De PATCO à Volvo: la résurgence de la lutte des classes et les tâches du Parti de l’égalité socialiste

Cette conférence a été donnée lors de l’université d’été 2021 du Parti de l’égalité socialiste (États-Unis), qui s’est tenue du 1er au 6 août 2021, par Jerry White, rédacteur du site Web World Socialist pour les conflits sociaux.

L’intervention du Parti de l’égalité socialiste dans la grève de Volvo et le rôle de plus en plus décisif que joue notre mouvement mondial dans le développement et la direction de la lutte des classes dans le monde sont le produit de la lutte menée depuis des décennies par le Comité international de la Quatrième Internationale (CIQI). Notre but est de libérer la classe ouvrière de l’emprise des bureaucraties ouvrières sociales-démocrates, staliniennes et anticommunistes et de construire la direction révolutionnaire de la classe ouvrière, nécessaire pour atteindre ses objectifs socialistes historiques.

Nos détracteurs de la pseudo-gauche nous accusent d’être «sectaires» et de ne pas «travailler dans les syndicats». En fait, aucune tendance politique n’a été plus active dans les luttes de la classe ouvrière, y compris parmi les travailleurs piégés dans les syndicats, que notre mouvement international. Mais nous avons rejeté l’insistance des diverses forces pablistes ou tenantes du ‘capitalisme d’État’ qu’il était inadmissible que les socialistes organisent et mobilisent la classe ouvrière indépendamment de la bureaucratie syndicale corporatiste et en opposition à celle-ci. Par «travailler dans les syndicats», la pseudo-gauche petite-bourgeoise entend renforcer l’autorité de la bureaucratie et obtenir des postes lucratifs en son sein.

À gauche: Les grévistes de PATCO de la région de New York défilent pendant les premiers jours de la grève à East Meadow, Long Island (WSWS Media), A droite: Les ouvriers de Ford Chicago soutiennent les grévistes de Volvo (WSWS Media).

Même lorsque les syndicats commandaient l’allégeance de dizaines de millions de travailleurs, nous n’avons jamais couru après le tout dernier opportuniste de gauche sorti des rangs la bureaucratie syndicale. Au contraire, nous nous sommes battus pour développer l’initiative indépendante de la classe ouvrière, sa confiance dans sa propre capacité de combat et son indépendance politique vis-à-vis des défenseurs bourgeois et petits-bourgeois du capitalisme. Ce faisant, les sections du CIQI se sont battues pour introduire la conscience socialiste dans les luttes de masse des travailleurs et pour recruter et former comme marxistes les travailleurs les plus avancés.

L’essai du camarade David North sur Cliff Slaughter a établi avec beaucoup de force le lien entre la lutte des trotskystes britanniques contre le révisionnisme pabliste à la fin des années 1950 et au début des années 1960 et leur lutte pour libérer la classe ouvrière au Royaume-Uni de l’emprise des bureaucraties des syndicats du TUC (Trades Union Congress) et du Parti travailliste. Même à une époque où les travailleurs britanniques se tournaient vers les syndicats et le Parti travailliste, la Labour Review expliquait en 1958 la position de la SSL (Socialist Labour League) que «si les circonstances s’y prêtent, d’importants groupes de membres de syndicats chercheront à s’échapper de ce qui est devenu pour eux une “prison” syndicale. Dans “cette prison” toute initiative des travailleurs, toute tentative d’exprimer leurs propres idées sur la défense de leurs intérêts reste encagée, canalisée ou est simplement supprimée».

La direction de la Workers League (Ligue ouvrière) aux États-Unis (le prédécesseur du Parti de l’égalité socialiste) a été formée aux leçons politiques et théoriques de la lutte menée par la Socialist Labour League contre la réunification opportuniste du SWP (Socialist Workers Party) avec les pablistes en 1963 et contre les arguments du dirigeant du SWP Joseph Hansen. Selon lui, les événements objectifs conduisaient les staliniens à l’auto-réforme et les nationalistes bourgeois comme Castro à établir des États ouvriers et le socialisme. Les leçons de cette lutte, qui a sauvé le CIQI de la liquidation, ont servi de base à la construction d’une section du CIQI aux États-Unis. Ces leçons furent soigneusement retravaillées et assimilées après que le secrétaire national de la Workers League, Tim Wohlforth, soit devenu un renégat en 1974 et soit retourné au SWP.

Les interventions du parti dans la classe ouvrière, écrivait la Workers League dans son document de perspectives en 1978, sont guidées par «la lutte consciente pour préserver les lignes de continuité historique entre les luttes actuelles de la classe ouvrière et tout le contenu des expériences historiques objectives de la classe et du développement du bolchevisme».

Il n’entre pas dans le cadre de mon rapport d’exposer en détail la lutte des classes dans les années 1970 et 1980 et l’intervention de la Workers League. J’aimerais cependant passer en revue une partie de cette histoire et les questions politiques essentielles qui ont une énorme influence sur le développement de notre travail aujourd’hui.

