Les problèmes de l’économie chinoise s’aggravent

Les problèmes économiques et financiers majeurs du secteur chinois de la promotion immobilière continuent de s’accumuler avec l’annonce par Fantasia Holdings cette semaine qu’elle n’a pas effectué le paiement d’une obligation.

Il y a quelques semaines à peine, Fantasia avait assuré qu’elle n’avait «aucun problème de liquidité», mais lundi, elle a annoncé «qu’elle n’avait pas effectué le paiement» d’une obligation de 206 millions de dollars.

Un homme qui porte un masque de protection marche devant un tableau d’affichage électronique dans le hall du bâtiment de la Bourse de Shanghai à Shanghai, en Chine, le vendredi 14 février 2020 (Photo AP)

Le mois dernier, Evergrande, la société de développement immobilier la plus endettée, a manqué un paiement sur une obligation libellée en dollars, ce qui a déclenché une période de grâce de 30 jours avant qu’un défaut ne soit déclaré.

La question qui se pose sur les marchés asiatiques est de savoir dans quelle mesure la crise financière va s’étendre à d’autres promoteurs immobiliers qui représentent une grande partie du marché des obligations à haut rendement dites de pacotille.

Dickie Wong, le responsable de la recherche de la société Kingston Securities, basée à Hong Kong, a déclaré au Financial Times: «Il n’y a rien que les investisseurs puissent faire… le pire est encore à venir».

L’agence de notation Fitch a déclaré que Fantasia doit rembourser 1,9 milliard de dollars d’obligations offshore d’ici la fin de l’année prochaine, ainsi que 6,4 milliards de renminbis (992 milliards USD) d’obligations onshore pour la même période.

La crise va bien au-delà de l’immobilier, étant donné le rôle crucial qu’il a joué au cours des 13 années qui ont suivi la crise financière mondiale de 2008, lorsque le gouvernement chinois s’est tourné de plus en plus vers le développement immobilier comme moteur central de la croissance économique.

Martin Wolf, chroniqueur au Financial Times, a écrit mercredi que le problème le plus grave découlant de la crise était que la dépendance de l’économie à l’égard de la demande provenant des investissements dans l’immobilier devait prendre fin. «Cela imposera un énorme ajustement et créera un gros casse-tête pour les autorités: qu’est-ce qui peut remplacer l’investissement immobilier dans la création de la demande?» a-t-il écrit.

Wolf a cité des statistiques qui indiquent que, bien avant la crise d’Evergrande, le modèle de croissance chinois, basé sur des niveaux élevés d’investissement, s’essoufflait. L’investissement fixe total a représenté en moyenne environ 43 pour cent du produit intérieur brut (PIB) entre 2010 et 2019, soit cinq points de pourcentage de plus qu’entre 2000 et 2019. Mais au cours de cette dernière période, la croissance du PIB a commencé à chuter, ce qui indique une baisse du rendement des investissements en ce qui concerne l’économie globale.

Dans le même temps, la dette a augmenté. La dette des ménages a bondi de 29 pour cent du PIB en 2010 à 61 pour cent en 2021, tandis que la dette du secteur des sociétés non financières est passée de 118 à 159 pour cent du PIB au cours de la même période.

Wolf a cité les conclusions d’un article publié en 2020 par les économistes Kenneth Rogoff et Yuanchen Yang, selon lesquelles, si l’on tient compte de ses effets d’entraînement, le secteur immobilier chinois représentait 29 pour cent du PIB en 2016.

Il a affirmé que le gouvernement contrôlant le système financier chinois, une crise financière pourrait être évitée: une position avancée par beaucoup d’autres. Mais cette supposition n’a pas encore été testée par les événements qui se déroulent actuellement.

Le principal impact, selon lui, est l’effondrement des investissements immobiliers, qui aurait «un effet négatif important sur les finances des collectivités locales». Les pouvoirs d’imposition des gouvernements locaux sont limités et ils dépendent du flux de recettes provenant des ventes de terrains pour financer les projets d’infrastructure.

Selon les recherches de Rogoff et Yang, cités dans l’article, «une chute de 20 pour cent de l’activité immobilière pourrait entraîner une baisse de 5 à 10 pour cent du PIB, même sans amplification par une crise bancaire ni prise en compte de l’importance de l’immobilier comme garantie.» Et, selon Wolf, «cela pourrait être pire».

