Le Syndicat canadien de la fonction publique conspire avec le gouvernement Higgs pour mettre fin à la grève du secteur public au Nouveau-Brunswick

Le Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP) a annoncé dans une brève déclaration samedi en fin de journée qu’il avait conclu des accords de principe avec le gouvernement progressiste-conservateur de droite du Nouveau-Brunswick couvrant 20.000 travailleurs du secteur public provincial en grève et 2.000 autres travailleurs à qui la loi interdit de faire grève.

Dans un signal clair que le SCFP a accepté des accords de capitulation, le plus grand syndicat du Canada a ordonné aux grévistes de démanteler les lignes de piquetage et de retourner au travail «dès que possible», sans même qu’ils aient vu, et encore moins voté sur les contrats proposés.

Les 22.000 travailleurs ont voté à 94% en faveur de la grève. (SCFP)

La déclaration du syndicat démontre clairement qu’il a conspiré avec le premier ministre Blaine Higgs et son gouvernement progressiste-conservateur pour mettre fin à la grève sans que les travailleurs n’obtiennent aucune de leurs principales revendications. Craignant l’opposition des travailleurs de la base à sa capitulation, à commencer par l’abandon de la demande des travailleurs d’une augmentation salariale substantielle de «rattrapage» après 15 ans de réductions salariales réelles après inflation, le SCFP refuse de rendre publics les détails des contrats proposés jusqu’à ce que les votes de ratification soient terminés.

La dernière offre du gouvernement rendue publique et la contre-proposition du syndicat étaient presque identiques. Tous deux proposaient des augmentations salariales de seulement 2% par an dans un contrat de cinq ans, avec une augmentation salariale générale supplémentaire de 25 cents par heure pour toutes les classifications d’emploi au cours de chacune des trois premières années. Le seul désaccord portait sur la question de savoir si les augmentations supplémentaires des quatrième et cinquième années du contrat seraient de 25 cents, comme le demandait le gouvernement, ou de 50 cents, comme le proposait le SCFP.

Compte tenu de l’édulcoration répétée des demandes des travailleurs par le SCFP, il n’y a aucune raison de supposer qu’il a obtenu de Higgs qu’il cède sur ce que le premier ministre avait déclaré de manière provocatrice être «l’offre finale» du gouvernement. Mais même si la proposition du syndicat était adoptée dans son intégralité, le règlement salarial global serait encore bien en deçà de l’inflation, ce qui entraînerait une nouvelle baisse de salaire en termes réels pour les travailleurs du secteur public provincial qui sont déjà les moins bien payés au Canada.

En mettant fin à la grève, le SCFP a également annoncé qu’il avait accepté la demande de Higgs selon laquelle les chauffeurs d’autobus scolaires et le personnel de soutien à l’éducation, représentés respectivement par les sections locales 1253 et 2745, perdraient leurs pensions garanties et seraient plutôt inscrits dans des régimes de retraite à «risque partagé». Vendredi, le président du SCFP Nouveau-Brunswick, Steve Drost, a déclaré que les négociateurs syndicaux étaient en pourparlers avec le gouvernement pour voir «s’il est possible d’intégrer certaines protections» dans un régime de retraite à «risque partagé». Puis, quelque 24 heures plus tard, le SCFP a annoncé que les sections locales 1253 et 2745 avaient conclu un protocole d’entente sur les pensions avec le gouvernement Higgs qui, tout au long des deux semaines de grève, a insisté pour que tout règlement soit conditionnel à l’acceptation d’un régime à «risque partagé».

Contrairement aux pensions garanties, les modèles de «risque partagé» libèrent le gouvernement de toute responsabilité de garantir les prestations de retraite si les investissements sont mauvais sur le marché boursier. Lorsqu’il était ministre des Finances du Nouveau-Brunswick de 2010 à 2014, Higgs, avec la collaboration du SCFP, du Syndicat des infirmières et infirmiers du Nouveau-Brunswick et d’autres syndicats du secteur public, a imposé des régimes de retraite à «risque partagé» à la plupart des travailleurs du secteur public de la province. Des 10 sections locales impliquées dans les négociations actuelles, seules les sections locales 1253 et 2745 avaient encore des droits de pension garantis inscrits dans leurs conventions collectives.

