Une étude montre que la réouverture des écoles à Manaus, au Brésil, a donné naissance au variant Gamma

Alors que les écoles rouvrent leurs portes dans le monde entier, leur rôle de vecteur de propagation du nouveau coronavirus est de plus en plus évident, un nombre croissant d’enfants étant infectés et mourant.

Aux États-Unis, après la réouverture des écoles, la première semaine de septembre a enregistré une augmentation de 240 pour cent des cas chez les enfants par rapport à la fin du mois de juillet. Au cours des deux derniers mois, 164 enfants sont morts du COVID-19 aux États-Unis, soit une moyenne de près de trois décès par jour.

Au Brésil, les enfants et les jeunes de moins de 19 ans représentaient 2,5 pour cent des cas et 0,6 pour cent des décès dus au COVID-19 en décembre 2020. Fin août de cette année, un mois après la plus grande réouverture des écoles depuis le début de la pandémie, ces chiffres sont passés à 17 pour cent et 1,5 pour cent, respectivement. Le Brésil a enregistré le décès de 2.398 enfants et jeunes de moins de 19 ans à cause du COVID-19, soit le nombre le plus élevé au monde.

Des employés de cimetière placent des croix sur une tombe commune après avoir enterré cinq personnes au cimetière de Nossa Senhora Aparecida à Manaus, Brésil. (AP Photo/Felipe Dana)

Cela se produit en dépit de plusieurs études publiées dans les plus grandes revues scientifiques du monde qui ont mis en garde contre le rôle des écoles et des enfants comme vecteurs de transmission du virus. Cette expérience criminelle avec la vie humaine – en particulier celle des enfants, le secteur le plus vulnérable de la société, qui devrait être le mieux protégé face à une pandémie encore hors de contrôle – est une condamnation de l’ensemble de l’élite dirigeante mondiale. Elle a refusé de mettre en œuvre des mesures largement connues de la science afin de garantir ses intérêts lucratifs.

Une étude publiée fin août dans le Journal of Public Health Policy a apporté un éclairage supplémentaire sur le rôle des écoles dans la dynamique de la pandémie. Dirigée par le chercheur Lucas Ferrante, du renommé Institut national de recherche amazonienne (INPA), cette étude intitulée «Comment le président brésilien a fait du pays un épicentre mondial du COVID-19» a montré que la réouverture des écoles de Manaus, capitale de l’État d’Amazonas, en septembre de l’année dernière, a donné naissance au variant Gamma, plus contagieux. C’est ce variant qui a déclenché la deuxième vague en mars-avril de cette année et a été responsable des deux tiers des plus de 600.000 décès dus au COVID-19 enregistrés au Brésil.

Manaus peut être considéré comme le plus grand laboratoire à ciel ouvert du monde pour le nouveau coronavirus. À deux reprises, la ville a été le symbole de la réponse négligente et criminelle de l’élite dirigeante brésilienne à la pandémie, exprimée de la manière la plus virulente par le président fasciste Jair Bolsonaro et son allié local, le gouverneur Wilson Lima.

Lors de la première vague, en avril-mai 2020, Manaus a choqué le monde après avoir été la première ville brésilienne à commencer à enterrer les morts du COVID-19 dans des fosses communes. Lors de la deuxième vague, en janvier de cette année, le monde a assisté avec horreur à la mort de patients par manque d’oxygène, tandis que le gouvernement fédéral faisait pression sur la ville pour qu’elle utilise l’hydroxychloroquine et l’ivermectine sur les patients atteints de COVID-19, deux médicaments dont la science avait déjà démontré l’inutilité.

Mobilité urbaine à Manaus (Crédit: Note technique: Réévaluation de la pandémie de COVID-19 à Manaus et nécessité de mesures restrictives pour contenir la troisième vague)

Selon l’article, «le retour aux cours en présentiel le 24 septembre 2020 peut être considéré comme l’un des éléments déclencheurs de la deuxième vague.» Trois semaines plus tard – une période qui correspond au cycle viral – «le nombre d’hospitalisations avait doublé, suivi d’une augmentation plus progressive depuis l’effondrement sanitaire de décembre 2020».