Il a laissé entrevoir que la croissance pourrait se poursuivre si l’on s’éloignait des investissements inefficaces et si l’on augmentait les dépenses de consommation qui découlent d’une redistribution des revenus vers les ménages les plus pauvres. Cela nécessiterait de «grandes réformes», combinées à un abandon de la propriété et à une transition vers des émissions de carbone élevées, ce qui exigerait également de «grands changements politiques».

Le modèle fondé sur les investissements inefficaces a atteint sa fin et doit être remplacé, a-t-il conclu.

Mais ce fait est reconnu depuis longtemps par le régime chinois et a été à l’origine du lancement en 2015 du plan «Fait en Chine 2025» qui énonçait la nécessité de développer les industries de haute technologie.

Il s’est toutefois heurté à un obstacle majeur: la domination de l’impérialisme américain sur l’économie mondiale exercée par la conception des puces informatiques vitales et la position prééminente du dollar dans le système financier international.

Les États-Unis sont déterminés à écraser le développement high-tech chinois par tous les moyens nécessaires, car ils le considèrent comme une menace, tant sur le plan économique que militaire.

Cette politique, lancée sous Trump, poursuivie et approfondie par le gouvernement Biden, est illustrée le plus clairement par les actions américaines contre la société chinoise de télécommunications de haute technologie, Huawei, considérée par le régime de Xi Jinping comme un élément vital de la prochaine étape du développement économique.

Il y a trois ans, Huawei, qui avait investi massivement dans le développement des technologies de communication, était sur le point de devenir le premier développeur mondial de l’infrastructure téléphonique 5G.

Le mois dernier, le président de Huawei, Eric Xu, a déclaré que les revenus de l’entreprise qui proviennent de la vente de téléphones intelligents chuteront de 30 à 40 milliards de dollars cette année par rapport aux 136,7 milliards de dollars de ventes en 2020, sans perspective de récupérer cet argent dans les prochaines années. Plus tôt, Xu avait déclaré que l’objectif de l’entreprise était simplement de survivre.

La destruction de son activité de téléphones intelligents est visible dans le fait que, malgré des avancées significatives dans le développement de l’infrastructure 5G – de nombreux brevets sont détenus par Huawei –, son dernier smartphone ne sera que 4G.

Les actions de l’impérialisme américain à l’égard de Huawei sont emblématiques de sa position à l’égard du développement économique chinois dans son ensemble: le réduire à ce qui revient à un statut de semi-colonie économique.

À l’époque où la croissance chinoise dépendait de l’exportation de biens de consommation bon marché et de composants industriels de basse technologie, elle était considérée par les États-Unis comme un «partenaire stratégique». Cela était résumé par l’invention du terme Chimerica par l’historien de l’économie et commentateur des médias Niall Ferguson.

Aujourd’hui, la Chine est un «concurrent stratégique». Les méthodes employées par les États-Unis contre Huawei sont une forme de gangstérisme impérialiste du 21e siècle. L’entreprise de téléphonie a été exclue du développement des réseaux de télécommunications au motif fallacieux qu’elle pose une menace pour la «sécurité».

Les entreprises américaines qui lui fournissaient des puces informatiques sont désormais interdites de le faire. L’interdiction a été étendue aux entreprises d’autres pays en les menaçant d’interrompre leurs propres approvisionnements auprès des entreprises américaines si elles continuent à vendre des composants à Huawei. Et il y a la menace toujours présente que les entreprises qui défient les directives américaines soient exclues du système financier mondial en raison de la prééminence du dollar.

Les entreprises américaines s’étant vu interdire de traiter avec Huawei, Google a cessé de proposer des services tels que Gmail et YouTube sur ses téléphones. Alors qu’il était autrefois le premier fournisseur de smartphones au monde, Huawei n’est même plus dans les cinq premiers fournisseurs.

L’effondrement de l’ancien modèle d’avancée économique de la Chine, basé en grande partie sur le développement de la propriété, et les barrières érigées par l’impérialisme américain à un modèle basé sur le développement des hautes technologies contiennent le potentiel d’une crise économique majeure.

La perspective du régime dit du «socialisme aux caractéristiques chinoises», basé sur le capitalisme, s’est avérée être une chimère et les problèmes économiques croissants conduiront à l’éruption des luttes sociales et politiques de la vaste classe ouvrière chinoise.

(Article paru en anglais le 7 octobre 2021)

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