Le procès des attentats du 13 novembre 2015 débute à Paris

Le 8 septembre, le procès des attentats du 13 novembre 2015 s’est ouvert dans une cour d’assises spéciale, installée au palais de justice de Paris.

Ces attentats, qui ont fait 130 morts et 350 blessés à Paris et à Saint-Denis, témoignent à nouveau de la nature irréductiblement réactionnaire du terrorisme individuel. Les responsables de ces attentats sont coupables de meurtre de masse. Comme l’a toujours insisté le marxisme, rien de socialement progressif n’émerge d’une destruction aveugle et arbitraire de vies humaines innocentes, qui désorientent et rendent furieux l’opinion, et qui sapent l’opposition des travailleurs à des mesures d’État policier.

Sur cette photo du 13 novembre 2015, une femme est évacuée de la salle de concert du Bataclan après la fusillade terroriste à Paris. (AP Photo/Thibault Camus, File)

Depuis près d’un mois, les proches des victimes défilent à la barre pour évoquer leurs souvenirs et témoigner de leur chagrin et de leur détresse. Ces émotions authentiques contrastent fortement avec la banalité et l’hypocrisie des arguments de l’État et de la propagande médiatique faite autour du procès, qui fait le silence sur la guerre menée par la France et les autres puissances de l’OTAN en Syrie.

Or, un lien indissociable unit la «guerre contre le terrorisme» et l’état d’urgence imposés après les attentats du 13 novembre 2015 en France et à travers l’Europe, d’un côté, avec la prétendue guerre pour la démocratie menée en Syrie et en Libye depuis 2011. Ces guerres ont coûté plus de 400.000 vies et ont forcé plus de 10 millions de personnes à fuir leurs foyers, laissant derrière elles des sociétés dévastées.

En effet, pour mener les guerres dans ces deux pays, les puissances de l’OTAN ont eu recours aux mêmes réseaux islamistes qui ont commis les attentats de Paris. L’État islamique d’Irak et de Syrie, EI ou Daech, est bientôt apparu comme la milice « rebelle » la plus puissante, et donc la plus à même de renverser le président syrien Bachar al-Assad. Déjà en août 2012, des responsables américains avaient avoué que parmi les forces rebelles syriennes que soutenait l’OTAN se trouvaient des membres d’Al Qaïda, le réseau ayant commis les attaques du 11 septembre 2001.

Le caractère politiquement creux de ce procès se voit du fait qu’aucun des responsables des pays de l’OTAN qui a mené cette politique ne sera interrogé, ni encore moins placé sur le banc des accusés.

Le procès, la plus grande audience criminelle jamais organisée en France, durera neuf mois, durant lesquels la cour d’assises jugera vingt accusés, dont Salah Abdeslam (31 ans), le seul survivant du réseau EI qui a commis les attentats. Le dossier d’instruction est composé de 542 tomes, soit un million de pages. Près de 1.800 parties civiles, dont les proches de victimes et des rescapés, doivent témoigner dans ce procès. Au moins 145 journées d’audience sont prévues.

Parmi les vingt accusés, quatorze sont présents dont onze détenus; les six autres, dont cinq présumés morts, y compris des figures du « djihad » français, les frères Fabien et Jean-Michel Clain, qui auraient été tués en février ou mars 2019 lors d’une frappe aérienne en Syrie, seront jugés par défaut. Fabien Clain serait l’homme qui a enregistré le message audio revendiquant les attentats du 13 novembre.

Lors de l’audience le principal accusé, Abdeslam, a justifié froidement les attentats en citant les bombardements français contre l’EI. « On a attaqué la France, visé la population, des civils, mais il n'y avait rien de personnel », a déclaré Abdeslam. « Le but n’est pas de remuer le couteau dans la plaie mais d'être sincère », a-il ajouté, assurant que les attentats étaient une réponse aux « bombardements français sur l’État islamique» en Syrie.

Quand en 2014 l’EI a décidé d’intervenir militairement contre le régime néocolonial pro-iranien construit en Irak par l’occupation américaine de ce pays entre 2003 et 2011, un conflit a rapidement émergé entre l’EI et les puissances impérialistes. Le compromis entre l’impérialisme français et l’EI, qui lui servait de truchement en Syrie et était donc financé à ces fins par des géants du CAC-40 comme Lafarge, s’est effondré.