La Workers League et la lutte des classes aux États-Unis

Dans les années 1970, la Workers League a mené une lutte tenace pour mobiliser la classe ouvrière contre la bureaucratie de l’AFL-CIO et a soulevé la revendication politique d’un parti ouvrier en opposition à la subordination politique de la classe ouvrière par les syndicats au Parti démocrate et à l’impérialisme américain. Durant ces années, la Workers League a formé l’Alliance syndicale pour un Parti ouvrier (Trade Union Alliance for a Labor Party – TUALP). Elle a mené avec succès une campagne pour exiger que le président de l’AFL-CIO, George Meany, quitte le Pay Board [Conseil des rémunérations] de Nixon en 1972. Elle est intervenue dans des centaines de grèves militantes. Dans cette période, le parti a gagné et formé comme dirigeants marxistes d’importants cadres de la classe ouvrière, entre autres les travailleurs de GM de Dayton Jim Lawrence et John Austin, le travailleur des transports de la ville de New York, Ed Winn, et d’autres.

Le Bulletin, le bi-hebdomadaire de la Workers League à l'époque

Ces luttes ont éclaté en opposition aux efforts de la classe dirigeante pour rendre la classe ouvrière responsable de l’érosion de la position mondiale du capitalisme américain. Comme le camarade Tom Mackaman l’a souligné dans son excellente série «Quarante ans depuis la grève de PATCO», l’énorme coût financier de la guerre du Vietnam a accéléré le déclin du capitalisme américain. Les mesures prises par le gouvernement Nixon – notamment la fin du système de Bretton Woods et celle de la convertibilité du dollar en or, en août 1971 – n’ont pas réussi à stopper son affaiblissement face à ses principaux rivaux européens et asiatiques. Au contraire, elles ont contribué à déclencher l’inflation élevée et la faible croissance économique qui ont caractérisé les années 1970.

Entre 1969 et 1979, chaque année un million de travailleurs ou plus ont fait grève ; en 1971 2,5 millions et en 1974 1,8 million. Cette année là, les 424 grèves auxquelles participèrent plus de 1.000 travailleurs, égalèrent le record d’après-guerre. Il y eut une moyenne annuelle de 300 grèves majeures entre 1969 et 1979.

Arrêts de travail (rouge) contre l'inégalité des revenus (bleu)

L’une des principales luttes de la décennie fut la grève de 111 jours des mineurs de charbon en 1977-1978. Ceux-ci défièrent l’ordonnance Taft-Hartley du président Jimmy Carter après avoir rejeté de manière décisive un contrat dicté par la Maison-Blanche et présenté par le président du syndicat des mineurs UMWA, Arnold Miller. Dans la brochure de 1978 de la TUALP ,intitulée «Les leçons de la grève des mineurs», nous écrivions que la grève «marquait la fin pour toujours de la période du compromis de classe basée sur l’essor économique, et le début d’une période de confrontation de classe des plus explosives. La classe ouvrière américaine rejoint maintenant les luttes de ses frères de classe dans le monde entier».

En invoquant Taft-Hartley, écrit la Workers League, le gouvernement démocrate de Carter «disait aux mineurs et à tous les travailleurs du pays que s’ils n’acceptaient pas les conditions dictées par la grande entreprise, le gouvernement imposerait des amendes massives aux syndicats, déclarerait criminels les ouvriers de la base et utiliserait contre eux la violence…».

La brochure note que, face à la violence de l’État, qui s’est traduite par l’envoi de la Garde nationale dans les bassins houillers, par des centaines d’arrestations et par la mort de trois mineurs dans les deux premiers mois de la grève, «non seulement la bureaucratie syndicale a refusé d’appeler à une grève générale pour défendre les mineurs, mais elle a délibérément isolé leur grève des millions de travailleurs qui la soutenaient dans tout le pays». Elle citait les commentaires du président de l’AFL-CIO George Meany qui a déclaré que s’il avait été président il aurait lui aussi invoqué les dispositions de la loi Taft-Hartley relatives aux briseurs de grève, puisque celle-ci était «la loi du pays».

L’AFL-CIO a été aidée par les staliniens qui ont calomnié les mineurs qui se révoltaient contre Miller, les qualifiant de «laquais de la compagnie» et par le SWP qui a prétendu que le soutien aux mineurs excluait toute critique de la bureaucratie de Miller.

«Seule la Workers League et son bras industriel, l’Alliance syndicale pour un parti ouvrier», écrivions-nous, avaient «soutenu les mineurs tout au long de leur combat et appuyé leur militantisme. Mais nous nous sommes battus à chaque étape pour faire comprendre aux mineurs et à tous les travailleurs que cela ne suffisait pas, qu’il fallait soulever les questions politiques cruciales de cette lutte – la nécessité de rassembler le mouvement ouvrier dans une action de grève générale pour chasser Carter et construire un parti ouvrier afin de mettre en place un gouvernement ouvrier». La leçon la plus fondamentale de la grève, disions-nous, était « la nécessité de construire une direction révolutionnaire dans la classe ouvrière.»

Alors que nous appelions les syndicats à construire un parti ouvrier – comme moyen de mobiliser la base contre la bureaucratie ouvrière et contre sa subordination de la classe ouvrière au Parti démocrate – la Workers League indiquait clairement que la lutte pour une rupture politique d’avec les partis capitalistes devait être menée par le parti révolutionnaire et les travailleurs qu’il formait. Elle rejetait toute suggestion que cette lutte viendrait des actions d’une section de la bureaucratie de l’AFL-CIO. De plus, nous préconisions la création d’un parti ouvrier basé sur un programme socialiste, expliquant que les intérêts des travailleurs exigeaient une lutte consciente de la classe ouvrière contre le système capitaliste, ses partis politiques et son État. Un gouvernement ouvrier mettrait fin à la propriété privée des moyens de production et placerait les entreprises et les banques sous le contrôle démocratique de la classe ouvrière.

