Grande-Bretagne: le rapport parlementaire sur la pandémie, la première ébauche d’une tentative politique de dissimulation

Le rapport conjoint des comités restreints de la Chambre des communes sur la santé et les services sociaux et sur la science et la technologie portant sur la réponse du gouvernement britannique à la pandémie est une fraude méprisable.

Les journalistes et les comités de rédaction qui proclament avec enthousiasme que le document est «accablant», «dévastateur» et le début d’une «reddition de compte» colportent un mensonge insidieux.

La pandémie de coronavirus est la plus grande catastrophe infligée à la population mondiale par les gouvernements capitalistes depuis la Seconde Guerre mondiale. La Grande-Bretagne, l’un des principaux promoteurs de la politique d’immunité collective et le lieu de plus de 160.000 décès à ce jour, compte en son sein certains de ses principaux architectes. Aujourd’hui, ils déploient une politique d’infection de masse, faisant des milliers de morts, dont des enfants, et menacent le monde avec le développement de nouveaux variants dangereux.

Chaque ligne du rapport conjoint est conçue pour minimiser et masquer cette réalité. Un aveu partiel de certaines «erreurs» est utilisé pour dissimuler ce qui était des crimes délibérés d’une portée et d’une conséquence stupéfiantes. Ses intentions dociles sont résumées dans le titre, «Coronavirus: leçons apprises à ce jour».

Le rapport des comités restreints de la Chambre des communes sur la santé et les services sociaux et sur la science et la technologie, «Coronavirus: leçons apprises à ce jour»

Le mythe de la «pensée de groupe» et de la modélisation erronée basée sur la «grippe»

L’affirmation centrale des auteurs est que la catastrophe au Royaume-Uni a été le résultat d’une «pensée de groupe» parmi les ministres du gouvernement et les conseillers scientifiques, qui pensaient tous en termes de pandémie de grippe plutôt que de SRAS-CoV-2. Ils écrivent: «La planification pandémique du Royaume-Uni était trop étroite et rigidement basée sur un modèle de grippe qui n’a pas tiré les leçons du SRAS, du MERS et d’Ebola.

Le mensonge s’ajoute à la déformation, qui s’ajoute à l’omission.

Les exercices pour une pandémie de grippe n’auraient pas dû rassurer ou amener à la complaisance. L’exercice Cygnus, réalisé en 2016 et mentionné dans le rapport, a mis en garde contre une surmortalité de 200.000 à 400.000 personnes. L’exercice Winter Willow en 2007, et la stratégie de préparation à la grippe du Royaume-Uni de 2011 qui en a découlé, avait prévenu que de 210.000 à plusieurs millions de décès étaient possibles.

Quant à l’affirmation selon laquelle un type différent de pandémie virale était imprévu, le rapport omet toute référence à l’exercice Alice, réalisé en 2016, qui envisageait une réponse à une épidémie de syndrome respiratoire du Moyen-Orient (MERS-CoV). Le rapport de 23 pages avait mis en garde contre le développement rapide d’une «épidémie à grande échelle» et avait recommandé des réserves plus importantes d’EPI, un système étendu de recherche des contacts et le dépistage des voyageurs en provenance de l’étranger.

Non seulement les avertissements de tous ces exercices de modélisation ont été ignorés, mais le National Health Service (Service national de santé, NHS), le secteur de l’aide sociale et les infrastructures de santé publique ont été démantelés au point qu’ils ne pouvaient plus réagir adéquatement. Le rapport ne fait qu’une seule référence en passant à la «capacité latente limitée» dans le NHS. Ce n’est pas surprenant, étant donné que le président du comité de la santé et des services sociaux est l’ancien secrétaire conservateur à la santé Jeremy Hunt, qui a supervisé les coupes brutales et les privatisations radicales du NHS pendant six ans sous le premier ministre de l’époque, David Cameron.

Le mensonge du «suivre la science»

La deuxième ligne de défense offerte au gouvernement est que sa stratégie «reflétait les avis scientifiques officiels». La politique consistant à chercher à «modérer la vitesse d’infection dans la population – celle d’aplatir la courbe... a été poursuivie jusqu’au 23 mars [le premier confinement] en raison des avis scientifiques reçus par le gouvernement, et non malgré ceux-ci».

C’est de la diffamation contre des scientifiques sérieux et consciencieux, qui ont averti dès le début que des mesures de santé publique de grande envergure étaient nécessaires pour éviter une catastrophe. Ces avertissements ont informé les écrits du Comité international de la Quatrième Internationale, qui a publié une déclaration sur le World Socialist Web Site le 28 février appelant à une «réponse coordonnée à l’échelle mondiale» et tirant la sonnette d’alarme que «le danger ne peut être surestimé».

Le rapport conjoint fait référence à plusieurs reprises à «l’approche plus emphatique et rigoureuse pour arrêter la propagation du virus adoptée par de nombreux pays d’Asie de l’Est et du Sud-Est», évitant soigneusement toute référence directe aux succès de la Chine pour contenir la maladie grâce à un confinement qui était anathème au gouvernement du premier ministre Boris Johnson.

