Le secrétaire de l’OTAN appelle à une intensification de la campagne anti-Chine

S’exprimant lundi au Financial Times de Londres, le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, a demandé à l’alliance militaire d’intensifier ses menaces contre la Chine. Ses propos ont mis en évidence à la fois la politique extrêmement agressive menée par l’alliance de l’OTAN et les divisions explosives qui se font jour entre les puissances impérialistes de l’OTAN.

Le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, s’adresse à la session annuelle de l’Assemblée parlementaire de l’OTAN dans un hôtel de Lisbonne, le lundi 11 octobre 2021 (AP Photo/Armando Franca)

Stoltenberg s’est exprimé alors que les tensions montent entre Washington et l’Union européenne (UE), notamment la France, après la signature soudaine de l’alliance Australie-Royaume-Uni-États-Unis (AUKUS) contre la Chine. L’alliance, que Washington a négociée pendant des mois sans en avertir les puissances de l’UE, a conduit l’Australie à répudier un contrat de sous-marins de 56 milliards d’euros avec la France. Paris a brièvement retiré son ambassadeur aux États-Unis en signe de protestation et de hauts responsables français, relayés par plusieurs ministres des Affaires étrangères de l’UE, ont critiqué l’AUKUS.

Stoltenberg revenait d’une réunion avec Biden à Washington, où il a également pris la parole à l’université de Georgetown, exigeant de manière provocatrice que l’OTAN «s’active et fasse davantage» pour permettre aux pays situés aux frontières de la Russie de rejoindre l’alliance. Son interview au Financial Times était un message à peine déguisé de la Maison-Blanche appelant les puissances de l’UE à s’aligner sur la volonté de guerre croissante des États-Unis à l’égard de la Chine.

L’OTAN, Stoltenberg a insisté, devrait viser non seulement la Russie, mais aussi la Chine. Il a critiqué «toute cette idée de faire une distinction entre la Chine, la Russie, soit l’Asie-Pacifique ou bien l’Europe». Il a ajouté qu’«il s’agit d’un seul et même environnement de sécurité, et nous devons l’aborder tous ensemble… Il s’agit de renforcer notre alliance pour faire face à toute menace potentielle».

Il a dénoncé la Chine, affirmant qu’elle constituait une menace majeure pour la sécurité en Europe. «La Chine se rapproche de nous, par exemple en Afrique. Nous les voyons dans l’Arctique. Nous les voyons dans le cyberespace. Nous voyons la Chine investir massivement dans les infrastructures essentielles de nos pays. Bien sûr, le fait qu’ils ont de plus en plus d’armes à plus longue portée qui peuvent atteindre tous les pays alliés de l’OTAN… Ils construisent de très nombreux silos de missiles balistiques intercontinentaux à longue portée».

Il a annoncé que lors du sommet de l’OTAN de l’année prochaine à Madrid, l’OTAN ciblerait directement la Chine et discuterait du fait que la Chine pourrait dépasser les États-Unis en tant que première économie mondiale. «Je m’attends à ce que, lorsque nous nous réunirons à Madrid, la montée en puissance de la Chine, l’impact de la Chine et du déplacement de l’équilibre des forces sur l’OTAN seront traités en profondeur dans le nouveau document de concept stratégique, entre autres sujets. La Chine n’est pas mentionnée une seule fois dans le concept stratégique actuel de l’OTAN», a-t-il déploré.

Sur la question de l’UE, Stoltenberg a insisté sur le fait que, dans la mesure où elles dépensent des milliards de dollars supplémentaires pour leurs forces armées, les puissances européennes devraient éviter toute concurrence avec l’OTAN. «L’OTAN et l’UE travaillent ensemble, et nous ne devons créer aucune sorte de contradiction», a-t-il déclaré.

Interrogé sur les projets d’une armée européenne indépendante défendus par Berlin et Paris depuis l’élection de Donald Trump en 2016, Stoltenberg les a décrits comme des menaces potentielles pour la sécurité de l’OTAN: «Différentes interprétations existent de ce que cela [une armée européenne] signifie. (…) Si cela signifie plus de soldats européens, de cuirassés, de drones, d’avions de chasse, alors c’est quelque chose que nous saluons fortement et que nous demandons instamment. Si cela signifie de nouvelles structures en concurrence pour les mêmes capacités, alors cela portera atteinte à notre sécurité. Mais on m’a assuré que ce n’est pas ce qui est prévu. Nous n’avons donc pas besoin de nouvelles structures».

Il a également rejeté les préoccupations de Paris concernant l’AUKUS. «Je comprends que la France soit déçue... Mais en même temps, c’est un accord qui n’est pas dirigé contre l’Europe ou l’OTAN».

