Assange en danger: L’audience de l’appel de l’extradition américaine commence à Londres

Aujourd’hui, la Haute Cour britannique entame une audience de deux jours sur un appel du gouvernement américain visant à obtenir l’extradition du fondateur de WikiLeaks, Julian Assange, vers les États-Unis.

Cette audience est le point culminant d’une campagne criminelle menée par l’impérialisme américain et ses alliés depuis plus de dix ans. Son caractère est résumé par les révélations des deux dernières années selon lesquelles Assange a été l’objet de complots de la CIA pour le surveiller, l’enlever et l’assassiner.

Le mois dernier, Yahoo News a rapporté que l’administration Trump avait chargé la CIA de rédiger des «options» pour le meurtre d’Assange. Des «esquisses» ont été élaborées et des conversations ont eu lieu pour savoir «si tuer Assange était possible et si c’était légal». Dans l’éventualité d’une tentative d’évasion d’Assange de l’ambassade, éventuellement aidée par des agents russes, le gouvernement britannique avait accepté «d’effectuer les tirs si des coups de feu étaient nécessaires.»

Julian Assange est traîné hors de l’ambassade de l’Équateur à Londres, avril 2019

En 2019, il s’est avéré qu’UC Global, la société de sécurité de l’ambassade d’Équateur à Londres où Assange a demandé l’asile pendant près de sept ans, avait travaillé avec les services de renseignement américains pour espionner le fondateur de WikiLeaks et ses associés. L’année dernière, lors de l’audience d’extradition d’Assange, un ancien employé d’UC Global a affirmé que des plans avaient été discutés pour l’enlever ou l’empoisonner dans l’ambassade.

Cette persécution étatique implacable est une vengeance pour le rôle courageux d’Assange dans la dénonciation des crimes de guerre commis par les gouvernements américain, britannique et australien en Irak et en Afghanistan. La vidéo sur les meurtres collatéraux, les journaux de guerre afghans, les journaux de guerre irakiens et le Cablegate publiés par WikiLeaks ont galvanisé l’opposition populaire massive à la guerre, à la torture et à la répression d’État dans le monde entier.

Le programme meurtrier des puissances impérialistes a été soutenu par une chasse aux sorcières pseudo-légale contre Assange, y compris la constitution d’un grand jury secret qui l’a inculpé en 2019, et l’enquête fabriquée par la Suède sur une supposée agression sexuelle qu’aurait commise le fondateur de WikiLeaks. Le gouvernement australien a refusé toute défense de son citoyen.

Assange a subi une détention arbitraire, des tortures psychologiques, la révocation de son asile et de sa citoyenneté équatorienne, ainsi qu’une condamnation et un emprisonnement vindicatifs dans la prison de haute sécurité de Belmarsh. Il a été placé en détention provisoire sans inculpation, s’est vu refuser à plusieurs reprises et de manière injustifiée une libération sous caution et a fait l’objet d’attaques incessantes contre son droit à une représentation juridique. Les poursuites engagées contre lui ont bafoué le droit à une procédure régulière et le dossier factuel et se sont appuyées sur les affabulations avouées du pirate informatique, fraudeur condamné et délinquant sexuel Sigurdur Thordarson, en échange de l’immunité américaine.

Selon toutes les normes juridiques imaginables, Assange devrait non seulement gagner son procès, mais le voir rejeté par la justice. Les États-Unis font appel d’une décision selon laquelle Assange ne peut être extradé en raison du risque de suicide qu’il court en Amérique. L’extradition est maintenant ouvertement mise à nue comme un complot visant à le mettre entre les mains de ses assassins potentiels.

Toutefois, le tribunal britannique ne se penche pas sur des questions de droit ou de droits de l’homme dans cette affaire. La décision des juges est de savoir si la Grande-Bretagne peut être considérée comme approuvant sans discussion ce qui équivaut à la restitution extraordinaire du journaliste le plus important du 21e siècle.

La voie de l’extradition d’Assange a été tracée par le système judiciaire britannique. En janvier, alors que Trump se préparait ouvertement à un coup d’État fasciste, la juge Vanessa Baraitser du tribunal de district a rendu une décision destinée à laisser le sort d’Assange suspendu à un seul fil. Acceptant chaque planche pourrie de la demande d’extradition du gouvernement américain, elle s’est opposée uniquement pour des raisons médicales, estimant qu’Assange était susceptible de se suicider s’il était extradé.

Les intentions de Baraitser étaient claires. Elle refuse de libérer Assange de prison et le garde à Belmarsh jusqu’à ce que le gouvernement américain fasse appel. Depuis, les États-Unis ont pris la mesure très inhabituelle d’offrir des garanties sans valeur sur le traitement d’Assange et ont obtenu des motifs pour faire appel de la légitimité des preuves médicales fournies au tribunal par un expert psychiatrique expérimenté et respecté.