La détermination du SCFP à faire passer une entente remplie de concessions est conforme aux efforts qu’il a déployés tout au long du conflit contractuel, qui s’éternise depuis des années, pour isoler et démobiliser les travailleurs du secteur public. Sa plus grande crainte était que leur lutte militante devienne le catalyseur d’une contestation plus large de la classe ouvrière, au Nouveau-Brunswick et dans tout le Canada, du programme d’austérité du gouvernement Higgs et de toute l’élite capitaliste.

Lorsque Higgs a ordonné le retour au travail de 2.000 travailleurs de la santé en grève en abusant des pouvoirs spéciaux accordés à son gouvernement en vertu de l’état d’urgence lié à la COVID-19, le SCFP a refusé d’organiser toute résistance. Invoquant cyniquement l’«autonomie locale» de chaque section syndicale et le droit des travailleurs de déterminer leur propre destin, le président du SCFP Nouveau-Brunswick, Drost, a affirmé qu’il ne donnait pas d’«ordres» à quiconque sur ce qu’il devait faire. Pourtant, à peine plus d’une semaine plus tard, alors que le syndicat était déterminé à mettre fin à la grève et à imposer un contrat à rabais, la préoccupation de Drost pour l’«autonomie locale» et la démocratie des travailleurs s’était évanouie. De connivence avec Higgs, lui et les autres dirigeants du SCFP ont ordonné aux travailleurs de reprendre le travail «dès que possible» et sans même qu’ils aient pu jeter un coup d’œil aux accords proposés.

Le moment choisi pour conclure le règlement montre bien que les bureaucrates du SCFP craignaient que la grève ne devienne le point de ralliement d’une large opposition populaire au programme d’austérité de l’élite dirigeante et à la gestion criminelle de la pandémie, qui a permis à l’oligarchie financière de s’enrichir considérablement tout en provoquant des niveaux sans précédent de décès et de maladie chez les travailleurs. Tout au long des 16 jours de grève, les travailleurs ont obtenu un fort soutien public sur les piquets de grève, avec de nombreux cas rapportés d’autres travailleurs, de parents d’élèves et de propriétaires de petites entreprises apportant de la nourriture et d’autres dons aux grévistes. Des manifestations quotidiennes ont eu lieu à l’extérieur de l’édifice législatif à Fredericton dès que l’assemblée législative a repris ses travaux le 2 novembre. Vendredi, une manifestation réunissant plusieurs centaines de personnes a menacé de se transformer en confrontation directe avec le gouvernement lorsqu’un groupe de manifestants a bloqué un véhicule escorté hors de l’édifice par le service de sécurité de Higgs.

Toujours vendredi, un groupe de parents et d’étudiants a organisé un boycottage de l’apprentissage en ligne en solidarité avec la grève. Le gouvernement de Higgs a fait passer les écoles à l’apprentissage en ligne au troisième jour de la grève, lorsqu’il a mis en lock-out plus de 3.000 travailleurs de l’éducation dans le cadre d’une action agressive visant à intimider les grévistes et à imposer ses attaques sur les salaires et les pensions. Un groupe Facebook intitulé «Après le 12 novembre ... NON à l’école virtuelle» (After November 12 ... NO to online schooling) a été créé mercredi par le parent d’un élève de 10e année et a attiré plus de 1.500 membres en 24 heures. Une affiche a également circulé parmi les élèves, les appelant à boycotter l’enseignement en ligne en solidarité avec la grève. Un étudiant qui s’est joint au boycottage a déclaré à la CBC: «J’espère qu’ils choisiront de payer aux travailleurs ce qu’ils méritent afin que nous puissions tous retourner à notre routine normale.»

Bobbie Collins, une mère de deux enfants, a expliqué que les frais de sa garderie ont augmenté de 60$ par semaine pendant la grève après qu’ils aient prolongé leurs heures d’ouverture. Elle a ajouté que sa famille a subi une perte de revenus car elle et son mari ont dû rester à la maison à tour de rôle pour s’occuper de leurs enfants pendant les cours en ligne. «J’espère qu’ils obtiendront ce qu’ils veulent et qu’ils continueront à faire grève aussi longtemps qu’il le faudra», a-t-elle commenté. «C’est une situation difficile pour les parents, de ne pas avoir leurs enfants à l’école. Mais je ne pense pas non plus qu’il soit juste que ces chauffeurs de bus, ces concierges et ces AE (assistants d’éducation) ne reçoivent pas le salaire qu’ils méritent.»