La Workers League écrivait dans son document de perspectives de 1978 :

Toute l’expérience de l’AFL-CIO a montré que la bureaucratie ne reculera devant rien pour détruire tout véritable mouvement politique indépendant de la classe ouvrière. Tout mouvement politique, quel qu’il soit, dirigé par une section de la bureaucratie syndicale, qu’il s’agisse d’un «troisième» parti ou même de quelque chose s’appelant «parti ouvrier», ne représenterait en aucun cas une véritable rupture politique d’avec les basques de la bourgeoisie.

Une telle rupture politique, disait la Workers League, n’était possible que par «l’intervention du parti révolutionnaire au sein du mouvement spontané de la classe ouvrière», et par la «lutte consciente de la Workers League contre toutes les formes d’opportunisme au sein du mouvement ouvrier, et finalement contre toutes les manifestations de la domination de l’idéologie bourgeoise sur la classe ouvrière».

Principales luttes syndicales 1977-1990

La grande majorité de ceux qui allaient finir par constituer la pseudo-gauche rejetèrent la classe ouvrière américaine comme désespérément arriérée, raciste et réactionnaire alors qu’ils adoptaient la politique raciale et de genre de la classe moyenne. Ceux des tenants du ‘capitalisme d’État’ et des pablistes qui travaillaient dans les syndicats prétendaient que la pression d’en haut, de la classe dirigeante et de l’État capitaliste, et celle d’en bas, de la classe ouvrière, forcerait la bureaucratie syndicale à renoncer à ses intérêts matériels et ouvrirait en quelque sorte la voie à la lutte des travailleurs pour le socialisme.

À cet égard, il est important de comparer notre réponse à la grève des mineurs de 1977-1978 à ce qu’écrivait en 1978 Kim Moody, tenante du ‘capitalisme d’État’ et cofondatrice de Labor Notes, dont la prétendue «Stratégie de la base» est promue aujourd’hui par les Socialistes démocratiques d’Amérique (DSA).

Faisant l’éloge de Meany, du président de l’United Auto Workers Douglas Fraser, du président de l’United Steelworkers Lloyd McBride et d’autres «dirigeants syndicaux de haut rang» pour avoir donné de l’argent aux mineurs en grève, elle écrivait: «Aussi bienvenu soit-il, ce soutien n’a pas signifié une rupture avec la croyance des dirigeants syndicaux américains en l’intérêt mutuel et la coopération entre le travail et le capital. La crédibilité de ces vieilles idées sera, bien sûr, de plus en plus mise à mal. La pression et l’agression des employeurs, ainsi que les reculs et les vacillations du gouvernement [Carter] et du Congrès, rendront la vie plus difficile à tous les niveaux du mouvement ouvrier. Il ne fait aucun doute que, comme dans le passé, cela produira des changements politiques et des ruptures même au sommet».

Au cours des quatre décennies suivantes, cependant, aucune section de la bureaucratie syndicale ne s’est opposée à l’offensive de la classe dirigeante contre la classe ouvrière, même lorsqu’elle impliquait la destruction pure et simple de syndicats. Cela comprenait la myriade de dissidents après lesquels les ‘capitalistes d’État’ et les pablistes couraient et qu’ils applaudissaient, depuis les ex-«Mineurs pour la démocratie» Richard Trumka et Cecil Roberts, et Ron Carey soutenu par les «Teamsters pour un syndicat Démocratique», jusqu’au soi-disant président insurgé de l’AFL-CIO, John Sweeney.

1977-1978: grève des mineurs de charbon

Alors que la classe dirigeante américaine passait d’une politique de compromis de classe relatif à une guerre de classe violente, le Parti démocrate n’a pas «vacillé» et l’AFL-CIO ne s’est pas déplacée vers la gauche. Au contraire, l’AFL-CIO a complètement emboîté le pas à la campagne de la classe dirigeante pour réduire considérablement le revenu des travailleurs américains. En août 1979, Carter a nommé le banquier de Chase Manhattan Paul Volcker à la tête de la Réserve fédérale. Volcker a augmenté les taux d’intérêt à 20 pour cent, provoquant ce qu’on a appelé le «choc Volcker» ; un geste calculé pour déclencher des licenciements massifs et la pire récession économique depuis la Grande Dépression. On a utilisé la fermeture d’industries et le chômage de masse pour «extraire l’inflation de l’économie», c’est-à-dire pour vaincre la résistance de la classe ouvrière à une vague de baisse des salaires.

Le président de l’AFL-CIO, Lane Kirkland, est devenu co-président du «Conseil de revitalisation économique» de Carter. Il était chargé de décider quelles industries devaient être autorisées à disparaître parce qu’elles ne pouvaient pas être compétitives sur les marchés mondiaux. Le président de l’UAW, Douglas Fraser lui, entre au conseil d’administration de Chrysler Corp. Dans le cadre du sauvetage de Chrysler mis en place par Carter, Fraser a collaboré à la suppression de 57.000 emplois et à la fermeture de près de 30 usines, dont plus d’une douzaine à Detroit ; là se trouvait, selon un rapport du Congrès, la «main-d’œuvre la plus difficile d’Amérique».