Dans une note technique référencée dans l’article, dans laquelle le modèle épidémiologique qui soutient leurs conclusions est présenté en détail, les auteurs montrent que la mobilité des transports publics à Manaus juste après la rentrée des classes a augmenté de 20 pour cent. À la mi-décembre, lorsque l’année scolaire s’est terminée, des augmentations de plus de 40 pour cent ont été enregistrées dans la mobilité urbaine à Manaus.

Sur la base du modèle SEIRS (Susceptible-Exposé-Infecté-Recouvert et à nouveau Susceptible), largement utilisé par les épidémiologistes du monde entier, l’article indique que la réouverture des écoles a non seulement provoqué la deuxième vague à Manaus mais a également conduit à «l’émergence du variant Gamma qui a potentialisé la crise et s’est rapidement propagé dans tout le Brésil».

Le modèle SEIRS prend en compte différents paramètres pour comprendre la dynamique de la pandémie et faire des prédictions. Parmi ces paramètres figurent, comme son nom l’indique, le nombre de personnes susceptibles d’être infectées, le nombre de personnes connues qui ont été infectées et le nombre de personnes qui ont guéri, ainsi que la mobilité urbaine, le temps pendant lequel la personne infectée peut transmettre le virus et le taux de reproduction virale.

Mais ce modèle prédictif peut aussi être utilisé de manière rétrospective, en modifiant ses paramètres pour voir ce qui a déterminé la situation actuelle de la pandémie. C’est ce qu’a fait cette étude. Comme le montre le graphique ci-dessous, le nombre d’hospitalisations quotidiennes à Manaus (jaune) est mieux estimé lorsque l’on considère la circulation d’un variant deux fois plus infectieux (ligne bleue), comme le variant Gamma, que celle du variant original (ligne verte), responsable de la première vague. Ainsi, selon l’étude, il est possible de vérifier que la date d’émergence du variant Gamma coïncide avec l’augmentation de la mobilité urbaine provoquée par la réouverture des écoles.

Hospitalisations quotidiennes de COVID-19 enregistrées à Manaus (jaune); hospitalisations quotidiennes de COVID-19 estimées par le modèle SEIRS (ligne noire); hospitalisations par la souche originale estimées par le modèle SEIRS (ligne verte); hospitalisations par la souche P.1 (Gamma) estimées par le modèle SEIRS (ligne bleue) (Crédit: Note technique: Réévaluation de la pandémie de COVID-19 à Manaus et nécessité de mesures restrictives pour contenir la troisième vague)

La note technique indique que cette constatation est étayée par des analyses phylogénétiques effectuées par le principal institut épidémiologique brésilien, le FIOCRUZ. Selon ce dernier, aucun cas du variant Gamma n’a été détecté à Manaus en novembre 2020, tandis qu’en décembre, la prédominance du variant dans la ville était de 51 pour cent. À la fin du mois de janvier de cette année, au plus fort de la deuxième vague, ce chiffre atteignait 91 pour cent. Grâce à cela, les chercheurs ont pu exclure «la possibilité que le variant gamma ait été généré soit par les élections de novembre 2020, soit par les fêtes du Nouvel An», des événements qui n’ont fait qu’augmenter la transmission communautaire.

Le modèle SEIRS, conclut la note technique, a montré que «la deuxième vague avait déjà commencé en octobre, et a été alimentée par l’émergence du variant P.1 [Gamma] en novembre.» Par conséquent, la cause de cette deuxième vague et de «l’émergence du variant P.1 [Gamma] par des mutations dues à l’augmentation de la circulation virale (…) avec l’augmentation de la circulation urbaine qui a eu lieu à Manaus à partir du 24 septembre 2020 [a été] le retour aux cours en présentiel».

