Les travailleurs de John Deere prêts à la lutte sur le contrat de travail: vote quasi unanime pour la grève

Travailleurs de John Deere: retirez l'initiative des mains de la bureaucratie de l'UAW ! Rejoignez la lutte pour construire le Rank-and-File des travailleurs de John Deere Committeebyemailingdeerewrfc@gmail.comor en envoyant un SMS au (484) 514-9797.

Dimanche, les travailleurs de John Deere ont montré leur détermination à lutter pour des améliorations substantielles des salaires et des conditions de travail par un vote d’autorisation de grève quasi unanime.

Les pourparlers entre l’UAW et le géant des équipements agricoles et de construction Deere & Company ont débuté le 20 août. Le contrat actuel, d’une durée de six ans, expire le 1er octobre. 10.100 travailleurs de l’Iowa, de l’Illinois et du Kansas sont couverts par le nouveau contrat.

Répartition du vote d'autorisation de grève (Twitter/@msainat1)

La section 94 du syndicat United Auto Workers (UAW) à Dubuque, dans l’Iowa, a enregistré 844 votes «oui» contre 7 votes «non». La section locale 281 de l’UAW à Davenport, dans l’Iowa, a enregistré 666 voix pour le «oui» et 4 voix pour le «non». La plus grande section locale, la section 838 de l’UAW à Waterloo, dans l’Iowa, a voté la grève à une majorité de 99,37 pour cent, selon la page Facebook du syndicat. Les autres sections locales ont voté avec des majorités similaires.

La détermination des travailleurs de Deere à se battre a en face d’elle la détermination de l’UAW et de Deere pour l’étrangler. Le jour même de l’autorisation de la grève, l’UAW a révélé les détails de l’«offre» initiale de l’entreprise, qui contient des abandons provocants comme la fin d’un moratoire sur la fermeture d’usines, une augmentation pour les travailleurs des primes [participation] aux soins de santé de zéro à 20 pour cent, et la fin du paiement des heures supplémentaires au-delà de 8 heures.

Les derniers résultats financiers de l’entreprise réduisent à néant tout argument de l’entreprise ou du syndicat qu’il n’y aurait pas assez d’argent pour répondre aux revendications des travailleurs. Le mois dernier, Deere a annoncé des bénéfices de plus de 1,6 milliard de dollars pour le troisième trimestre de l’année, soit 160.000 dollars pour chacun des 10.100 travailleurs sous contrat.

Mais cette offre confirme ce contre quoi le WSWS avertit depuis le début: l’UAW se prépare à trahir les travailleurs de Deere. Le syndicat tente sans doute d’atténuer le choc en proposant d’abord le pire contrat possible et en procédant par étapes. Quelles que soient les abandons inclus dans leur contre-offre, ils se référeront à ce contrat pour affirmer qu’ils ont réalisé des gains, par exemple en clamant peut-être qu’ils ont réduit l’augmentation des primes de soins de santé d’un petit montant.

L’UAW poursuit implacablement une stratégie de défaite, et il a celui qu’il faut pour y parvenir. Les négociations avec Deere sont menées par le vice-président de l’UAW, Terry Dittes, l’architecte de la trahison de la grève de 40 jours de General Motors en 2019. Cet accord-là, estampillé de son approbation, a permis à GM d’augmenter sa main-d’œuvre temporaire mal payée et de fermer trois usines, dont l’usine d’assemblage historique de Lordstown, dans l’Ohio.

L’UAW a maintenu un quasi-blackout sur les négociations avec Deere. Jusqu’à dimanche dernier, le syndicat n’a pas parlé à ses membres des négociations contractuelles. Il n’a même pas reconnu qu’elles se tenaient. En fait, certains travailleurs ont déclaré au WSWS qu’ils n’étaient même pas au courant que l’UAW avait communiqué des informations sur l’actuel accord de principe dimanche.

Un travailleur de Deere a déclaré au WSWS: «Ils ne l’ont pas distribué. Ils l’ont juste lu à haute voix. Aucune transparence et aucune confiance de ma part. Ils avaient une copie affichée, mais ne laissaient personne prendre de photos». Le syndicat veut que les travailleurs aient le moins d’informations possible et supprime toute tentative de lutte contre un autre contrat bradé.

Les travailleurs ont également exprimé leur perplexité face au fait que le syndicat a prévu un vote sur le contrat le 10 octobre avant même qu’ils aient conclu un accord de principe. Cela indique clairement que le processus de «négociation» est une imposture et que le syndicat cherche à imposer ce que la direction de Deere et lui-même ont convenu bien à l’avance. En outre, la date limite du 10 octobre maintiendra les travailleurs au travail dix jours après l’expiration du contrat précédent, ce qui les obligera à stocker des produits et compromettra toute grève éventuelle.