Malgré l’opposition massive de la base, l’UAW a finalement imposé baisses et coupes, dont la perte pour chaque travailleur de 4.000 dollars en salaires et avantages sociaux, l’équivalent d’une réduction annuelle de 15.000 dollars en dollars actuels. Lorsque les travailleurs canadiens de l’automobile ont rejeté les concessions à l’industrie, l’UAW a proposé de réduire de 25 millions de dollars supplémentaires le salaire des travailleurs américains.

La grève de PATCO

C’est dans ce contexte que Reagan a écrasé la grève des contrôleurs aériens de PATCO, qui a débuté le 3 août 1981. Après avoir renoncé à toute intervention contre la grève de 72 jours des 160.000 mineurs de charbon plus tôt dans l’année, Reagan a décidé de briser un petit syndicat de travailleurs professionnels, qui l’avait soutenu lors de l’élection présidentielle de 1980.

Si Reagan a pendant des années été encensé par la presse bourgeoise et le Parti démocrate comme un grand leader politique, il était profondément détesté dans la classe ouvrière. Je me souviens avoir assisté à une réunion de masse des mineurs de charbon en grève à Hazard, dans le Kentucky, le 30 mars 1981. Lorsqu’on y a appris qu’on avait tiré sur Reagan, les mineurs ont poussé des hourras.

Dans sa perspective, «Les travailleurs de Volvo Truck en Virginie retournent aux piquets de grève: un tournant dans la lutte des classes aux États-Unis et dans le monde», publié le 7 juin, le camarade David North écrit au sujet de la grève de PATCO:

Cet assaut sans précédent dans l’histoire contre un syndicat et des travailleurs de la base par le gouvernement fédéral a réussi uniquement parce que l’AFL-CIO au plan national a catégoriquement refusé de prendre la défense de PATCO. Les militants de PATCO ont largement et correctement supposé que le gouvernement Reagan avait reçu l’assurance de l’AFL-CIO qu’elle n’agirait pas pour empêcher la destruction de PATCO.

Le soutien était énorme dans la classe ouvrière pour une lutte contre la destruction des syndicats par Reagan. Le 19 septembre 1981, pas moins d’un demi-million de travailleurs ont défilé à Washington, DC, à l’occasion de la «Journée de la solidarité», les travailleurs en grève de PATCO se trouvaient à l’honneur, en tête de cortège. La Workers League a obtenu un énorme soutien pour son appel à la grève générale en défense de la grève de PATCO et a vendu des centaines d’exemplaires de sa brochure, «Le coût humain des coupes budgétaires de Reagan», et d’autres brochures.

David North a résumé les quatre points majeurs sur lesquels la Workers League a insisté dans sa déclaration du 13 août 1981, «La grève de PATCO: Un avertissement à la classe ouvrière»:

D’abord, il soulignait que l'action violente du gouvernement Reagan visait à mettre en œuvre une restructuration fondamentale des relations de classe aux Etats-Unis, c’est-à-dire à créer les meilleures conditions pour une augmentation massive de l’exploitation de la classe ouvrière et le transfert des richesses à l’élite dirigeante. La destruction de PATCO était le signal d’une offensive générale de la grande entreprise contre toutes les sections de la classe ouvrière.

Ensuite, il explique que l’attaque du gouvernement Reagan contre les travailleurs visait à inverser le déclin économique mondial des États-Unis et à affaiblir la résistance de la classe ouvrière internationale aux intérêts géostratégiques de l’impérialisme américain.

L’attaque contre les membres de PATCO était inséparable de la politique de contre-révolution mondiale de Reagan. Le capitalisme américain ne pouvait plus jouer sur les deux tableaux, politiquement parlant, en maintenant à l’intérieur un compromis de classe en même temps qu’il y menait une contre-révolution féroce, et en établissant et soutenant à l’étranger des dictatures militaires et fascistes.

Troisièmement, la Workers League avertissait que la soumission de l’AFL-CIO, de l’UAW, des Teamsters et d’autres organisations syndicales au capitalisme et à ses deux partis politiques affaiblissaient considérablement la classe ouvrière et conduirait à une série ininterrompue de défaites.

Quatrièmement, la défense de la classe ouvrière exigeait la construction d’une nouvelle direction révolutionnaire, basée sur une perspective socialiste. La Workers League avertissait:

‘La bureaucratie ouvrière trahira, et trahit déjà. La lutte contre ces trahisons ne peut pas reposer uniquement sur le militantisme, elle nécessite une stratégie politique pour la lutte contre le gouvernement’.

L’analyse faite par la Workers League concernant les conséquences nationales et internationales de la trahison et de la défaite de la grève de PATCO, fut confirmée par les événements ultérieurs. Aux États-Unis, la destruction de ce syndicat a été suivie d’une vague de grèves brisées – chez Continental Airlines, dans les mines de cuivre de Phelps Dodge, dans les usines de transformation de la viande Hormel et dans les mines de charbon d’AT Massey, pour ne citer que les plus notoires. Cela a entraîné une baisse dévastatrice du niveau de vie de la classe ouvrière américaine.

La Workers League est intervenue activement dans chacune de ces luttes, et dans beaucoup, beaucoup d’autres, pour mobiliser la classe ouvrière contre la trahison de l’AFL-CIO. L’interview réalisée plus tôt cette année avec le dirigeant des mineurs de cuivre en grève, Jorge O’Leary, explique le rôle de la Workers League, en particulier, celui du camarade David North, pour aider et informer les mineurs de cuivre pendant les trois années de grève chez Phelps Dodge.

