Roumanie : Le système de santé s'effondre sous la poussée du COVID-19

Alors que les écoles rouvrent dans toute l'Union européenne, une vague meurtrière dévaste les pays d'Europe de l'Est, notamment la Roumanie, la Bulgarie et les États baltes.

La Roumanie, comme de nombreux autres pays d'Europe de l'Est, a déjà été durement touchée par la pandémie. Les vagues précédentes ont officiellement fait plus de 39.000 morts. Cependant, ce nombre est très en-dessous de la réalité.

En avril, une enquête officielle sur les décès non signalés dus aux coronavirus a conduit au limogeage du ministre de la Santé du pays qui l'avait initiée. Même s'il s'agissait d'un exercice de blanchiment, le rapport a montré des lacunes importantes dans la déclaration des décès dus à la COVID-19, où manquaient des milliers de personnes. Selon les experts de la santé, les données sur les décès pour la deuxième partie de 2020 montrent une surmortalité saisissante de 42 252 de personnes, contre les 19 659 décès officiels dus au COVID-19 pour la même période.

Les urgence à l’Hôpital universitaire de Bucarest

Dès le début de la pandémie, l'ensemble de l'establishment politique a mis en avant des politiques d'immunité collective et la suppression des mesures sanitaires limitées mises en œuvre au premier semestre 2020. En 2021, le pays a eu l'un des taux de croissance économique les plus élevés de l'UE, alimenté par la volonté bipartite d'éliminer toute restriction. L'une des principales priorités a été l'ouverture d'écoles, qui étaient pour la plupart restées fermées au cours de la période précédente.

La réouverture des écoles a commencé le 14 septembre, alors que montait la quatrième vague de COVID-19. Un mois plus tard, la situation est catastrophique. La transmission communautaire a grimpé en flèche, avec une moyenne quotidienne sur sept jours de plus de 14 000 cas, la plus élevée jamais enregistrée pendant la pandémie. Le nombre le plus élevé de décès a été enregistré le 12 octobre, où 442 personnes ont perdu la vie. Le nombre moyen de décès quotidien sur sept jours s'élève à 337.

Le nombre de cas pédiatriques a également explosé. Plus de 2 000 cas sont signalés chaque jour chez des personnes de moins de 20 ans. Le 18 octobre, plus de 450 enfants étaient hospitalisés et 41 en soins intensifs. Au moins 10 enfants ont perdu la vie.

Le système de santé du pays s'effondre sous le poids de la pandémie. Les lits de soins intensifs sont complètement occupés et les hôpitaux manquent de plus en plus d'oxygène médical, ce qui est vital pour les patients COVID. En attendant, les patients sont admis et soignés dans des salles d'urgence et des tentes de fortune devant les hôpitaux.

Les informations sur le terrain montrent un horrible tableau, déjà si douloureusement familier dans de nombreux pays du monde: le personnel médical complètement débordé, les patients mourant dans des fauteuils roulants et les ambulances garées devant des hôpitaux saturés, le triage de patients pour les lits de soins intensifs disponibles ou les lits avec alimentation en oxygène.

Le 1er octobre, un incendie s'est déclaré dans le service de soins intensifs de l'hôpital du comté de Constanta, tuant sept patients, le dixième incendie d'un hôpital de ce type dans le pays en moins d'un an. En janvier, quatre personnes sont mortes dans un incendie dans l'unité de soins intensifs de l'institut Matei Bals dans la capitale Bucarest et 10 patients ont perdu la vie dans un incendie aux soins intensifs, en novembre dernier, à l'hôpital du comté de Piatra Neamt. Trois patients sont décédés en avril dans une unité de soins intensifs mobile lorsque le système d'alimentation en oxygène est tombé en panne.

Si aucune des enquêtes officielles n'a abouti à des conclusions, ces terribles accidents sont incontestablement la conséquence d'un système de santé vétuste et poussé à ses limites. La réponse officielle des représentants du gouvernement au cours de l'été était qu'ils se préparaient à la quatrième vague en ouvrant des centaines de nouvelles unités de soins intensifs. La plupart de ces unités cependant, n’étaient pas digne du nom, constituées de beaucoup de lits cliniques réaffectés à la hâte. La plupart des hôpitaux fonctionnent dans des bâtiments anciens et non ventilés, en proie aux infections bactériennes.

Dans ces circonstances dramatiques, il n'y a aucune explication aux actions irresponsables du gouvernement autre que la contamination intentionnelle de la population. Avant le 1er octobre, alors que l'ampleur de la catastrophe à venir était plus qu'évidente, le gouvernement a décidé d'annuler sa propre disposition précédente, selon laquelle les écoles passent à l'enseignement en ligne lorsque le niveau d'incidence dépasse six cas pour 1 000.

Un foisonnement de « consultations d'experts » et de décisions incohérentes sur plusieurs jours a complètement déconnecté les écoles de l’enregistrement local ou national des données de maladies. Dans une série de déclarations d’auto-incrimination, le ministre de l'Éducation a déclaré dans le même souffle que «l'avis médical d'un expert» déterminerait la décision et que les dispositions précédentes n'étaient jamais censées être appliquées.

