Le professeur anti-confinement Didier Raoult mis en cause pour «expérimentation sauvage»

Le site d’informations Médiapart soulève des informations tirées des autorités sanitaires françaises qui mettent en cause le professeur de médecine Didier Raoult. Selon les informations de Médiapart, il aurait mené des expérimentations sauvages lors d’un essai contre la tuberculose, entraînant de graves complications médicales chez plusieurs patients.

Didier Raoult (AP Photo/Christophe Ena)

La publication de ces informations intervient alors que Raoult doit comparaître devant une chambre disciplinaire de l’Ordre des médecins, accusé d’entorses au code de déontologie de la profession.

Ces révélations mettent en cause non seulement Raoult, mais plusieurs gouvernements qui ont tenté de justifier leurs politiques sanitaires pendant la pandémie de COVID-19 en le citant. Le président fascisant du Brésil, Jair Bolsonaro, à présent accusé par une commission parlementaire de meurtre de masse, l’a cité pour justifier sa promotion de l’hydroxychloroquine, médicament sans efficacité contre le coronavirus. Et Emmanuel Macron a travaillé avec Raoult pour essayer de justifier sa politique de «vivre avec le virus» qui a fait 1,3 millions de morts en Europe.

Les accusations sérieuses portées contre Raoult discréditent à nouveau la politique antiscientifique de mort de masse menée par l’élite dirigeante pendant la pandémie de COVID-19.

Selon Médiapart, plusieurs alertes sur le traitement de la tuberculose à l'Institut hospitalo-universitaire Méditerranée Infection (IHU) dirigé par Raoult à Marseille sont remontées au Centre nationale de référence (CNR) à la Pitié-Salpêtrière à Paris. Celui-ci a averti la Société de pathologie infectieuse de langue française (SPILF) qui a demandé à Raoult de cesser le protocole en novembre 2019.

Déjà en août 2019, l’Agence nationale de sécurité du médicament (ASNM) avait reçu de l’IHU de Raoult une demande d’autorisation pour mener cette étude. L’ANSM aurait réagi en envoyant un document avec une série de questions mettant en cause l’utilité et le fondement de l’étude. L’Assistance publique-Hôpitaux de Marseille (AP-HM) a ensuite relayé la décision de l’ANSM.

Au vu «des insuffisances notables du dossier, soulevant de nombreuses interrogations sur la justification de l’étude, au regard de la sécurité des participants à la recherche et de leurs modalités de suivi», l'AP-HM a informé l'ANSM de «sa décision de retrait de sa demande d'autorisation d'essai clinique le 26 septembre 2019. Cette recherche n'a donc pas été autorisée', a précisé l'ANSM à Médiapart.

Néanmoins, ces traitements se sont poursuivis jusqu’à tout récemment, selon les informations de Médiapart. La journaliste de Médiapart, Pascale Pascariello,révèle aussi que plusieurs patients enrôlés dans cette expérimentation vivent dans la précarité, étrangers ou sans domiciles fixes. Les personnes ne parlant pas Français «ne savaient pas forcément que c'était un protocole non-autorisé qu'on leur administrait», souligne-t-elle.

En France, le traitement pour guérir la tuberculose prévoit d’associer quatre antibiotiques recommandés par les instances sanitaires nationales, internationales et par l'OMS, pendant six mois.

Or, «parmi les quatre antibiotiques donnés par Didier Raoult», deux (la sulfadiazine et la minocycline) ne figurent pas dans cette liste approuvée par les instances, et «n'ont pas du tout prouvé leur efficacité, pas même sur les animaux», souligne Pascale Pascariello. La sulfadiazine a notamment une toxicité rénale importante, ce qui pourrait expliquer les effets secondaires sévères observés chez certains malades.

Selon Médiapart, trois participants à l’essai ont dû être opérés en urgence à cause de cet effet secondaire, y compris un mineur âgé de 17 ans.

Une enquête interne a été menée par l’AP-HM, et l’ANSM a saisi le procureur de la République pour plusieurs études menées à l'IHU. Selon l'Express, l'ANSM va «diligenter une inspection au sein de l'IHU». Elle pourrait être accompagnée par l'Inspection générale des affaires sociales (Igas), qui aurait été saisie par le Ministère de la santé, selon France Télévisions. Enfreindre la législation en matière d'essais cliniques est passible d'un an d'emprisonnement et de 15.000 euros d'amende.

Didier Raoult a réagi aux révélations de Médiapart en tweetant que «Les dernières révélations sont une tempête dans un verre d’eau». Très présent sur les réseaux sociaux, Raoult a diffusé une vidéo intitulée «L'hostilité française à la recherche: l'exemple de la tuberculose» qui défend le protocole mis en cause par les autorités sanitaires. Selon lui, celles-ci bloqueraient sa tentative de développer un traitement révolutionnaire des tuberculoses multirésistantes (TB-MR) aux antibiotiques.

