Une mère canadienne dénonce l’impact dévastateur de la politique d’ouverture des écoles pratiquée en pleine pandémie de COVID-19

Angel est une mère de famille de la classe ouvrière habitant à Burnaby, en Colombie-Britannique. Préoccupée par l’absence de mesures de sécurité adéquates dans les écoles, elle garde son fils de 6 ans, qui est autiste, et sa fille de 8 ans à la maison depuis le début de la pandémie. Elle a parlé franchement avec les reporters du World Socialist Web Site Laurent Lafrance et Ken Lagerfeld de l’état de la pandémie en Colombie-Britannique.

Angel, mère de famille britanno-colombienne

Si l’Alberta est actuellement la province canadienne la plus durement touchée par la quatrième vague de la pandémie, la Colombie-Britannique et la Saskatchewan ont également connu une augmentation alarmante du nombre de cas quotidiens de COVID-19, et d’hospitalisations et de décès reliés. Cette augmentation coïncide avec la réouverture totale des écoles à l’enseignement en classe et aux activités non essentielles. Alors que la Colombie-Britannique enregistrait 30 cas quotidiens le 12 juillet, les chiffres ont commencé à grimper en août pour atteindre plus de 800 cas à la fin du mois de septembre.

Tout au long de la pandémie, le gouvernement du Nouveau Parti démocratique (NPD) dirigé par John Horgan a refusé de fournir des rapports transparents sur le nombre et la localisation des infections à la COVID-19 dans les écoles de la Colombie-Britannique. La Dre Bonnie Henry, responsable provinciale de la santé en Colombie-Britannique, a toutefois été récemment forcée d’admettre que les cas chez les enfants d’âge scolaire sont en train de monter en flèche, avec plus de 50 enfants sur 100.000 âgés de cinq à onze ans actuellement officiellement infectés.

Dans ces conditions, Angel a exprimé son soutien total à la grève scolaire du 1er octobre lancée par Lisa Diaz, une mère britannique. «Les parents doivent se lever et faire entendre leur voix, déclare Angel. Je la suis sur Twitter, et elle est l’écho du sentiment que les parents ne se sentent tout simplement pas en sécurité. J’aime ce mouvement.»

Angel explique ce qui a motivé son choix de garder ses enfants à la maison pendant la pandémie. «Lorsque la pandémie a commencé, nous n’étions vraiment pas à l’aise pour envoyer nos enfants à l’école, alors nous avons opté pour l’enseignement à distance, a-t-elle expliqué. J’espérais ramener les enfants à l’enseignement présentiel cette année, car tous les adultes à la maison sont vaccinés, mais il n’y a pas de port du masque obligatoire pour leur groupe d’âge. En outre, la ventilation est mauvaise et aucune distanciation sociale n’est pratiquée. Les mesures d’atténuation mises en place dans les écoles sont pratiquement nulles. L’apprentissage à distance est certes une option en Colombie-Britannique, mais le soutien aux parents est très limité.»

Angel a également condamné l’hypocrisie et l’imprudence de la réponse du gouvernement provincial néo-démocrate à la pandémie. Elle a expliqué le rôle des responsables de la santé publique dans la tromperie de la population et le découragement d’une approche sûre. «La Dre Bonnie Henry, responsable provinciale de la santé publique, est devenue une sorte de figure de proue internationale à l’avant-garde de notre réponse à la pandémie, a commenté Angel. Les messages diffusés en Colombie-Britannique minimisent la gravité de la pandémie. Les médias et le gouvernement répètent constamment des phrases telles que “ Soyez gentils, soyez calmes et restez en sécurité”. Mais en tant que personne vivant en Colombie-Britannique, je ne me sens pas calme, la gentillesse n’est pas au rendez-vous et la sécurité n’est pas assurée. Il a même fallu beaucoup de temps pour imposer le port du masque, la Dre Henry affirmant que les masques “ne sont pas si efficaces”. Dans les écoles, comme dans la communauté, le discours tenu est faible et peu convaincant: on dit que c’est “recommandé”, mais on ne dit jamais vraiment “c’est ce qu’il faut faire”. Et c’est pourquoi beaucoup de gens ne suivent pas les règles. Ils ne les prennent tout simplement pas au sérieux.»