Au cours des années 1980, nous étions la seule tendance politique à lutter pour mobiliser la classe ouvrière contre le retour d’un degré de violence de la part des entreprises et de l’État sans précédent depuis les années 1920. Cela comprenait l’inculpation sur fausses accusations et l’incarcération de travailleurs militants comme les mineurs d’AT Massey et Milburn, et du gréviste de Greyhound Roger Cawthra, ainsi que les meurtres sur les piquets de grève de Ray Phillips et Robert Waterhouse, de Gerry Horgan, employé du téléphone à New York, et de John McCoy, mineur de charbon de Virginie occidentale.

La transformation corporatiste des syndicats

En même temps, la Workers League analysait la dégénérescence et la transformation des syndicats. Nous décrivions l’adoption de la doctrine du corporatisme par le syndicat de l’automobile UAW, à son congrès de 1983, comme la «conception d’une collaboration de classe effrénée qui prêche une harmonie complète des intérêts entre les capitalistes et la classe ouvrière».

Nous avons souligné les similitudes avec le programme du fascisme italien où employeurs et syndicats étaient intégrés à l’État et tous étaient subordonnés à l’«intérêt national» de la classe dominante. En même temps, nous avons commencé un examen sérieux des revenus et des intérêts matériels de la bureaucratie syndicale, comme la création de centres conjoints de formation syndicat-patronat qui allaient devenir un canal pour le transfert de milliards de dollars des entreprises à l’UAW. Cet examen montra que les revenus de la bureaucratie augmentaient parallèlement à la baisse du revenu des travailleurs, démontrant les intérêts antagonistes de la classe ouvrière et de la bureaucratie ouvrière. Il faut noter que ce travail a été dénoncé comme du «matérialisme mécanique» par Cliff Slaughter, qui avait à cette époque bien avancé dans son abandon du marxisme.

La lutte contre le programme corporatiste de l’UAW était inséparable de la lutte contre le chauvinisme national colporté par les syndicats. Nous nous sommes opposés sans relâche au racisme anti-japonais de l’UAW, qui a conduit à la mort de l’ingénieur sino-américain Vincent Chin en 1982. Nous avons lutté pour l’unité internationale de la classe ouvrière.

Comme je l’ai déjà noté, la pseudo-gauche qui fait l’apologie des syndicats a souvent soutenu et continue de soutenir que la pression venue d’en bas de la part des travailleurs combatifs forcerait les syndicats à se battre. Comment la bureaucratie syndicale a-t-elle réellement réagi aux efforts de la classe ouvrière pour changer le cours suivi par les syndicats? La grève de Hormel en 1985-1986 est un cas d’étude crucial.

Le 17 août 1985, 1.500 travailleurs de l’usine Hormel d’Austin, dans le Minnesota, se sont mis en grève lorsque le géant de l’emballage de viande a exigé une réduction de salaire de 23 pour cent. La grève de la section locale P-9 du syndicat de l’industrie alimentaire UFCW s’est heurtée à l’opposition de la direction nationale de ce syndicat, qui avait accepté des réductions de salaire dans l’ensemble de l’industrie.

Lorsque Hormel a cherché à rouvrir l’usine avec des briseurs de grève en janvier 1986, la section P-9 a organisé un piquetage massif pour arrêter la production. Une semaine plus tard, le gouverneur démocrate du Minnesota, Rudy Perpich, a déployé des centaines de soldats de la Garde nationale pour protéger les briseurs de grève. Au mépris de l’UFCW, la section P-9 a envoyé des piquets de grève itinérants dans d’autres usines Hormel, notamment à Ottumwa, dans l’Iowa, où 750 travailleurs ont rejoint la grève. Tout au long du mois de février et au début du mois de mars, de grands rassemblements ont eu lieu dans plusieurs grandes villes américaines, dont Detroit, New York et San Francisco, et des convois de voitures ont été organisées dans le Minnesota et le Wisconsin pour transporter de la nourriture et de l’argent aux grévistes.

L’UFCW a réagi en retirant son approbation à la grève, en supprimant les indemnités de grève et en lançant une campagne ‘anti-rouges’ contre le président du P-9, Jim Guyette, et d’autres dirigeants. Les travailleurs rebelles de la section locale P-9 ont voté la poursuite de la grève et ont mené des batailles rangées contre les briseurs de grève et la police d’Austin, tandis que des milliers de partisans continuaient à affluer dans la ville.

En avril 1986, l’UFCW a entamé des affaires judiciaires bidon pour mettre le P-9 sous tutelle. La section locale a poursuivi le syndicat national devant un tribunal fédéral. Elle l’accusa d’avoir déployé des efforts «malveillants, délibérés et de mauvaise foi» pour mettre fin à la grève, notamment en gelant le compte bancaire de la section locale, en saisissant l’argent donné aux grévistes et en employant des espions pour perturber les activités de soutien.

Avec le soutien d’un juge fédéral du Minnesota qui avait déjà émis d’innombrables injonctions contre les travailleurs d’Hormel pour briser la grève, l’UFCW a envoyé une équipe de 30 agents pour saisir le local syndical et changer les serrures. L’UFCW a envoyé des lettres aux grévistes pour leur dire qu’ils seraient arrêtés s’ils interféraient avec la tutelle. Elle a envoyé des espions dans toute la ville pour photographier les voitures qui portaient des autocollants anti-Hormel et dire aux travailleurs qu’ils perdraient tout espoir de réintégration s’ils continuaient à s’exprimer.