L’UAW est parfaitement conscient de la colère des travailleurs de Deere et se prépare à une éventuelle action de grève. «Un administrateur de l’UAW nous a dit ce matin qu’il était sûr que nous allions faire grève» a déclaré au WSWS un des travailleurs de Deere. Un autre, de l’usine de systèmes d’échappement Faurecia à Columbus, dans l’Indiana, a déclaré au WSWS que l’entreprise poussait les pièces John Deere et stockait la surproduction. «On dirait qu’ils s’attendent à une grève et qu’ils font pression pour aider Deere à se préparer»

Usine John Deere (John Deere/deere.com)

Comme il l’a fait dans toute l’industrie automobile et au-delà, l’UAW a réprimé l’opposition chez Deere pour le compte de l’entreprise pendant plusieurs décennies. Le dernier débrayage déclenché par l’UAW chez Deere remonte à plusieurs décennies, en 1986. Il s’agissait d’une grève «sélective» qui n’avait été déclenchée initialement que dans trois des 14 usines où l’UAW opérait. L’entreprise, sachant que le syndicat ne mènerait pas de lutte sérieuse, a répondu par un lock-out national de 163 jours. Malgré la détermination des travailleurs, la lutte s’est soldée par une défaite orchestrée par l’UAW et des abandons substantiels.

Le syndicat a fait passer en force le dernier accord en 2015 sans que les travailleurs ne lisent jamais le contrat réel. Il a publié un document de 17 pages sur les «points saillants» le jour où les travailleurs devaient voter, ne leur laissant que deux heures pour le lire. L’UAW a bien affirmé que l’accord avait été adopté à une majorité de seulement 180 voix, mais les travailleurs ont largement soupçonné une fraude et ont exigé un recompte des voix.

La base idéologique de la transformation de l’UAW en bras de la direction est la doctrine du corporatisme, ou de l’identité supposée des intérêts des travailleurs et de la direction. Comme l’a déclaré plus tard James Hecker, l’un des principaux négociateurs de l’UAW pendant la grève de 1986, dans des commentaires au Moline Dispatch, «Nous avons tous deux (l’UAW et Deere) vraiment décidé que nous devions avoir une relation plus collaborative que conflictuelle – ce genre d’état d’esprit. Au fil du temps, la collaboration s’est renforcée.»

Sur cette base, l’UAW a supervisé, au cours des quatre dernières décennies, le retour des salaires et des conditions de travail à des niveaux jamais vus depuis bien avant la création des syndicats industriels, il y a près d’un siècle. Chez le fabricant de pièces automobiles Dana, l’UAW et l’USW (United Steelworkers) supervisent conjointement des conditions de travail d’ateliers de misère où les travailleurs passent des semaines sans un seul jour de congé.

Les travailleurs commencent cependant à se défendre. La rébellion des travailleurs de Volvo Trucks en Virginie, qui se sont organisés de manière indépendante à travers le Comité des travailleurs de la base de Volvo (VWRFC), en a été la preuve au début de cette année. Celui-ci leur a permis de rejeter trois accords de bradage consécutifs et à imposer une grève de cinq mois.

Les travailleurs de l’équipementier Dana ont formé leur propre comité de la base pour exiger que les syndicats arrêtent de prolonger le contrat jour après jour suite au rejet massif de leur accord de principe, et qu’on fixe immédiatement une date pour la grève. En formant un tel comité pour unir leurs collègues contre les tentatives du syndicat de les isoler et de les démoraliser, et pour faire appel au soutien de leurs frères et sœurs de l’industrie automobile du monde entier, les travailleurs de Deere peuvent se défendre contre la double attaque de l’entreprise et de l’UAW.

«Il y a trop de similitudes dans nos conditions: bas salaires, heures supplémentaires forcées, absence de sécurité et nouveaux embauchés gagnant encore moins d’argent. Toutes les grandes entreprises et tous les syndicats du monde entier se sont réunis et ils font cela à leurs salariés – Volvo, Nabisco, les conducteurs de train en Allemagne et les mineurs au Chili. Nous devons construire le mouvement de la base pour les faire cesser.»

On peut et on doit gagner cette lutte, mais cela exige que les travailleurs de Deere prennent l’initiative dès maintenant. Il faut suivre l’exemple des travailleurs de Volvo Trucks et de Dana en créant leur propre comité de la base. Ce sont les travailleurs eux-mêmes qui contrôleront et dirigeront démocratiquement un tel comité, et pas des bureaucrates syndicaux bien payés. Il se battra pour ce dont les travailleurs ont besoin, et non pour ce que l’entreprise est prête à accepter. Le comité doit rédiger les revendications propres aux travailleurs, qui devraient inclure:

  • La fin du système à deux vitesses – tous les travailleurs devant bénéficier des salaires et des avantages les plus élevés.
  • Une augmentation générale des salaires de 30 pour cent pour compenser les années de gel et de stagnation des salaires.
  • Une clause d’indexation annuelle sur le coût de la vie pour suivre l’inflation galopante.
  • Des prestations de soins de santé entièrement payées pour les retraités, sans quote-parts pour les soins ni paiements pour les assurances.

Un comité de Deere préparera le terrain avec les comités des autres usines Deere et il fera le lien avec les travailleurs de Volvo, de Dana, des Trois Grands (General Motors, Ford et Fiat-Chrysler), de Caterpillar, de Case IH et d’autres usines aux États-Unis et à l’étranger, dans le but de préparer la riposte contre des années d’attaques conjointes menées par les sociétés et les syndicats contre la classe ouvrière.

(Article paru d’abord en anglais le 14 septembre 2021)

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