Les informations selon lesquelles Raoult mènerait des expériences sauvages sur des personnes démunies jette une lumière crue sur sa promotion de l’hydroxychloroquine. Au début de la pandémie il avait mené un petit essai clinique, de taille beaucoup trop réduite pour être démonstratif et qui avait été très critiqué pour ces défauts de conceptions et qui n’a au final montré aucune amélioration en termes de mortalité. Malgré l'absence d'efficacité démontrée il a prescrit en masse l’hydroxychloroquine pendant toute le confinement et a continué à en faire la promotion pendant des mois, malgré les mises en garde du milieu scientifique. Cela a permis à Trump, Bolsonaro et d’autres dirigeants politiques d’extrême-droite de faire une propagande massive pour l’hydroxychloroquine.

Raoult, présenté désormais comme un «anti-système», a comme avocat l’activiste d’extrême-droite Fabrice Di Vizio, référent santé du parti néofasciste de Florian Philippot, Les Patriotes. Di Vizio intervient régulièrement sur la chaîne d’extrême-droite CNews du milliardaire Vincent Bolloré. Il a dénoncé la vaccination et le passe sanitaire du gouvernement Macron, en comparant la vaccination à un «viol, car c'est un acte fait sous la contrainte. [...] On vous force à porter atteinte à l'intégrité de votre corps.»

Di Vizio, qui a menacé sur Twitter de renvoyer une employée parce qu’elle avait voulu se faire vacciner, est visé par une enquête déontologique du Conseil de l’ordre des avocats du barreau de Paris.

C’est dans ce milieu dégradé et anti-ouvrier que Macron, entre autres, cherchait conseil afin de couvrir sa politique mortifère de «vivre avec le virus». En effet, Raoult a été membre du Conseil scientifique en France et a continué à communiquer avec l’Élysée après avoir quitté ce Conseil, l’année dernière, au milieu de la pandémie. Il a systématiquement minimisé la gravité de la pandémie et condamné le confinement, s’octroyant ainsi une notoriété publique et le soutien d’une portion de le classe politique, notamment à droite et à l’extrême-droite.

Fin janvier, les autorités chinoises avaient placés 11 millions d’habitants de Wuhan en quarantaine stricte pour endiguer l’épidémie et l’OMS prononçait l’état d’urgence internationale. La ministre de la Santé, Agnès Buzyn, a alerté Macron et le premier ministre Edouard Philippe du risque sanitaire en privé mais déclaré publiquement que le virus était une «grippette». Raoult a dit au Journal de Dimanche: «À l'heure de l'hyperréactivité des réseaux sociaux, les responsables politiques ont peur de ne pas en faire assez, alors ils en font parfois trop.»

En mars 2020 le gouvernement Macron a dû imposer un confinement face à une vague de grèves partie de l’Italie à travers l’Europe: les travailleurs exigeaient le droit de s’abriter chez eux. Raoult a réagi en dénonçant le confinement de décision «moyenâgeuse.»

Or, le confinement a permis en moins de deux mois de casser la dynamique de circulation du virus. Si l’État avait continué quelques semaines de plus le confinement et en suite mis en place un service sérieux de traçage des contacts, cela aurait pu éliminer le virus sur le territoire français, voire européen. Mais rien de cela n’a été fait. Macron ne déconfinait que pour imposer un retour à la normale et l’extraction des profits par les banques et le CAC-40 des travailleurs forcés à rester au travail.

Raoult a couvert la sortie bâclée du confinement, le 12 mai 2020, malgré les mises en garde de l’OMS sur une possible reprise de la pandémie en Europe. Il a déclaré que la pandémie «est en train de se résoudre. Il n'y a nulle part de deuxième vague, c'est la courbe banale. Quelques cas sporadiques apparaîtront ici ou là éventuellement s'il y a quelqu'un de super contagieux, mais tout cela ne traduit plus une dynamique épidémique. L'épidémie est en train de se terminer.»

En fait, les vagues suivantes de la pandémie ont tué plus de personnes que la première.

A présent que le gouvernement Macron tente de mettre fin aux mesures sanitaires sur fond de remontée de la pandémie à travers l’Europe, le cas Raoult est un avertissement aux travailleurs. Pour mener une lutte véritablement scientifique pour éliminer le coronavirus, il faut se mobiliser contre le gouvernement Macron, en toute indépendance des appareils syndicaux et autres satellites politiques de Macron, et en opposition consciente à la démagogie d’extrême-droite.

Loading