Le même niveau « d’expertise » est utilisé pour affirmer que le bien-être des enfants est protégé à l'intérieur des écoles et que les écoles sont des « environnements contrôlés ». Tout ceci alors que les élèves et les parents sont soumis à une pléthore de demi-mesures déroutantes, avec des cours hybrides alternant souvent entre présentiel et en ligne, des tests inadéquats, des camouflages par les autorités sanitaires locales et, de plus en plus, l'expérience traumatisante de voir des parents, des enseignants et des collègues tomber malades ou mourir.

L'insensibilité et le cynisme des préceptes d'immunité collective suivis par les gouvernements du monde entier ont été bien résumés dans la déclaration du ministre roumain de la Santé. le 7 Il déclara le 7 novembre, jour où 282 vies ont été perdues dans le pays, que la vaccination ou l'infection naturelle étaient « les deux options par lesquelles nous obtiendrons l'immunité. Si nous ne choisissons pas le premier, certains disent que nous obtiendrons de toute façon l'immunité par le second, ce qui est plus difficile. Certains s'en sortent plus facilement, d'autres avec beaucoup de difficulté et d'autres encore n'y parviennent pas ».

Il existe une opposition croissante à ces politiques meurtrières, les parents exprimant leur inquiétude et leur indignation sur les réseaux sociaux et gardant leurs enfants à la maison.

Les syndicats officiels sont complices des politiques du gouvernement. Les syndicats d'enseignants sont restés silencieux sur la réouverture des écoles, insistant sur des mesures sanitaires inefficaces. Ils ont également lancé des attaques de droite contre les campagnes de vaccination des enseignants et l'introduction de passe-vert dans les écoles.

Face à une perte massive de vies humaines et à l'effondrement du système de santé menaçant encore plus de vies, les autorités n'autoriseront que les mesures d'atténuation les plus symboliques. La vie économique n'est pas concernée et même les grands rassemblements publics et religieux sont autorisés.

Voilà à quoi ressemble « vivre avec le virus » : des vagues destructrices qui font des milliers de morts chaque semaine, alternant avec des périodes de transmission plus faible lorsque meurent « seulement » des centaines de personnes.

La Roumanie a le deuxième taux de vaccination le plus bas de l'UE, un peu moins de 30 pour cent de la population ayant reçu deux doses. Les personnalités gouvernementales et les médias se sont concentrés uniquement sur cet aspect pour rejeter la responsabilité de la tragédie sur les victimes de la maladie.

S'il est vrai que la mortalité est fortement concentrée dans la population non vaccinée, les vaccins à eux seuls n'auraient pas empêché la flambée. Les grandes villes, où la transmission est la plus élevée, ont des taux de vaccination plus élevés de plus de 50 pour cent. Mais les cas dus aux variants, une immunité décroissante et les jeunes et enfants non vaccinés signifient que le virus peut se transmettre librement en l'absence de toutes mesures sanitaires publiques.

Le faible taux de vaccination est dû en partie à la promotion incessante de l'individualisme et aux instincts les plus antisociaux de la bourgeoisie au cours des 30 dernières années de restauration capitaliste. Par ailleurs, la normalisation des opinions de droite sur la pandémie par l'establishment officiel et les déclarations répétées du gouvernement selon lesquelles la pandémie « avait été vaincue » ont contribué aux faibles taux de vaccination.

Alors que les élites dirigeantes tentent de normaliser la mort de masse, d'immenses pressions sociales s'accumulent. La réponse de la bourgeoisie à travers le monde a été de promouvoir les mouvements fascisants.

En Roumanie, le parti fasciste AUR (Alliance pour l'unité des Roumains) est issu du mouvement anti-confinement et a été propulsé au parlement en novembre 2020. Là, loin d'être marginalisé comme de nombreux experts l'ont assuré, il a été transformé en faiseur de rois.

Le 5 octobre, la coalition au pouvoir des conservateurs nationaux-libéraux (PNL) et de l'Union pour Sauver la Roumanie (USR) ultra-libérale s'est effondrée et le gouvernement a perdu un vote de censure. Par la suite, l'AUR a non seulement déterminé l'arithmétique du vote, mais a également été promu en tant que force anti-establishment. Il a ensuite été invité à des pourparlers avec le président du pays, ainsi qu'avec les autres partis établis

Mais l'objectif principal des fascistes est de terroriser les rues en préparation du développement de l'opposition de la classe ouvrière. Au printemps, alors que la troisième vague faisait rage, les fascistes ont été autorisés à mobiliser des éléments déclassés et criminels pour patrouiller dans les rues des villes, bloquant les hôpitaux et les ambulances et attaquant journalistes et secouristes.

C’est là un avertissement aux travailleurs qui doivent développer leur propre contre-stratégie. La lutte contre le fascisme et la lutte contre la pandémie nécessitent la construction d'un mouvement socialiste indépendant dans la classe ouvrière.

Nous appelons tous nos lecteurs en Roumanie à assister au webinaire du 24 octobre parrainé par le WSWS et l'Alliance ouvrière internationale des comités de base (IWA-RFC). Ce webinaire expliquera les arguments en faveur de l'éradication et fournira au public les connaissances essentielles nécessaires pour développer un large mouvement international pour mettre fin à la pandémie et reconquérir l'avenir.

(Article paru en anglais le 20 octobre 2021)

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