Les grévistes de Deere rejettent le deuxième accord entre l’UAW et l’entreprise, démontrant ainsi leur détermination à satisfaire les besoins des travailleurs

Pour en savoir plus sur la manière de rejoindre le Comité des travailleurs de base de John Deere, les travailleurs de Deere peuvent envoyer un courriel à deerewrfc@gmail.com ou un SMS au (484) 514-9797.

Les grévistes de John Deere ont rejeté mardi un deuxième accord de principe soutenu par le syndicat des Travailleurs unis de l’automobile (UAW, United Auto Workers), en votant à 55 pour cent contre et défiant les tentatives de l’UAW de le faire passer en force. Les responsables syndicaux ont publié cinq pages de «points saillants» du contrat deux jours seulement avant le vote dans l’espoir de pousser les travailleurs à accepter l’accord avant qu’ils aient pu l’étudier et en discuter de manière adéquate.

Comme le premier contrat soutenu par l’UAW que les travailleurs de Deere ont rejeté à 90 pour cent le 10 octobre, le dernier accord n’a pas répondu aux demandes des travailleurs concernant le rétablissement des prestations de santé des retraités, des augmentations suffisamment importantes pour compenser un quart de siècle d’érosion des salaires et des améliorations substantielles des conditions de travail. Plus de 10.000 travailleurs du géant mondial de l’équipement agricole et de construction vont commencer jeudi leur quatrième semaine de grève, la première en 35 ans.

Des travailleurs font grève à l’extérieur d’une usine John Deere, mercredi 20 octobre 2021, à Ankeny, dans l’Iowa. (AP Photo/Charlie Neibergall)

Bien que la défaite du contrat soit un pas en avant courageux de la part d’une section importante des travailleurs industriels, il est plus important que jamais que le contrôle de la grève soit arraché des mains des bureaucrates corrompus de l’UAW qui font tout ce qu’ils peuvent pour satisfaire les souhaits de Deere. Il ne fait aucun doute que les dirigeants de l’UAW ont eu des entretiens d’urgence avec leurs homologues de Deere mercredi et continuent à comploter avec l’entreprise sur la manière de surmonter la résistance des travailleurs.

L’expérience de la grève chez Volvo Trucks plus tôt cette année constitue l’avertissement le plus clair pour les travailleurs de Deere. Dans ce cas, l’UAW a réagi à un troisième rejet d’un accord de concession en faisant fi de la volonté des travailleurs et en les forçant à revoter sur l’accord qu’ils venaient de rejeter. Puis ils ont revendiqué la ratification par une avance douteuse de 17 voix.

Pour que leur lutte soit couronnée de succès et que les travailleurs atteignent leurs objectifs, la grève doit trouver une nouvelle voie. Des comités de grève de base doivent être rapidement organisés dans chaque usine Deere et reliés au Comité de base des travailleurs de Deere, afin de briser la censure de l’information qu’exerce l’UAW et mobiliser des renforts pour la grève depuis l’ensemble des industries de l’automobile et de l’équipement lourd.

L’UAW a été clairement stupéfait par la défaite de son accord avec Deere. Dans un communiqué laconique qui annonçait les résultats, le siège du syndicat a écrit: «Par un vote de 45 pour cent de oui contre 55 pour cent de non, les membres de l’UAW John Deere ont rejeté l’accord ce soir. La grève contre John Deere and Company va se poursuivre pendant que nous discutons des prochaines étapes avec l’entreprise. Les piquets de grève se poursuivront et les syndicats locaux fourniront toute mise à jour».

Pour leur part, les porte-parole de Deere ont écrit: «Aujourd’hui, les employés de John Deere dans 12 installations de l’Illinois, de l’Iowa et du Kansas ont rejeté le deuxième accord de principe conclu avec l’UAW. Les employés des usines de pièces de Denver et d’Atlanta ont voté en faveur d’un accord distinct qui comporte des conditions économiques identiques».

De manière menaçante, le communiqué poursuit: «John Deere exécutera la phase suivante de son plan de continuité du service à la clientèle», c’est-à-dire la stratégie de Deere consistant à déployer des briseurs de grève pour maintenir les opérations essentielles, notamment la distribution des pièces.

L’UAW a passé une grande partie de l’après-midi et de la soirée de mardi à tenir les travailleurs dans l’ignorance des résultats du vote dans les différentes usines. De nombreuses sections syndicales ont attendu six heures ou plus après la fermeture des bureaux de vote avant d’annoncer leurs résultats.

La plus grande section locale, la section 838 de Waterloo, dans l’Iowa, qui compte près de 3.000 travailleurs et qui a été un centre d’opposition aux contrats de cette année et de 2015, n’a publié ses résultats qu’après l’annonce du résultat global, dans un effort apparent pour empêcher l’élan vers un vote négatif encore plus important. Les travailleurs de Waterloo ont rejeté l’accord à 71 pour cent, ce qui aurait sans doute catalysé une opposition encore plus forte si les résultats avaient été révélés plus tôt dans la journée. Waterloo a également été le théâtre d’échanges explosifs entre les travailleurs et les représentants de l’UAW lors de la réunion «informative» de mardi matin, l’UAW ayant coupé le micro d’un travailleur qui dénonçait la tentative de capitulation du syndicat.