Les États-Unis et leurs alliés ont réagi avec inquiétude à la prise de nombreuses villes en Irak, dont Mossoul, par l’État islamique. Ils ont tenté d'isoler l’EI en Syrie, en mobilisant d'autres forces djihadistes, notamment le Front Al Nosra, contre Assad, et d’écraser la progression de l’EI en Irak. Quand l’OTAN a lancé des attaques contre les islamistes en Irak, cela a provoqué la colère de l'EI qui s’estimait trahi. En riposte, l'EI a projeté de commettre des attentats sur le sol européen, à partir de l'illusion que des actes terroristes contraindraient l’impérialisme français à modifier sa politique.

« François Hollande a dit que nous avons combattu la France à cause de ses valeurs, mais c'est un mensonge », a ajouté Abdeslam, dénonçant les « avions français qui ont bombardé l'Etat islamique, les hommes, les femmes, les enfants … François Hollande savait les risques qu'il prenait en attaquant l'Etat islamique en Syrie ».

Or, concentrés sur la manipulation des islamistes à des fins géostratégiques au Moyen-Orient, les États européens ont réagi à la menace posée par ces réseaux islamistes à l’intérieur de l’Europe uniquement par des mesures policières visant les droits démocratiques et légitimant le néofascisme.

C'est un fait établi que plusieurs terroristes qui ont commis des actes de terreur à Paris étaient connus des services de renseignements européens et américains. A la suite des attentats, de nombreux médias ont révélé que la plupart des islamistes impliqués dans les attentats-suicides de Paris, dont leur organisateur présumé, étaient connus des services de sécurité français et belges bien avant le 13 novembre 2015. Mais aucun service de renseignement ou de police n’a pris des mesures pour les empêcher de déclencher leur violence meurtrière.

Les États-Unis, la Turquie et l'Irak ont tous averti la France avant le 13 novembre que des complots se préparaient; la Turquie a fourni le nom d'un des hommes impliqués, Ismael Omar Mostefai, connu des autorités françaises depuis 2010. Mostefai a pu se rendre en Syrie en 2013, malgré une « fiche S» le signalant comme un risque pour la sécurité et puis rentrer en France en 2014. C’était l’un des assaillants qui ont massacré près d’une centaine de personnes au Bataclan à Paris, avant de se suicider.

Après les attentats terroristes, le gouvernement PS du président François Hollande a mené une série d’attaques sans précédent contre les droits démocratiques. Il a déclaré l'état d'urgence et mobilisé plus de 100.000 membres des forces de sécurité à travers le pays, renforçant énormément les pouvoirs de la police et de l’armée. Il a proposé de modifier la Constitution française afin de constitutionnaliser l'état d'urgence, mesure de légalité douteuse imposée pendant la guerre d’Algérie en 1955, et la déchéance de nationalité, mesure ayant servi à la répression de membres de la Résistance au nazisme.

Ces attaques contre les droits démocratiques sont allées de pair avec l'intensification des guerres en Afrique et au Moyen-Orient, aussi sous prétexte de lutte contre le terrorisme.

Ce procès ne résoudra aucune des questions soulevées devant les travailleurs par les attentats du 13 novembre 2015. Depuis lors, tout l'establishment politique se dirige vers la dictature en légitimant la politique de l’extrême droite. Sous prétexte de créer l’ «unité nationale,» Hollande a officiellement invité la présidente du Rassemblement National (RN) d’extrême droite, Marine Le Pen, à l’Élysée.

Élu en 2017, Macron a intensifié ces attaques contre les droits démocratiques. Il a mobilisé les forces de l’ordre pour réprimer les « gilets jaunes ». Il a également imposé une charte de principes à l’Islam de France et avalisé une «loi anti-séparatiste» visant à lutter contre le «séparatisme islamiste», en clair, à empêcher toute critique musulmane des guerres prédatrices de l’impérialisme français. La tâche de lutter contre la dérive fascisante de l’élite dirigeante incombe à la classe ouvrière, mobilisée sur une perspective anti-guerre, internationaliste et socialiste.

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