Les responsables locaux élus ont été démis de leurs fonctions et le syndicat international de l’UFCW a inscrit les briseurs de grève dans un nouveau syndicat local. En août, le syndicat national a annoncé qu’il avait conclu un accord qui ne prévoyait le rappel d’aucun des grévistes et acceptait toutes les demandes de l’entreprise. Cet accord a été ratifié lors d’un scrutin, organisé par l’UFCW, où on a appelé à voter la section locale reconstituée, composée de briseurs de grève.

Montrant le manque de sérieux des éléments libéraux de gauche dans les syndicats et à leur périphérie, Ray Rogers, qui a été engagé pour mener la soi-disant campagne contre l’entreprise consistant à boycotter les produits Hormel et à organiser des actions de désobéissance civile, a admis qu’il avait été complètement aveuglé par le rôle de briseur de grève de l’UFCW. «Je n’ai jamais pensé que l’[UFCW] International se battrait aussi durement contre nous», a-t-il déclaré. «Je n’aurais jamais cru qu’ils nous attaqueraient, qu’ils nous ignoreraient lorsque la Garde nationale arriverait, que Kirkland et Winpisinger s’engageraient contre nous, et qu’ils dépenseraient pour nous battre les millions qu’ils ont dépensés. Je n’ai jamais pensé qu’ils feraient quoi que ce soit dans un sens ou dans l’autre».

L'internationalisme et la lutte pour la direction révolutionnaire de la classe ouvrière

Il serait erroné de considérer le développement des interventions de la Workers League dans la classe ouvrière d’un point de vue nationaliste. Comme le camarade David North l’a écrit au secrétaire général du Parti révolutionnaire des travailleurs (Workers Revolutionary Party), Michael Banda, le 23 janvier 1984:

Aussi prometteurs que puissent paraître certains développements dans le travail national des sections – comme nos propres expériences dans diverses luttes syndicales – ils ne produiront pas de gains réels pour les sections impliquées à moins que ce travail ne soit guidé par une perspective internationale scientifiquement élaborée. Plus la Ligue ouvrière se tourne vers la classe ouvrière, plus nous ressentons le besoin d’une collaboration étroite avec nos camarades internationaux pour faire avancer le travail. La dégénérescence du Socialist Workers Party qui a culminé dans la scission ouverte avec Mandel, est la plus grande justification historique de la lutte que vous avez menée contre le pablisme. Nous sommes fiers d’avoir été vos élèves dans cette lutte. Mais la nouvelle étape de la crise de l’impérialisme et du stalinisme et l’éclatement du révisionnisme créent à présent la nécessité d’un grand développement dans notre travail théorique et dans notre activité pratique. Nous croyons que ce développement exige un renouvellement de notre lutte contre le révisionnisme pabliste – avant tout contre la manifestation de ses conceptions dans nos propres sections.

Tragiquement, Healy, Banda et Slaughter ont rejeté cette voie de la collaboration et de la lutte internationales et ont adopté les positions et les perspectives du révisionnisme pabliste auquel ils s’étaient autrefois courageusement opposés. Cela prit la forme d’une adaptation des plus grotesques au nationalisme bourgeois au Moyen-Orient et en Afrique, à la Perestroïka de Gorbatchev en Union soviétique et en Angleterre à la bureaucratie du Parti travailliste et au TUC entre autre au dirigeant pro-stalinien du syndicat des mineurs NUM, Arthur Scargill, pendant la grève de 1984-1985.

La scission d’avec le WRP en 1985-1986 a été le point culminant d’une guerre civile de plus de trente ans au sein de la Quatrième Internationale et a marqué la victoire des trotskystes orthodoxes. Cela a créé les conditions d’un immense développement théorique, politique et organisationnel du Comité international de la Quatrième Internationale. La défaite et l’expulsion des opportunistes nationaux a devancé d’immenses événements historiques, dont la liquidation stalinienne de l’URSS et la transformation, sous l’impact de la mondialisation, des partis sociaux-démocrates, des syndicats et de toutes les organisations nationales en agences directes du capital. Ce sont précisément là les institutions sur lesquelles l’opportunisme pabliste s’était appuyé.

Au début des années 1990, il y eut une lutte prolongée dans la Workers League sur les implications pour la pratique de la section américaine de la transformation des syndicats et des partis réformistes nationaux. Cela a pris la forme d’une lutte contre toute conception que la tâche fondamentale du parti était de poser des revendications à l’AFL-CIO, entre autre pour la construction d’un parti ouvrier, et la conception que le parti ne pouvait pas se «substituer» aux «organisations de masse de la classe ouvrière» et au «mouvement ouvrier».

Je voudrais citer plusieurs commentaires du camarade Dave North lors d’une discussion en avril 1991 au comité politique de la Workers League.

Nous avons passé un certain temps à examiner les changements réels qui ont eu lieu dans les syndicats, le changement de la relation de la bureaucratie à la classe ouvrière, le changement du rôle social de cette bureaucratie. Nous avons fait remarquer que dans les luttes de la classe ouvrière, la bureaucratie s’est redéfinie en tant que force sociale, qu’elle conclut systématiquement des accords qui ne peuvent en aucun cas être décrits comme une défense, même déformée, de la classe ouvrière et des exigences minimales de celle-ci.