Un reportage diffusé sur le réseau de télévision CTV le 8 octobre intitulé «Les enfants font face à un risque d’infection à coronavirus similaire à celui des adultes» fait voler en éclat le mensonge dont les parents ont été abreuvés par les gouvernements du monde entier, selon lequel leurs enfants non vaccinés sont beaucoup moins susceptibles d’attraper la COVID que les adultes. «L’étude démontre que depuis toujours, les enfants de tous âges, y compris les nourrissons et les tout-petits, présentent un risque similaire de contracter le SRAS-CoV-2, indique le rapport, qui poursuit en concluant: Si l’on veut tirer les leçons de notre expérience collective et si l’on accepte de reconnaître le rôle des enfants dans la transmission des infections virales respiratoires, alors les populations pédiatriques, des nourrissons aux adolescents, doivent être incluses dans la préparation à la pandémie dès le premier jour.»

Angel connaissait déjà ce fait scientifiquement prouvé. «Il est tellement évident pour moi que tout le monde, partout, devrait porter des masques, en limitant les endroits où ils vont, et que les écoles devraient être fermées ou au moins être hybrides, nous dit-elle. Il devrait y avoir des messages qui encouragent les gens à faire ce qu’il faut, mais ici, c’est plus une attitude de “débrouille-toi tout seul”».

En outre, elle note que le gouvernement a abandonné tout effort pour mettre en œuvre des mesures de santé publique de base telles que le dépistage systématique de masse, la recherche des contacts et l’isolement, commentant: «Vous ne pouvez pas vous faire dépister en Colombie-Britannique à moins d’avoir des symptômes, et en plus c’est une série de symptômes spécifiques que vous devez avoir. Il y a deux à trois heures d’attente pour passer un test de COVID. Ils ont fermé près de la moitié des endroits où l’on pouvait passer un test de COVID. Personnellement, je dois prendre un bus de transport en commun, puis je dois faire une heure de route pour obtenir un test de dépistage de la COVID. Je dois faire la queue pendant deux heures et il faut attendre deux jours avant de recevoir son résultat.» Elle ajoute que le gouvernement fait la promotion de sociétés privées sur son propre site internet. «Sur le site de BC Centre for Disease Control (BCCDC), il y a une page où ils font la promotion d’au moins trois endroits où vous pouvez obtenir un test rapide moyennant 250 à 500 dollars. Donc, les tests rapides que la Colombie-Britannique a reçus ont été vendus à des entreprises privées et sont maintenant vendus à des personnes qui voyagent.»

Après que les reporters du WSWS aient expliqué ce qui doit être fait selon la science pour éradiquer le virus, comme la fermeture des écoles et de la production non essentielle avec un soutien financier total pour les travailleurs, Angel s’est montrée entièrement d’accord. «Je suis d’accord avec vous sur le fait que nous devons fermer les choses et arrêter la COVID dans son élan, déclare-t-elle. Oui, la COVID peut être éradiquée en deux ou trois mois selon les scientifiques.» Soulignant l’état désastreux du système de santé en Colombie-Britannique, elle poursuit: «Regardez ce qui se passe en Alberta. Mais le système de santé est encore pire en Colombie-Britannique. Je suis parfaitement consciente que si quelqu’un chez moi a besoin de soins d’urgence, il peut s’écouler des heures avant qu’une ambulance arrive.»

Les gouvernements provinciaux, fédéral, et des autres pays capitalistes avancés d’Europe et d’Amérique du Nord ont opté pour une stratégie d’atténuation permettant au virus de se propager et potentiellement de muter, tout en maintenant les hôpitaux et leur personnel au point de rupture ou près de celui-ci. Le gouvernement fédéral de Justin Trudeau, au nom de l’oligarchie financière, a renfloué les banques et les grandes entreprises avec plus de 650 milliards de dollars lors du premier confinement limité de mars 2020. Dès que le renflouement a pris fin, la classe dirigeante a fait pression pour la réouverture entière de l’économie. Les écoles ont été rouvertes pour que les parents puissent être renvoyés au travail pour générer des profits pour les élites. Les gouvernements provinciaux de Doug Ford en Ontario, de Jason Kenney en Alberta et de François Legault au Québec sont à l’avant-garde de la campagne de réouverture des écoles.