Les résultats de l’étude renforcent également la compréhension du rôle actif des enfants dans la propagation du virus. En effet, une étude publiée en février dans Scientific Reports a montré que «les charges virales chez les enfants ne diffèrent pas significativement de celles des adultes». Tandis qu’une autre étude menée par des chercheurs de l’Université de Montréal et de l’Université George Washington a révélé que les infections chez les enfants précédaient celles des adultes. Cela indique qu’ils infectaient leurs parents.

Dans une condamnation politique des gouvernements fédéral et local, l’article affirme que «l’émergence du variant gamma à Manaus s’est produite en raison de la stratégie du gouvernement qui consistait à encourager la contagion des enfants avec le retour des cours en présentiel afin que la population atteigne une immunité collective».

Récemment, les révélations de la Commission d’enquête parlementaire (CPI) du Sénat brésilien, qui a enquêté sur la réponse du gouvernement fédéral à la pandémie, ont également corroboré ce constat. Le rapport de la CPI, qui sera voté la semaine prochaine, accuse Bolsonaro de 11 crimes, notamment de «charlatanisme» en promouvant des médicaments sans efficacité contre la COVID-19, d’«épidémie entraînant la mort», de «crime contre l’humanité» et de «crime commis par omission».

Le fondement de ces accusations est l’action délibérée de Bolsonaro qui a laissé le virus se répandre afin que la population acquière une immunité collective par l’infection, ce que la science a depuis longtemps exclu avec une maladie aussi infectieuse et mortelle que le COVID-19. Au Brésil, selon une étude menée par l’épidémiologiste Pedro Hallal, de l’Université fédérale de Pelotas, cela a entraîné 400.000 décès qui auraient pu être évités si des mesures d’isolement social avaient été mis en œuvre et si l’on avait acquis les vaccins plus tôt.

La politique d’immunité collective du gouvernement brésilien, selon l’article sur Manaus, a également menacé le monde, mettant en péril «le contrôle de la pandémie à l’échelle mondiale, car, si des variants résistants aux vaccins apparaissaient au Brésil, cela mettrait en échec les programmes de vaccination des autres pays». Il conclut: «Ce n’est pas un scénario purement hypothétique, car au cours des deux derniers mois seulement, trois nouveaux variants ont été identifiés au Brésil, qui compte actuellement au moins 92 souches en circulation et peut être considéré comme un foyer de nouveaux variants du SRAS-CoV-2».

Les actions de Bolsonaro, qui représente le plus crûment toute la barbarie d’un système qui place le profit au-dessus de la vie humaine, ont des références historiques claires. Pendant la pandémie, l’élite dirigeante mondiale a ressuscité les pires et les plus réactionnaires idéologies antiscientifiques qui ont justifié les guerres impérialistes et les dictatures fascistes – du malthusianisme au darwinisme social en passant par l’eugénisme – afin de normaliser les morts en masse. L’article inscrit fermement les actions de Bolsonaro dans cette tradition, en citant l’expert juridique Pedro Serrano, de l’Université catholique pontificale de São Paulo, qui a déclaré: «Dans le domaine de la philosophie politique et morale… Auschwitz était pour l’exercice du pouvoir politique en temps de guerre ce que Manaus est pour l’exercice du pouvoir politique dans les questions de santé».

D’autre part, tout l’effort scientifique mobilisé au niveau mondial pour lutter contre le virus mortel et sauver des vies tout au long de la pandémie a révélé tout le caractère progressiste de la science, qui a convergé avec les intérêts de la grande majorité de la population mondiale.

C’est sur cette base scientifique que le «World Socialist Web Site» et l’«Alliance internationale ouvrière des comités de base» (IWA-RFC), dont fait partie le Comité de base pour une éducation sûre au Brésil, ont préconisé la fermeture des écoles dans le cadre d’une stratégie d’éradication mondiale par la mobilisation indépendante de la classe ouvrière internationale. Pour faire avancer cette lutte, nous appelons tout le monde à participer à l’événement en ligne du 24 octobre «Comment mettre fin à la pandémie: Les arguments en faveur de l’éradication».

(Article paru d’abord en anglais le 20 octobre 2021)

Loading