Dans la mesure où nous intervenons effectivement dans les luttes de la classe ouvrière et où nous nous retrouvons à la tête de mouvements, nous nous trouverons dans une position où nous nous heurterons presque immédiatement à l’opposition directe, politique et organisationnelle, des syndicats. À un stade très précoce, nous serons confrontés à la question suivante: devons-nous arrêter la lutte ou continuer en défiant le mouvement ouvrier, les structures existantes du mouvement ouvrier?

… Ce ne sont pas seulement là des questions auxquelles nous-mêmes serons confrontés. La masse des travailleurs y sera elle-même confrontée. Encourageons-nous et devrions-nous encourager les grèves menées malgré les dirigeants? Devons-nous dire aux travailleurs qu’ils doivent être prêts à faire grève, indépendamment de ce que dit leur direction? Nous pouvons dire: «Oui, vous pouvez exiger que le syndicat prenne des mesures. Mais, nous savons très bien qu’il ne le fera pas, que s’il prend des mesures, ce sera uniquement pour prendre le contrôle, pour enlever l’initiative aux forces qui s’insurgent et étrangler tout mouvement. Si le parti est sérieux dans sa lutte pour son programme, il ne devrait pas donner à la formulation de revendications la même importance qu’auparavant mais nous devrions souligner plus fortement la nécessité d’un mouvement insurrectionnel de la classe ouvrière contre les bureaucraties existantes. Nous devrons être prêts à rompre hardiment et impitoyablement avec les organisations syndicales du mouvement ouvrier officiel dans la mesure où ce mouvement est devenu un obstacle…»

North poursuivait ainsi:

Nous comprenons très bien que la bureaucratie ouvrière ne mènera pas de telles luttes. Alors que disons-nous aux travailleurs de faire? Nous y allons et les syndicats refusent. Que faisons-nous alors? Allons-nous dire aux travailleurs d’agir en dépit de cela – bien sûr que nous le ferons. Conseillons-nous aux travailleurs de faire des grèves sauvages? Oui, nous le faisons. Et si cela nous place en opposition au «mouvement ouvrier», eh bien, qu’il en soit ainsi. Nous sommes dans l’opposition.

Résumant ces points, North a dit:

Il peut très bien y avoir une éruption de luttes syndicales et elles seront en grande partie en opposition immédiate à l’ensemble de la direction syndicale, qui tentera de les supprimer et de les détruire. Nous avons tenu compte de cela en disant très clairement que la poursuite de ces luttes, des luttes syndicales, en ce qui nous concerne, ne dépend pas de leur sanction par la bureaucratie syndicale et, dans de nombreux cas, si elles doivent continuer, elles devront le faire en s’opposant à la bureaucratie ouvrière. La grève d’International Falls en est une indication. La grève d’Hormel en est une indication. La grève de Phelps Dodge en est une indication. La grève sauvage des mineurs, que nous avons louée et dont nous nous sommes attribués le mérite, en est une démonstration.

Ces conclusions ont été tirées des expériences amères de la classe ouvrière avec des organisations qui se sont retournées contre elle, et de la logique des efforts des travailleurs pour trouver un nouveau moyen d’exprimer leurs intérêts de classe. À cet égard, il convient de citer les avertissements lancés en 1989 par Richard Trumka, alors président du syndicat des mineurs UTM, dont le décès hier a été accueilli par la déclaration d’un Charles Schumer (leader de la majorité démocrate au Sénat) en larmes et par des tweets élogieux du leader des DSA (Socialistes démocrates d’Amérique) Bhaskar Sunkara.

Pointant la vague de grèves sauvages qui avait éclaté en opposition à l’isolement par l’UMWA de la grève de Pittston en 1989-1990, Trumka a déclaré à la Charleston Gazette que la révolte n’était «pas autorisée» et «pas sollicitée» par le syndicat, qui avait travaillé dur pour établir «notre réputation mondiale de stabilité».

Si un «employeur non conformiste» comme Pittston écrasait le syndicat a prévenu Trumka, «je vous soumets que de blocs écroulés surgira un mouvement, comme ce fut le cas en 1890 quand nous n’avions pas d’argent, comme ce fut le cas en 1910 quand nous n’avions pas d’argent, comme ce fut le cas en 1920, quand nous n’avions pas d’argent et comme ce fut le cas dans les années 1940, il est revenu et il reviendra. Quand il reviendra, je pense que la forme du syndicat sera probablement différente. Sa tolérance à l’injustice sera bien moindre et sa volonté de servir d’alibi à un système dont nous savons qu’il ne fonctionne pas sera inexistante».

Trumka a clairement défini le syndicat qu’il dirigeait alors, et l’AFL-CIO qu’il a ensuite dirigée, comme des organisations qui défendaient sciemment un système capitaliste en faillite. Voyant le soutien croissant des mineurs aux politiques défendues par la Workers League, il avertissait la classe dirigeante américaine que les travailleurs chercheraient une alternative bien plus radicale si les syndicats perdaient leur emprise sur la classe ouvrière.

Quelles conclusions le SEP a-t-il tirées de l’effondrement de l’AFL-CIO et de la disparition du mouvement ouvrier officiel, qui reposait sur les fondations complètement pourries du nationalisme, de l’anti-communisme et de la subordination politique au Parti démocrate?