Angel est «d’accord à 100 %» lorsqu’on lui demande si le gouvernement de la Colombie-Britannique avait donné la priorité au soutien des sociétés plutôt qu’au sauvetage des vies humaines, comme c’est le cas dans le reste du Canada. «Il s’agit de garder l’économie ouverte, ajoute-t-elle. John Horgan s’est vanté que nous sommes les seuls à avoir gardé les écoles ouvertes et à avoir gardé l’économie ouverte! Les néo-démocrates de la Colombie-Britannique sont des criminels. Ils ne sont motivés que par les profits.»

Angel convient également que le NPD soutenu par les syndicats, malgré ses prétentions progressistes ou «de gauche», est fondamentalement un parti de droite propatronal. «Ce n’est pas seulement la pandémie!» déclare-t-elle. Mentionnant la crise des opioïdes, qui est une véritable catastrophe sociale dans certaines parties de la Colombie-Britannique, elle déclare: «La pandémie est la première fois que j’ai prêté attention au NPD de la Colombie-Britannique, mais au cours des deux dernières années, j’ai eu le temps de m’informer sur l’autre crise à laquelle la Colombie-Britannique est confrontée, la crise des opioïdes, qui n’est même pas abordée. Des centaines de personnes meurent de surdose chaque année en Colombie-Britannique, et le NPD décharge le tout sur le gouvernement fédéral en disant: «Oh, c’est une question de légalisation». Pas vrai. Lorsque vous regardez les surdoses, c’est une question de santé mentale et si vous regardez les services de santé en Colombie-Britannique, ils sont gravement sous-financés. Il faut des mois avant de pouvoir voir un professionnel en santé mentale.

«Et c’est pareil avec l’environnement. Regardez la déforestation en Colombie-Britannique. Les entreprises, avec le soutien du gouvernement, abattent des arbres géants anciens. C’est la même chose! Et en plus, ils ont déclenché une élection surprise en pleine pandémie l’an dernier, uniquement pour s’assurer de rester quatre années de plus au pouvoir. Personne ne voulait de ces élections!»

Lorsqu’on lui demande si elle pense que les travailleurs de la Colombie-Britannique seraient intéressés par un véritable parti de gauche qui défendrait les travailleurs et parlerait des véritables problèmes auxquels ils sont confrontés, comme la pandémie, la crise sociale et les inégalités criantes en matière de richesse et de revenu, Angel répond: «Absolument. Nous avons besoin d’une voix différente ici. Ce serait bien d’entendre une voix qui parle pour le petit monde. Nous avons aussi beaucoup de sans-abri et de personnes marginalisées, beaucoup d’immigrants. Ces voix ne sont pas entendues ici et sont balayées sous le tapis.»

C’est alors que Mike, le partenaire d’Angel, qui écoutait la discussion, est intervenu: «Les inégalités sociales ne cessent de se creuser, parce que les gens qui ont de l’argent font tout pour s’assurer qu’ils ne perdent pas d’argent. C’est à peu près comme si nous avions un “socialisme de riches” ici. Toutes les protections sont là pour eux. Pas pour la plupart des gens, juste pour la minorité qui a de l’argent. Et c’est intergénérationnel.

C’est fou de voir de telles choses se produire au Canada, poursuit Mike. Les affaires qu’on entend depuis des décennies genre “ça n’arrive pas au Canada ces choses-là”, comme les enfants qui meurent de maladie. Eh bien, ça arrive maintenant à tous les jours. Et si rien ne change, cela va continuer à se développer, et les gens vont être de plus en plus malheureux... Il faut vraiment que ça change.»

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Le World Socialist Web Site et l’Alliance ouvrière internationale des comités de base organisent un séminaire en ligne intitulé «Comment mettre fin à la pandémie: les arguments en faveur de l’éradication» le dimanche 24 octobre, à 13h, heure de l’Est. Nous encourageons tous ceux qui, comme Angel, s’opposent à la réponse homicide de l’élite dirigeante à la pandémie de la COVID-19, d’y assister et à promouvoir l’activité auprès de leurs amis et collègues de travail. Pour assister à ce webinaire, inscrivez-vous ici.

(Article paru en anglais le 12 octobre 2021)

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