États-Unis: Plus de 2000 infirmières et autres travailleurs de la santé font grève à un hôpital de Buffalo

Travailleurs de la santé en grève à l’hôpital Mercy de Buffalo (Photo: Facebook/Ginny Homewood)

Près de 2200 infirmières, aides-soignantes et membres du personnel de santé ont débrayé vendredi matin à Buffalo, dans l’État de New York, pour réclamer de meilleurs salaires, une augmentation du personnel et de meilleures conditions de travail à l’hôpital Mercy de Buffalo.

Les travailleurs sur la ligne de piquetage décrivent les conditions horribles à l’hôpital. Les chambres des patients, les couloirs, les cafétérias et même les équipements médicaux sont sales parce que l’hôpital refuse d’embaucher suffisamment de travailleurs.

«Les conditions sont très mauvaises», a déclaré Carrie Dilbert, une infirmière diplômée, à la chaîne de nouvelles télévisées Spectrum News. «L’hôpital n’est pas entretenu comme il devrait l’être. Il est très sale. Il y a très peu de personnel. Le moral est terrible. La culture qui y règne est terrible.»

«Ça me brise le cœur quand je dois décider quel patient critique je dois vraiment prendre en charge», a déclaré Maureen Kryszak, du service des urgences, à Spectrum News. «Si quelqu’un meurt, je devrais pouvoir passer du temps avec sa famille. Au lieu de cela, je dois sortir en courant de la pièce et espérer que mes autres patients sont toujours en vie, ou qu’ils respirent ou qu’ils sont stables.»

Les travailleurs des services environnementaux disent être payés moins de 14 dollars de l’heure. Le niveau de dotation en personnel infirmier est également un problème majeur. Une infirmière a déclaré qu’au lieu d’avoir 11 infirmières et cinq aides-soignantes pour s’occuper de son unité de 40 patients, elle n’a souvent que cinq infirmières et deux aides-soignantes. Une autre infirmière a déclaré qu’il y a des moments où ses collègues sont en larmes à cause du stress et de leur incapacité à s’occuper correctement de leurs patients étant donné les niveaux massifs de surcharge de travail.

L’hôpital Mercy est géré par la Catholic Health, un organisme «à but non lucratif» créé en 1998 pour fournir des services de santé dans l’ouest de l’État de New York. Comme pour la plupart des organismes de soins de santé à but non lucratif, leur statut ne les empêche pas de verser des salaires exorbitants à leurs cadres supérieurs.

La Catholic Health et le syndicat des travailleurs de la santé, la section locale 1133 des Communications Workers of America (CWA), ont mené des négociations toute la nuit de jeudi. L’hôpital a déclaré dans un communiqué qu’il avait proposé un contrat prévoyant une augmentation de 3 % la première année et de 2 % chaque année suivante, ce qui est bien en delà du taux d’inflation actuel de 5 %.

La compagnie avait également promis d’ajouter 230 postes supplémentaires, mais déjà de nombreux postes ne sont pas pourvus, car les gens ne peuvent pas se permettre de vivre avec le faible salaire qui leur est proposé.

Les travailleurs demandent également de meilleures prestations de soins de santé pour eux-mêmes. Ils sont notamment mécontents des primes élevées qu’ils doivent payer et des prestations de qualité inférieure.

Tout en affirmant être pauvre aux travailleurs, la Catholic Health a pris des mesures importantes pour briser la grève. La compagnie dépense des millions pour engager des briseurs de grève pour travailler pendant la grève. JoAnn Cavanaugh, porte-parole de la Catholic Health, a confirmé que l’hôpital a viré plusieurs millions de dollars à la Huffmaster Companies, une firme spécialisée dans l’embauche de briseurs de grève dans les hôpitaux et les maisons de soins pendant les grèves.

Les offres d’emploi montrent que l’entreprise paie jusqu’à 150 dollars de l’heure les infirmières diplômées qui franchiront la ligne de piquetage.

La grève des infirmières et des autres travailleurs de la santé à l’hôpital Mercy est maintenant la plus grande grève dans l’industrie des soins de santé aux États-Unis, et peut-être la plus grande grève en cours de n’importe quelle section de travailleurs dans le pays. Les grévistes ne se battent pas seulement pour eux-mêmes, mais ils prennent position pour les travailleurs de la santé de tout le pays qui sont confrontés à des conditions similaires.