Dans un rapport du 4 janvier 1992 intitulé «La fin de l’URSS», le camarade North a tiré des conclusions les plus étendues de la liquidation stalinienne de l’Union soviétique. «Partout dans le monde, disait-il, la classe ouvrière est confrontée au fait que les syndicats, les partis et même les États qu’elle avait créés dans une période antérieure ont été transformés en instruments directs de l’impérialisme».

North a cité l’explication de Trotsky dans l’article de 1937 «Pas un État ouvrier, pas un État bourgeois», où il a écrit:

Le caractère d’une organisation ouvrière telle qu’un syndicat se détermine par sa relation à la distribution du revenu national. Le fait que [le président de l’AFL] Green et compagnie défendent la propriété privée des moyens de production les caractérise comme bourgeois. Si ces messieurs devaient en plus défendre le revenu de la bourgeoisie contre les attaques des travailleurs ; s’ils devaient mener une lutte contre les grèves, contre l’augmentation des salaires, contre l’aide aux chômeurs, alors, nous aurions une organisation de briseurs de grève, et non un syndicat.

North poursuit :

Si nous prenons la définition de Trotsky d’un syndicat comme d’une organisation dont le caractère de classe est déterminé par sa relation avec la distribution du revenu national, il est clair qu’un syndicat peut mener des politiques opposées aux intérêts à long terme de la classe ouvrière sans cesser d’être une organisation ouvrière.

Mais lorsque ces dirigeants et organisations collaborent activement avec la bourgeoisie pour abaisser le niveau de vie de la classe ouvrière, briser les grèves, accuser faussement les travailleurs et les faire rejoindre les rangs des chômeurs, alors, bien sûr, nous avons affaire à un changement profond du caractère de classe de ces organisations.

En 1993, la Workers League a retiré sa revendication d’un parti ouvrier basé sur les syndicats qui, dans une période antérieure, avait été si importante pour mobiliser la classe ouvrière contre la bureaucratie pro-capitaliste et pour lutter pour son indépendance politique. Compte tenu de la transformation des syndicats, cette revendication tactique n’était plus viable.

La tâche à laquelle était confrontée la direction révolutionnaire était de saisir la signification de l’effondrement des anciennes organisations nationales aux États-Unis et dans le monde et d’élaborer une voie à suivre pour la classe ouvrière. David North l’a précisé dans son rapport de décembre 1995 qui proposait la transformation de la Workers League en Socialist Equality Party:

Notre tâche n’est pas de spéculer sur le sort de la bureaucratie de l’AFL-CIO ou de nous aligner sur une tendance progressiste inexistante. Nous devons tirer les conclusions appropriées de l’effondrement de l’AFL-CIO et formuler correctement les nouvelles tâches du parti. S’il faut donner une direction à la classe ouvrière, elle doit l’être par notre parti. S’il faut ouvrir une nouvelle route pour la masse des travailleurs, elle doit l’être par notre organisation. Le problème de la direction ne peut être résolu sur la base d’une tactique intelligente. Nous ne pouvons pas résoudre la crise de la direction de la classe ouvrière en «exigeant» que d’autres donnent cette direction. Si un nouveau parti est nécessaire, alors nous devons le construire.

Conclusion

Lors de notre dernière école du parti, il y a deux ans, nous avons discuté qu’après que la lutte du CIQI eut mené à la défaite politique et à l’élimination des tendances néo-pablistes ayant leur centre dans la direction du Workers Revolutionary Party, il y avait eu parmi les principales réalisations de la Quatrième période de la Quatrième Internationale le renforcement des bases internationalistes du parti mondial ; l’élaboration de la stratégie internationale du CIQI ; la défense de l’héritage historique de la Quatrième Internationale ; la conversion des ligues du Comité international en partis et la création du «World Socialist Web Site».

La suppression de la lutte des classes et la collusion de l’AFL-CIO dans le renversement historique de la position sociale de la classe ouvrière ont eu des conséquences économiques, sociales et politiques dévastatrices. Mais nous vivons maintenant dans une situation – quels que soient les efforts désespérés des éléments petits-bourgeois pour contenir l’accumulation des tensions sociales depuis des décennies – où l’AFL-CIO, les staliniens et les sociaux-démocrates ne dominent plus la classe ouvrière.

Notre analyse des syndicats et de la forme que prendrait la lutte de classe – un soulèvement direct contre les anciens appareils syndicaux et une forme de plus en plus internationale – a été entièrement confirmée. Dans la cinquième phase de l’histoire de la Quatrième Internationale, où nous nous trouvons actuellement, nous voyons l’intersection de plus en plus grande entre la perspective et la pratique internationales de notre parti mondial et l’émergence de la lutte de classe mondiale.

Ceci est compris de la classe dirigeante. Le gouvernement Biden regarde la révolte des travailleurs de Volvo et l'intervention du Parti de l'égalité socialiste, et le «Conseil national des relations du travail» (National Labor Relations Board) décide d'organiser un nouveau vote dans l'entrepôt d'Amazon en Alabama. Il dit: soit nous faisons intervenir le syndicat RWDSU pour policer la main-d'œuvre, soit les «maniaques» du SEP et leurs comités de base vont conduire une révolte.

Notre tâche est de diriger les luttes à venir de la classe ouvrière et de fournir aux travailleurs les moyens de lutter pour leurs intérêts de classe et de les garantir.

(Article paru d’abord en anglais le 8 septembre 2021)

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