Le briefing de Stoltenberg pour une confrontation militaire avec la Chine est un paquet de mensonges et d’évasions cyniques. Premièrement, la menace de guerre, y compris de guerre nucléaire, vient avant tout de l’OTAN, pas de la Chine ou de la Russie. Depuis que la bureaucratie soviétique a dissout l’Union soviétique en 1991, l’OTAN n’a cessé d’étendre son champ d’action, menant des guerres sanglantes en Irak, en Yougoslavie, en Afghanistan, en Syrie, en Libye et au-delà qui ont coûté des millions de vies et laissé ces pays en ruines. L’OTAN déploie des troupes aux frontières de la Russie et de la Chine – dans les pays baltes, en Ukraine et en Afghanistan – et non l’inverse.

La vaste croissance de la Chine au cours de cette période, fondée sur la fourniture d’une main-d’œuvre bon marché aux multinationales des pays impérialistes, montre par contraste la stagnation et la corruption de l’impérialisme. Cela a été révélé de manière dévastatrice par la pandémie de COVID-19. Les puissances de l’OTAN ont réagi en renflouant les banques de milliers de milliards de dollars pour les super-riches, mais appellent à «vivre avec le virus», ce qui a conduit à des infections massives et à près de 2 millions de décès dus à la COVID-19. La Chine, qui a cherché à éliminer le virus, a subi beaucoup moins de bouleversements économiques et a maintenu le nombre de décès en dessous de 5.000.

Les travailleurs doivent être avertis: le bellicisme de l’OTAN menace non seulement de déclencher un conflit avec la Russie et la Chine, qui sont des puissances dotées de l’arme nucléaire, mais aussi des conflits entre l’Amérique et les puissances européennes qui, par deux fois au XXe siècle, ont dégénéré en guerre mondiale. En effet, les avertissements de Stoltenberg à l’UE ne sont que des versions plus polies des menaces américaines contre l’UE concernant ses plans militaires. En 2019, des responsables américains ont envoyé une lettre qui dénonçait une armée européenne comme un «recul immense» pour l’OTAN, menaçant l’UE de tarifs de guerre commerciale si elle n’abandonnait pas le projet.

Alors que Washington menace la Chine de la manière la plus agressive, les travailleurs ne peuvent soutenir aucune des factions impérialistes rivales de l’OTAN. Toutes ces puissances poursuivent leurs propres profits et leurs intérêts stratégiques par les mêmes méthodes. C’est la guerre à l’étranger et l’État policier au pays pour imposer la politique de «vivre avec le virus» et intensifier l’exploitation de la classe ouvrière. Cela apparaît très clairement dans les remarques des stratèges de la politique étrangère européenne.

Avant que Stoltenberg ne s’adresse au Financial Times, Thierry de Montbrial, directeur du groupe de réflexion de l’Institut français des relations internationales (IFRI), s’est exprimé dans le quotidien financier français Les Echos sur les tensions entre les États-Unis et l’Union européenne au sujet de la Chine. Thierry de Montbrial a déclaré: «La politique étrangère américaine est entrée dans une nouvelle phase depuis au moins Obama, pour des raisons objectives: la nécessité pour eux du “pivot” vers l’Asie. Ceux qui pensaient que l’élection de Joe Biden marquerait un retour au bon vieux temps se sont trompés. La Maison-Blanche est un peu plus polie, mais elle est tout aussi brutale».

Selon lui, cela a créé une divergence d’intérêts durable entre l’Amérique et l’Europe. «Nous n’avons aucune raison de quitter l’alliance atlantique, mais nous n’avons aucun intérêt à la voir se transformer en une alliance anti-chinoise… Les intérêts français ou européens sont loin d’être identiques aux intérêts américains», a-t-il déclaré, ajoutant: «Quant à la Chine, on en revient toujours au même point. Les Allemands y ont des intérêts commerciaux et ils vont tout faire pour les ménager, comme ils le font avec la Russie. Aucun pays en Europe ne veut être acculé à un affrontement brutal avec la Chine. Comment donc faire face aux pressions américaines?»

Il a également rejeté les comparaisons entre la présence militaire soviétique en Europe après la Seconde Guerre mondiale et une «nouvelle guerre froide» censée émerger entre la Chine et l’OTAN. «La question posée actuellement par la Chine est très différente. Où se trouve aujourd’hui la menace chinoise sur l’Europe? Les Européens ont des intérêts à défendre. Il faut commencer par bien les identifier. Nous n’avons pas besoin d’une alliance militaire pour cela».

Ce que propose Montbrial n’est cependant pas la paix, mais seulement la poursuite d’intérêts impérialistes rivaux. Il exige des «réformes économiques», comme les coupes du président français Emmanuel Macron dans les retraites et l’assurance chômage, pour libérer plus d’argent pour l’armée. Tandis que la France fait la guerre au Mali avec l’aide de l’UE et maintient des troupes à travers l’Afrique francophone et les républiques baltes, Montbrial a insisté sur le fait que «notre voisinage au Sud et à l’Est devrait constituer notre préoccupation principale».

Ces remarques soulignent la nécessité de mobiliser politiquement et d’unifier les travailleurs dans un mouvement international pour le socialisme et contre la guerre et la gestion officielle politiquement criminelle de la pandémie de COVID-19.

(Article paru en anglais le 19 octobre 2021)

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