Alors que l’UAW exerçait une pression intense pour faire adopter son accord avec l’entreprise, les travailleurs d’un certain nombre d’autres usines ont néanmoins voté pour rejeter l’accord et tenter de remporter une véritable victoire.

En plus de Waterloo, les travailleurs d’une autre grande usine de Dubuque, dans l’Iowa, ont également rejeté le contrat par une forte avance, 63 pour cent. Harvester Works à East Moline et le centre de distribution de pièces de Milan, dans l’Illinois, ont voté «non» par 55 pour cent et 53 pour cent, respectivement. L’usine de Des Moines Works a approuvé l’accord de justesse, avec 51 pour cent pour et 49 pour cent contre, tandis que les usines d’Ottumwa et de Davenport, dans l’Iowa, ont voté en faveur de l’accord à un peu plus de 60 pour cent.

L’UAW avait déployé tous les mensonges et toutes les tactiques alarmistes possibles avant le vote. Il a dit aux travailleurs qu’il s’agissait du meilleur accord qu’ils pourraient obtenir tout en faisant miroiter une prime à la signature de 8.500 dollars, qui serait absorbée en grande partie par les impôts et les cotisations, en guise de chantage économique.

Dans les Quad Cities, l’UAW a programmé des votes de ratification séparément pour les quatre établissements de la région, contrairement au premier vote de la convention, où les réunions de ratification avaient été regroupées dans un seul centre de congrès. Cette décision visait à empêcher les travailleurs de se réunir et de discuter de l’accord, mais surtout de protéger les responsables de l’UAW de la colère collective des travailleurs.

Le président de l’UAW, Ray Curry, principal architecte de l’accord de capitulation chez Volvo, et le vice-président Chuck Browning, responsable du département des équipements agricoles de l’UAW, avaient affirmé que le contrat répondait aux «préoccupations et aux priorités» des travailleurs. Les deux ont prétendu que le contrat contenait des «gains économiques» importants, ce que la majorité des travailleurs ont contesté mardi.

Le rejet du contrat chez Deere est la répudiation majeure la plus récente par les travailleurs des politiques propatronales menées par l’UAW et d’autres syndicats depuis plus de 40 ans.

Au moins sept contrats soutenus par l’UAW ont été rejetés cette année, dont quatre à 90 pour cent ou plus chez Volvo, Deere et Dana, un fabricant mondial de pièces automobiles et fournisseur de Deere.

Une vague croissante de refus de contrats soutenus par les syndicats s’est développée cette année, notamment dans le secteur minier (Warrior Met Coal en Alabama et les mines de nickel d’Inco en Ontario, au Canada); la production alimentaire (Frito-Lay et Nabisco); les soins de santé (infirmières dans le Massachusetts et le Michigan) et les métiers du bâtiment (charpentiers à Seattle).

Le rejet des contrats ne reflète pas seulement les préoccupations et les problèmes immédiats auxquels sont confrontés les différents groupes de travailleurs mais, plus profondément, un mouvement qui se développe au sein de la classe ouvrière et qui cherche à passer à l’offensive pour inverser des décennies de reculs imposés par les sociétés et les syndicats, ainsi que la spirale des inégalités sociales.

Après l’annonce des résultats du vote, les travailleurs de Deere ont fait part d’un sentiment renouvelé de confiance en soi et de force dans des commentaires adressés au World Socialist Web Site. Un ouvrier de Waterloo a déclaré qu’il était «fier des gens qui comprennent que nous avons le pouvoir de notre côté». Un ouvrier de l’usine de Davenport a déclaré: «Rien n’est plus puissant que des travailleurs unis. Nous devons tenir bon».

Le Comité des travailleurs de base de Deere a joué le rôle central dans la solidification de l’opposition au dernier accord, en publiant dimanche une déclaration, «Non au chantage de l’UAW et de Deere!», lue et diffusée par des milliers de travailleurs de Deere.

Un membre du Comité des travailleurs de base de Deere, qui travaille à Des Moines Works, a déclaré: «Je suis fier de faire partie du groupe de personnes qui ont osé s’opposer à la cupidité de John Deere et à la trahison des dirigeants de l’UAW qui continuent à trahir leurs membres pour les intérêts des sociétés et leurs gains».

«Mais ce combat ne concernait pas et ne concerne toujours pas que nous», a-t-il poursuivi. «Du moins, pas pour moi. Ce combat est plus vaste. Il s’agit des droits de tous les travailleurs des États-Unis et du monde entier qui luttent chaque jour pour s’en sortir alors que les grandes entreprises engrangent des milliards de dollars année après année. Il s’agit d’ouvrir la voie et de créer des moments historiques comme celui-ci pour montrer qu’on ne peut pas dire que nous sommes essentiels et nous traiter en même temps comme superflus».

«Unis nous restons, divisés nous tombons. Alors, unissons-nous à nouveau et gagnons pour nous tous et ceux qui viendront après nous».

Pour en savoir plus sur la manière de rejoindre le Comité des travailleurs de base de John Deere, les travailleurs de Deere peuvent envoyer un courriel à deerewrfc@gmail.com ou un SMS au (484) 514-9797.

(Article paru en anglais le 3 novembre 2021)

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