des travailleurs de l’éducation en Alabama, au Tennessee, à Hawaï, en Géorgie et dans un nombre croissant d’États. Cette opposition doit se concentrer sur la mise en œuvre de la stratégie d’éradication.
Pendant des décennies, la classe dirigeante américaine a vidé l’éducation publique de sa substance et cultivé l’arriération et l’individualisme, créant ainsi les conditions dans lesquelles des millions de personnes sont aujourd’hui sceptiques à l’égard des vaccins. Tous les efforts doivent être faits pour éduquer la population sur la science de la pandémie, la nécessité d’éradiquer le COVID-19 et la manière d’y parvenir.
Le sacrifice de dizaines de millions de vies sur l’autel des profits du patronat compte parmi les plus horribles crimes de l’histoire moderne. L’«immunité collective» et les politiques d’atténuation des élites dirigeantes ne seront pas inversées sans la construction d’un mouvement de masse de la classe ouvrière. Dans chaque partie du pays et dans le monde entier, des manifestations et des grèves de masse pour fermer les écoles et les lieux de travail non essentiels doivent être préparées.
Des comités de la base, indépendants des syndicats d’enseignants et des deux grands partis bourgeois, ont été formés aux États-Unis et dans le monde pour donner la priorité à la vie des travailleurs sur les profits. Ce réseau doit être construit dans chaque district scolaire et dans chaque quartier, afin de lutter pour la fermeture immédiate des écoles et des lieux de travail non essentiels. Cela doit être combiné à la mise à disposition d’amples ressources pour tous les travailleurs affectés et pour un enseignement à distance de haute qualité. Un tel mouvement s’étendra rapidement dans toutes les industries et tous les pays, car les comités de base s’avèrent être la seule forme à travers laquelle les mesures nécessaires seront mises en œuvre pour éliminer et finalement éradiquer le COVID-19 à l’échelle mondiale.
(Article paru d’abord en anglais le 8 septembre 2021)