Le premier ministre britannique Boris Johnson, au centre, le médecin-chef pour l’Angleterre Chris Whitty, à gauche, et le conseiller scientifique en chef sir Patrick Vallance (à droite) s’expriment lors d’une conférence de presse à Downing Street le 3 mars 2020. (AP Photo/Frank Augstein, Pool)

Le gouvernement n’a écouté que les scientifiques qu’il souhaitait entendre, y compris ses principaux conseillers, le médecin-chef, le professeur Chris Whitty, le directeur scientifique sir Patrick Valance et les membres du Groupe scientifique consultatif pour les urgences (SAGE).

Leurs actions étaient si scandaleuses qu’un groupe «SAGE indépendant» a été créé en mai 2020 pour offrir une alternative au programme mortel du gouvernement.

Le refus d’un confinement n’était pas une politique universellement acceptée, mais la seule politique acceptable pour un gouvernement déterminé à maintenir le flux des profits, même au prix de centaines de milliers de vies. Le 2 mars, trois semaines avant le confinement éventuel, SAGE a déclaré au gouvernement que la COVID-19 circulait largement et a donné une estimation de 250.000 à 500.000 décès sans interventions.

Le déni d’une politique d’«immunité collective»

Conscients de ses implications politiques incendiaires, les auteurs du rapport tentent de nier qu’il n’y ait jamais eu une stratégie d’immunité collective consciemment poursuivie. Les preuves au contraire sont cependant si accablantes qu’ils sont obligés de présenter un récit risible mieux décrit comme «l’immunité collective par erreur».

La stratégie du gouvernement est décrite comme une «grave erreur» inspirée d’une «approche fataliste», qui «revenait en pratique à accepter que l’immunité collective par infection était le résultat inévitable». Mais le rapport affirme qu’il serait «exagéré de dire que le gouvernement et ses conseillers faisaient la promotion de l’acquisition de la COVID-19 pour accélérer l’immunité collective de la population».

Personne ne sera convaincu par cela. Le rapport a même le culot de citer Vallance, qui à l’époque déclara franchement le 12 mars 2020, qu’«il n’est pas possible d’empêcher tout le monde de l’attraper et ce n’est pas non plus souhaitable car vous voulez une certaine immunité dans la population», pour ensuite justifier cela comme étant sa manière à lui de «simplement énoncer ce que l’on pensait être les faits à l’époque». Son maître politique, Johnson, avait déclaré aux journalistes quelques jours plus tôt que «l’une des théories est que vous pourriez peut-être le prendre de plein fouet, tout prendre en une seule fois et permettre à la maladie, pour ainsi dire, de se propager dans la population».

Les «faits», tels qu’ils sont énumérés dans le rapport, répertorient les résultats lamentables des propres échecs du gouvernement – «aucune perspective ferme d’un vaccin, capacité de test limitée» – et une réaffirmation de sa propre justification calomnieuse pour s’opposer à un confinement, «l’opinion généralisée que le public n’accepterait pas un confinement pour une durée significative.»

Le seul «fait» qui comptait pour le gouvernement conservateur était l’impact d’un confinement sur les marchés boursiers. Une politique délibérée de meurtre social a été mise en œuvre pour empêcher cela. Elle n’a été abandonnée que face à l’importante colère populaire devant l’effondrement imminent des services de santé: un délai qui, selon le rapport, se classe comme «l’un des échecs de santé publique les plus importants que le Royaume-Uni ait connus».

Il admet également que: «L’autorisation de sortir des personnes âgées des hôpitaux du NHS pour les ramener dans des maisons de soins sans les avoir testées au début de la pandémie – bien que compréhensible car le NHS se préparait à accepter une vague de patients covid – a eu pour conséquence involontaire de contribuer à la propagation de la maladie dans les maisons de soin.»

Que cachent ces phrases anodines? Le rapport note: «L’ancien membre du SAGE, le professeur Neil Ferguson, a déclaré au comité des sciences et de la technologie que si le confinement national avait été institué une semaine plus tôt nous aurions réduit le nombre final de morts d’au moins la moitié». Cela signifie une estimation prudente de 26.000 décès supplémentaires. Entre 20.000 et 30.000 personnes sont décédées dans les maisons de soins.

Pas étonnant que le rapport déclare pathétiquement: «Il est important de noter que toutes les décisions prises au cours de ces premières semaines ont été prises dans un brouillard d’incertitude.»

L’apologie de l’immunité collective pendant la deuxième vague

Avec l’arrivée pendant l’hiver de la deuxième vague au Royaume-Uni, le rapport ne peut plus prétendre que le gouvernement suivait le moindre conseil scientifique. Ces mois, qui ont fait 32.000 morts de plus que la première vague, sont esquivés à la hâte. Johnson et ses conspirateurs sont excusés pour avoir été «trop optimistes dans leur hypothèse que le pire était derrière nous pendant les mois d’été de 2020».

