La secrétaire d’État au Trésor Janet Yellen prévient que sans relèvement du plafond de la dette, le gouvernement américain pourrait manquer d’argent

Une crise du système financier américain et mondial s’annonce à moins qu’un conflit sur le relèvement du plafond de la dette américaine ne soit rapidement résolu.

Ce conflit est devenu public la semaine dernière, lorsque la secrétaire d’État au Trésor Janet Yellen a écrit une lettre au Congrès pour l’avertir que le gouvernement était à court d’argent suite au rétablissement, le 1er août, de la limite d’emprunt du gouvernement, suspendue pendant les deux années précédentes.

Depuis lors, écrit Janet Yellen, le Trésor a «employé certaines mesures extraordinaires» pour s’assurer que le gouvernement puisse continuer à se financer, mais ces mesures atteignent leur limite.

Janet D au Congrès en 2017 (Source: Réserve fédérale)

«Une fois que toutes les mesures disponibles et les liquidités en main seront entièrement épuisées, les États-Unis d’Amérique seraient incapables de faire face à leurs obligations, pour la première fois de notre histoire», a-t-elle déclaré.

Le Trésor n’a pas été en mesure de fournir une estimation précise de la durée des mesures extraordinaires, mais la meilleure et la plus récente estimation était que l’argent serait épuisé à un moment donné à la mi-octobre.

Ce n’est pas la première fois qu’un conflit surgit sur le plafond de la dette. La dernière grande bataille remonte à 2011, sous le gouvernement Obama. Bien qu’il ait été finalement résolu et qu’un défaut de paiement ait été évité, le conflit a produit d’importantes turbulences sur les marchés financiers et conduit à une dégradation de la note de crédit du gouvernement américain, pour la première fois dans l’histoire. L’agence Standard and Poor’s a abaissé la solvabilité du pays d’AAA à AA+.

On estime que le conflit a coûté au gouvernement 1,3 milliard de dollars en frais d’intérêts accrus sur sa dette en 2011, avec des coûts supplémentaires dans les années qui ont suivi.

Dans son article sur le conflit actuel, le Financial Times a écrit que «les affrontements sur la limite de la dette sont parfois considérés comme du théâtre politique qui finit par se résoudre, mais les hauts responsables du gouvernement Biden considèrent l’impasse avec un sérieux grandissant».

Ces préoccupations ont été énoncées dans la lettre de Yellen.

«Les impasses passées concernant la limite de la dette nous ont appris qu’attendre jusqu’à la dernière minute pour suspendre ou augmenter la limite de la dette peut nuire gravement à la confiance des entreprises et des consommateurs, augmenter les coûts d’emprunt à court terme pour les contribuables et avoir un impact négatif sur la notation de crédit des États-Unis», a-t-elle écrit.

«Un retard qui remet en question la capacité du gouvernement fédéral à faire face à toutes ses obligations causerait probablement des dommages irréparables à l’économie américaine et aux marchés financiers mondiaux.»

Elle a exhorté le Congrès à aborder la question de la limite de la dette avec «un large soutien des partis», afin de «protéger la pleine foi et le crédit des États-Unis en agissant dès que possible».

Mais un «large soutien des partis» est le résultat le moins probable de tous, car la question du plafond de la dette fait désormais partie de l’opposition républicaine aux programmes de dépenses du gouvernement Biden.

Les républicains ont insisté pour que toute résolution fasse partie d’un vote de réconciliation budgétaire. Elle peut être adoptée par la Chambre des représentants, où les démocrates sont majoritaires, et par le Sénat, qui est partagé à 50-50, le vice-président démocrate Kamala Harris ayant une voix prépondérante, sans qu’aucun républicain n’ait à voter en sa faveur.

Ils ont refusé d’adopter une loi autonome qui relèverait le plafond de la dette, 46 sénateurs républicains ayant signé une lettre à cet effet, ce qui signifie qu’elle n’atteindrait pas le niveau de 60 voix nécessaire pour vaincre une obstruction.

Leur position a été résumée dans une interview accordée par le sénateur du Wisconsin Ron Johnson, qui a déclaré que les démocrates «ne devraient pas s’attendre à ce que les républicains relèvent le plafond de la dette pour s’adapter à leurs dépenses déficitaires».

Le leader républicain du Sénat, Mitch McConnell, a insisté dans le passé pour dire que les démocrates ne devaient pas s’attendre à un soutien républicain sur la limite de la dette, une position qu’il a répétée dans une interview la semaine dernière.

«Ce plafond de la dette va couvrir toutes les choses auxquelles nous nous sommes tous opposés», a-t-il déclaré, et les démocrates devaient « faire la chose responsable et relever le plafond de la dette parce que l’Amérique ne doit jamais faire défaut sur sa dette».

En fait, le relèvement du plafond est nécessaire pour couvrir les mesures déjà autorisées par le Congrès et la réduction des recettes remontant aux réductions d’impôts de Trump en 2017, ainsi que les plans d’allègement réalisés sous son gouvernement.

La secrétaire de presse de la Maison-Blanche, Jen Psaki, a lancé un appel au soutien bipartite, affirmant que la question de la dette était une «responsabilité partagée» et que «le Congrès devrait aller de l’avant comme il l’a fait à de multiples reprises».

Mais les temps sont très différents. De larges pans du Parti républicain continuent d’insister pour dire que les élections ont été «volées» et ont apporté un soutien crucial à la tentative de coup d’État de Trump du 6 janvier, avec la prise d’assaut du Capitole par les fascistes.

La présidente de la Chambre des représentants, Nancy Pelosi, a déclaré aux journalistes la semaine dernière: «Nous avons plusieurs options». Mais elle a maintenu qu’il n’y aurait pas de relèvement du plafond de la dette dans le programme de dépenses de Biden que les démocrates cherchent maintenant à faire passer au Congrès.

Dans ce qui pourrait devenir un conflit à fort enjeu, le Wall Street Journal a rapporté le mois dernier qu’une des options envisagées était un projet de loi autonome ; ce qui mettrait la pression sur les républicains pour qu’ils le soutiennent sous peine de faire vaciller les marchés financiers.

Mais compte tenu de la préoccupation majeure des démocrates pour la stabilité de Wall Street, et de leur soumission continue aux républicains, cette option doit être jugée comme hautement improbable. Une autre option pourrait consister à rattacher le plafond de la dette à un autre élément nécessaire de financement gouvernemental.

Bien qu’elle n’ait pas fait l’objet d’une grande couverture médiatique, la question du plafond de la dette devient une préoccupation de la communauté internationale, en raison de son impact possible sur des marchés financiers mondiaux très fragiles.

La semaine dernière, le Financial Times a fait de la lettre de Yellen son principal article, qui met en garde contre le «risque croissant d’une crise de la dette souveraine américaine».

En Australie, dans un article publié vendredi dernier, le commentateur financier du Sydney Morning Herald, Stephen Bartholomeusz, a averti que les États-Unis pourraient être à quelques semaines seulement d’un défaut de paiement de la dette qui plongerait «l’économie américaine et les marchés financiers mondiaux dans le chaos».

Il écrit qu’un défaut de paiement de la dette américaine était «presque impensable» et que le Congrès avait toujours trouvé un moyen d’éviter une telle issue. Cependant, poursuit-il, on ne peut «pas l’exclure totalement étant donné l’intensité et l’imprévisibilité de la politique depuis les élections américaines de l’année dernière, et l’éviction de Trump de la Maison-Blanche».

(Article paru d’abord en anglais le 13 septembre 2021)

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