Dans le contexte de cette colère populaire croissante à l’égard du gouvernement, le SCFP était manifestement terrifié à l’idée que la poursuite de la grève pendant une semaine supplémentaire aurait pu dégénérer en une confrontation politique avec le gouvernement progressiste-conservateur: un gouvernement qui, étant donné son rôle d’instrument des grandes entreprises et des riches, est dirigé comme il se doit par Higgs, un ancien cadre de Irving Oil, l’une des nombreuses entreprises de la famille la plus riche de la province.

Un tribunal du Nouveau-Brunswick doit entendre aujourd’hui [15 novembre] une contestation de l’ordre draconien de retour au travail du gouvernement pour les travailleurs de la santé. Drost et ses collègues bureaucrates syndicaux n’avaient manifestement aucune envie de risquer une situation dans laquelle une décision de justice en faveur des travailleurs, aussi improbable que soit cette perspective, aurait pu donner un élan aux grévistes et forcé le gouvernement à faire marche arrière.

De plus, une date butoir pour le déclenchement d’une grève par près de 600 employés des magasins d’Alcool NB, également représentés par le SCFP, expire mardi soir. Le SCFP a déclaré au cours du week-end qu’il en était aux dernières étapes de la conclusion d’une entente de principe pour ces travailleurs, ce qui indique que le syndicat veut étrangler toute grève avant même qu’elle ne commence.

Le sabotage de la grève par le SCFP jette également une nouvelle lumière sur le rôle politiquement réactionnaire joué par la promotion du nationalisme et du militarisme canadiens par la bureaucratie syndicale. Le SCFP du Nouveau-Brunswick a ordonné aux grévistes de suspendre le piquetage jeudi dernier, le 11 novembre, pour commémorer le jour du Souvenir – un spectacle militariste organisé par la classe dirigeante pour glorifier les guerres impérialistes du passé et obtenir un soutien populaire pour les conflits futurs. Dans une note au langage solennel, le syndicat a ordonné aux grévistes de profiter du jour du Souvenir pour «réfléchir» à la signification de «nos droits démocratiques, y compris le droit de grève».

Dans l’esprit de la «paix du travail» que les syndicats proguerre ont imposée à la classe ouvrière d’Europe pendant la Première Guerre mondiale, en vertu de laquelle ils ont supprimé toutes les grèves afin de donner à la bourgeoisie de chaque pays les coudées franches pour faire avancer impitoyablement ses ambitions impérialistes, la «trêve» d’un jour du SCFP ne s’appliquait qu’aux travailleurs. Le SCFP a repris les pourparlers avec Higgs jeudi après-midi, lors d’une séance de négociation de plusieurs heures. Une autre série de pourparlers a eu lieu vendredi et s’est prolongée «jusqu’aux petites heures samedi», selon la SRC. Après avoir ordonné aux grévistes de «réfléchir» à la valeur de leurs «droits démocratiques», les bureaucrates du SCFP ont intensifié leur conspiration avec Higgs et ses sbires pour les renverser.

Les travailleurs du secteur public du Nouveau-Brunswick devraient rejeter de façon décisive les ententes de principe présentées par le SCFP. Mais pour gagner leur lutte pour l’amélioration des salaires et des conditions de travail, la tâche politique la plus urgente à laquelle les travailleurs du secteur public doivent faire face est de se libérer de l’emprise étouffante du syndicat et d’établir leurs propres formes d’organisation indépendantes, fondées sur les travailleurs de la base. Ce n’est qu’en prenant le contrôle de la lutte entre leurs propres mains que les travailleurs du secteur public seront en mesure de mobiliser le soutien public le plus large possible pour leurs demandes d’emplois décents et sûrs pour tous. Les événements des dernières semaines au Nouveau-Brunswick ont une fois de plus démontré qu’une telle lutte doit être politique et menée en opposition au programme d’austérité capitaliste de l’élite dirigeante et à ses agents dans les appareils syndicaux.

(Article paru en anglais le 15 novembre 2021)

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