En réalité, à ce stade, l’immunité collective était si férocement poursuivie que Johnson criait en octobre, alors même que les cas augmentaient inexorablement en raison du variant Delta: «Plus de putains confinement, laissez les corps s’entasser par milliers!» L’expression, qui résonne encore aux oreilles de tous les travailleurs au Royaume-Uni, n’est pas mentionnée.

Les dernières sections du rapport sont de la propagande éhontée pour la campagne de vaccination du gouvernement et constituent un appui à la réouverture des écoles et de l’économie, la troisième étape de la politique d’immunité collective de Johnson, une politique d’infections et de morts en masse.

Ses auteurs écrivent de manière écœurante comment «Le succès du programme de vaccination a racheté bon nombre des défaillances persistantes d’autres parties de la réponse nationale» et se vantent que «Le gouvernement a identifié avec prévoyance qu’un vaccin serait la voie à long terme pour sortir de la pandémie».

La vérité est que le gouvernement a décidé que les vaccins pourraient être utilisés comme prétexte pour l’abandon, scientifiquement injustifiable, des mesures de santé publique pour contrôler et éliminer la pandémie, justifiant la réouverture complète de l’économie. Comme le rapport s’en vante, «Au Royaume-Uni seulement, le déploiement réussi de vaccins efficaces a permis […] une reprise d’une grande partie de la vie normale».

En fait, les vaccins n’ont pas été déployés avec succès parmi les trois millions d’enfants du pays âgés de 12 à 15 ans, dont des centaines de milliers sont maintenant infectés. Le programme de vaccination pour ce groupe d’âge n’a commencé qu’après la réouverture complète des écoles et n’a atteint jusqu’à présent que 10 pourcents des élèves. Un retour à une «vie normale», sans mesures de santé publique, a conduit à au moins 40.000 infections par jour, des décès toujours par centaines chaque semaine et une moyenne quotidienne de plus de 700 hospitalisations dues à la COVID, menaçant le développement de nouveaux variants et compromettant ainsi les campagnes de vaccination dans le monde entier.

La complicité du Parti travailliste, des syndicats et du SNP

Le rapport conjoint s’inscrit dans la continuité du complot politique qui a maintenu le gouvernement Johnson au pouvoir tout au long de la pandémie. Les comités restreints de la santé et des services sociaux et des sciences et technologies sont dirigés par des conservateurs, mais sont considérés comme étant impartiaux car ils comprennent des députés travaillistes et du Parti national écossais.

Aucun de ces partis ne s’est prononcé contre les conclusions du document. Et ceci pour de bonnes raisons. Le Parti travailliste, avec les syndicats, est membre d’une alliance de fait avec Johnson depuis le début, de la participation secrète du leader travailliste Jeremy Corbyn aux discussions du gouvernement sur l’immunité collective aux demandes de Starmer pour la réouverture des écoles et son soutien à chaque décision importante sur la pandémie – au nom de la «critique constructive».

Le rapport conjoint rappelle en outre au SNP, qui essaie de prendre une pose plus indépendante, que la politique de ralentir plutôt que d’arrêter la propagation de la maladie a été «adoptée par les gouvernements de toutes les nations du Royaume-Uni».

Pour ces organisations pitoyables, les «leçons apprises à ce jour» de la pandémie sont qu’elles peuvent s’en tirer en toute impunité.

Le rapport est une bande-annonce de l’exercice de dissimulation qui sera inévitablement produit par l’enquête publique promise par Johnson l’année prochaine, si jamais elle a lieu.

Pour les travailleurs, la leçon à tirer est que la fin de la pandémie exige une lutte politique contre les partis du capital, quelle que soit leur coloration formelle, et contre les syndicats décidés à réprimer une telle lutte, par la seule force sociale qui puisse mener de front un tel combat, la classe ouvrière britannique et internationale.

Le 24 octobre, l’Alliance ouvrière internationale des comités de base et le World Socialist Web Site organisent une réunion mondiale en ligne réunissant des scientifiques et des épidémiologistes de premier plan qui définiront la seule stratégie efficace pour éliminer la COVID-19: l’éradication, qui nécessite le déploiement de tout l’arsenal de mesures de lutte contre la COVID, coordonné à l’échelle mondiale. Il fera de cette arme vitale du savoir scientifique la propriété des travailleurs du monde entier, représentés à la réunion par ceux qui sont impliqués dans les comités de base au niveau international, qui parleront de leurs expériences pendant la pandémie, des luttes qu’ils ont menées, et poseront des questions au panel de scientifiques. Le Parti de l’égalité socialiste encourage vivement les travailleurs et les jeunes du monde entier à s’y inscrire et à assister à cet événement crucial.

(Article paru en anglais le 13 octobre 2021)

Loading