Les infirmières, les aides-soignantes et le personnel des hôpitaux, des cliniques et des maisons de retraite de tout le pays manquent cruellement de personnel et sont sous-payés dans une industrie qui réalise des milliards de dollars de bénéfices aux dépens de ses travailleurs et des patients qu’ils sont censés servir. Au total, l’industrie a réalisé 1850 milliards de dollars de recettes en 2018, avec des marges de profit de plus de 8 %.

Les conditions des travailleurs n’ont fait que s’aggraver tout au long de la pandémie, ce qui a entraîné la mort de milliers de travailleurs de la santé et ajouté des charges incalculables à ceux qui restent en poste. À l’échelle mondiale, l’Organisation mondiale de la santé rapporte qu’au moins 115.000 travailleurs de la santé sont morts de la COVID. Aux États-Unis, une étude du Kaiser Health News a révélé que 3600 travailleurs de la santé sont morts au cours des sept derniers mois depuis mars, les infirmières représentant 32 % des victimes.

Cette grève s’inscrit dans un mouvement croissant de travailleurs aux États-Unis et dans le monde qui doivent faire face à des conditions intolérables, voire mortelles, pendant la pandémie, alors que les profits des sociétés explosent.

La ville de Buffalo, comme le reste du pays, a été dévastée par la pandémie. La réouverture des écoles et des entreprises non essentielles en pleine vague du variant Delta, plus infectieux, a provoqué une augmentation massive des cas dans le comté d’Érié, dont fait partie Buffalo.

Après avoir connu un creux de 7 nouveaux cas par jour en juillet, les nouveaux cas sont passés à près de 300 par jour, avec une augmentation correspondante du nombre d’hospitalisations.

La grève contre l’hôpital Mercy fait suite à la grève des infirmières contre l’hôpital Saint-Vincent à Worcester, au Massachusetts, qui entre maintenant dans sa 29e semaine.

En date de mercredi passé, Tenet, la société à but lucratif qui exploite l’hôpital, avait embauché 203 remplaçants permanents et refuse toujours de rendre leur emploi aux infirmières en grève, même si les deux parties ont conclu un nouveau contrat le mois dernier lors de réunions secrètes avec un médiateur fédéral.

Tout au long de la grève, l’Association des infirmières du Massachusetts a isolé les travailleurs, alors qu’ils se battaient contre les mêmes conditions que celles auxquelles les travailleurs de la santé sont confrontés dans tout le pays. Le syndicat a accepté le contrat alors même que la chaîne d’hôpitaux refuse de réembaucher les infirmières en grève.

Les hôpitaux du Massachusetts continuent d’être poussés à leurs limites, comme tous les hôpitaux du pays. Le taux d’occupation moyen des lits de soins intensifs est supérieur à 80 %. La semaine dernière, à l’hôpital Memorial de l’université du Massachusetts voisin, seuls 3 des 20 lits de soins intensifs étaient disponibles et les médecins ont dû rationner leurs soins, choisissant les patients à opérer en fonction de ceux qui progresseraient le plus rapidement.

De son côté, la Communication Workers of America (CWA) isole les grévistes. Il ne fait aucun doute que le syndicat, contrôlé par de riches bureaucrates dont les salaires à six chiffres dépendent de leurs relations financières incestueuses avec la grande entreprise américaine, prévoit de faire passer en force un contrat rempli de reculs, comme il l’a fait lors de la grève de 2016 chez Verizon et de celle de 2019 chez AT&T.

La présence de la CWA dans le secteur de la santé et dans d’autres secteurs est principalement due à sa tentative de compenser le déclin de sa base de cotisations parmi les travailleurs des télécommunications, résultat de décennies de collaboration avec les grandes compagnies de téléphone Verizon et AT&T pour supprimer des centaines de milliers d’emplois. Souvent, le syndicat négocie un accord de faveur avec l’employeur: en échange d’une réduction des salaires et des avantages sociaux, les entreprises acceptent de reconnaître le syndicat et que celui-ci prélève des cotisations.

Les travailleurs de l’hôpital Mercy et de l’ensemble du secteur des soins de santé doivent suivre l’exemple des éducateurs, des travailleurs de l’automobile et des métallurgistes qui ont créé des comités de la base indépendants des syndicats pour organiser leur lutte. Pour plus d’informations, visitez le wsws.org/workers.

(Article paru en anglais le 2 octobre 2021)

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