La décision initiale de Baraitser a également donné le ton de la réponse de la Haute Cour aux révélations de Yahoo sur la CIA, qui constitueront un élément majeur du dossier de la défense cette semaine. Répondant aux arguments concernant l’espionnage par UC Global et la CIA de conversations juridiques privilégiées, Baraitser a déclaré qu’elle ne pouvait pas se prononcer sur l’existence d’une surveillance américaine. Elle a ensuite ajouté que même si cela avait eu lieu, «il n’y a aucune raison de supposer que cela soit lié à cette procédure» et que «les fruits de toute surveillance ne seraient pas vus par les procureurs affectés à l’affaire.»

Quelle que soit la décision que prendra la Haute Cour à cette occasion, Assange risque de rester en prison pendant une longue période. Une décision n’est pas attendue avant plusieurs mois et serait suivie, dans les deux cas, de contestations judiciaires. Sa partenaire, Stella Moris, a prévenu qu’Assange pourrait être incarcéré pendant des années supplémentaires s’il n’est pas extradé rapidement, peut-être dès l’été prochain. «Les deux perspectives sont terrifiantes», a-t-elle déclaré. Quelle que soit l’issue, Assange sera réduit au silence et sa vie sera menacée. Moris a expliqué qu’il avait «l’air très mal en point» lors de sa visite à la prison le week-end dernier.

L’affaire Assange fait fi des principes juridiques et démocratiques parce que sa persécution est une question d’intérêt politique et stratégique fondamental pour la première puissance impérialiste du monde. Dès le début, les États-Unis et leurs alliés ont cherché à détruire Assange à la fois comme un avertissement et un précédent pour empêcher toute dénonciation sérieuse des crimes de guerre impérialistes, des violations des droits de l’homme, des intrigues diplomatiques et de la surveillance massive de l’État – pour couvrir les crimes passés et en préparer de nouveaux.

Ces motivations n’ont fait que se renforcer. Le danger de guerre, dont l’ampleur éclipserait les atrocités commises lors des invasions impérialistes de l’Irak et de l’Afghanistan, continue de croître à mesure que les États-Unis intensifient leur agression contre la Chine à Taïwan et en mer de Chine méridionale. Les provocations à l’étranger s’accompagnent d’une propagande de «gros mensonges» à l’intérieur du pays, notamment des accusations sans fondement d’une origine de la COVID-19 par le laboratoire de Wuhan, et d’un «génocide» contre la population ouïghoure du Xinjiang.

Pendant ce temps, les gouvernements du monde entier se livrent à une criminalité et une corruption sans précédent dans leur gestion de la pandémie, qui, selon des estimations raisonnables, a fait entre 10 et 19 millions de victimes.

Les puissances impérialistes ne peuvent permettre l’existence d’un WikiLeaks fonctionnant librement, décrit par Assange comme une «agence de renseignement du peuple», ou de quoi que ce soit d’équivalent dans un tel monde. Leur plus grande crainte est que de futures révélations puissent contribuer à enflammer l’énorme sentiment d’opposition qui existe dans la classe ouvrière de chaque pays. Si Assange doit être libéré et défendu, c’est cette force sociale qui doit être mobilisée.

D’immenses ressources ont été déployées dans la chasse à l’homme d’Assange, qui s’est déroulée avec la bénédiction de tous les gouvernements impérialistes et des principaux partis politiques du monde. Les médias bourgeois ont soit soutenu activement sa persécution, soit tenté d’étouffer l’affaire tout en s’opposant formellement à l’extradition d’Assange. Les révélations explosives de Yahoo sur Thordarson n’ont pratiquement pas été rapportées.

Les appels moraux à ces forces, ou les espoirs fondés dans la sagesse éventuelle du pouvoir judiciaire britannique, du type de ceux promus par la campagne officielle «N’extradez pas Assange», sont plus qu’inutiles. Les tentatives de mettre en avant une poignée de représentants parlementaires et de «militants» dociles pour s’opposer à cette vaste conspiration sont une farce cruelle. Ces figures sont incarnées par Jeremy Corbyn, qui, lorsqu’il était chef du Parti travailliste, n’a rien fait pour défendre Assange et ne mobilisera personne maintenant.

Une campagne de masse pour libérer Assange doit être basée sur un appel à la classe ouvrière internationale, pour qui la lutte contre l’impérialisme, ses guerres et les inégalités sociales, est une question de vie ou de mort. Le coût de la pandémie et la réponse meurtrière de la classe dirigeante en vies humaines, en salaires et en conditions de travail sont à l’origine d’une vague mondiale de lutte de la classe ouvrière, avec les États-Unis en son centre.

D’autres recours juridiques sont ouverts aux deux parties après l’audience d’aujourd’hui et de demain, mais tous nécessitent l’accord des tribunaux et entraîneraient presque certainement une longue peine d’emprisonnement supplémentaire pour Assange s’ils étaient accordés. Pour éviter une procédure d’extradition expéditive et mettre fin à l’isolement continu d’Assange et à la destruction de sa santé à Belmarsh, il faut l’intervention urgente et organisée des travailleurs du monde entier.

(Article paru en anglais le 26 octobre 2021)

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