Perspectives

Le variant Omicron démasque la stratégie de «vaccin seulement» pour combattre la COVID-19

Dans la mesure où les gouvernements Trump et Biden eurent jamais un plan de lutte contre le COVID-19 — autre que l’obtention d’une immunité collective en permettant la propagation massive du virus dans la population — il était fondé sur la conception que le développement d’un vaccin permettrait, comme la solution miracle, de maîtriser la pandémie.

Le président Joe Biden parle du variant Omicron du COVID-19 nommé le lundi 29 novembre 2021, à Washington. (AP Photo/Evan Vucci)

Dès le début de la crise, début 2020, Trump étant encore président, l’élite industrielle et financière s’est opposée à la mise en œuvre des mesures sanitaires qu’épidémiologistes et virologues préconisaient pour bloquer la transmission du virus. Ce n’est que sous la pression des travailleurs, confrontés à la propagation rapide du Sars-CoV-2 dans leurs usines, entre autre dans l’industrie de la viande et de l’automobile, que Washington et divers gouvernements régionaux et locaux ont cédé et accédé temporairement aux demandes de confinement et de distanciation sociale. Mais à peine le Congrès eut-il adopté le plan de sauvetage des banques et des entreprises à hauteur de plusieurs milliards de dollars (la loi CARES) en mars 2020, que les médias lançaient une campagne pour la fin des mesures sanitaires.

Sanctionnées par ce slogan insidieux : «le remède ne peut être pire que la maladie», c’est-à-dire le coût de la lutte contre la COVID-19 ne devait pas être au détriment des bénéfices des entreprises et de l’accumulation de la richesse privée, les entreprises ont été ouvertes prématurément. Affirmant sans aucune preuve que les jeunes étaient immunisés contre le virus, les appels à la réouverture des écoles se sont rapidement imposés comme le cri de guerre de toutes les forces qui exigeaient une réouverture totale de l’économie et un «retour à la normale».

Alors que le nombre des morts augmentait inexorablement tout au long du second semestre 2020, on a rassuré le public: le développement des vaccins mettrait fin à la pandémie aux États-Unis.

La production de vaccins efficaces par Pfizer et Moderna fin 2020 a été universellement saluée comme la panacée tant attendue qui prouverait que les mesures sanitaires n’étaient pas nécessaires.

Lors de sa conférence de presse du 13 novembre 2020 sur l’initiative de vaccin COVID-19 «Operation Warp Speed», Trump — alors même qu’il se préparait à un coup d’État pour annuler le résultat de l’élection présidentielle — a déclaré: «Ce gouvernement n’ira pas, quelles que soient les circonstances — n’ira pas dans un confinement».

L’insurrection du 6 janvier 2021 a échoué et Biden a pris ses fonctions exactement deux semaines plus tard. Mais l’échec de la tentative de coup d’État de Trump n’a pas produit de changement dans l’approche du gouvernement américain concernant la lutte contre la COVID-19. Non seulement on a poursuivi la stratégie de la «solution miracle», mais on a intensifié la campagne pour rouvrir l’économie et faire revenir les jeunes à l’école. On a écarté toutes les preuves montrant que les jeunes n’étaient pas immunisés contre la COVID-19 et que les écoles seraient une source majeure de la transmission virale.

Même l’utilisation de masques, une mesure sanitaire essentielle pour arrêter la transmission virale, a été abandonnée. L’agence gouvernementale principalement chargée de diriger la lutte contre la COVID-19, les Centres de contrôle et prévention des maladies (Centers for Disease Control and Prevention – CDC) a tardé à reconnaître que le SRAS-CoV-2 se propageait par des aérosols, c’est-à-dire des particules virales infiniment petites en suspension dans l’air. À la mi-mai 2021, alors qu’une nouvelle et désastreuse flambée des infections commençait, le gouvernement Biden a annoncé qu’il mettait fin au port de masque obligatoire.

La stratégie de ‘vaccin seulement’ a été défendue par les gouvernements Trump et Biden, et par les intérêts financiers et industriels qui dictent la politique, pour trois raisons, toutes mauvaises.

Premièrement, elle est entièrement conforme aux intérêts économiques de l’élite industrielle et financière, rendant prétendument inutiles des mesures sanitaires agressives qui empiéteraient sur les profits des entreprises.

Deuxièmement, il s’agit essentiellement d’une solution nationale, qui pourrait finalement être utilisée comme instrument pour renforcer la position de la classe dirigeante américaine par rapport à ses principaux rivaux géostratégiques.

Troisièmement, il s’agit d’une approche pragmatiquement simpliste et individualiste qui ne nécessite pas de réponse sociale large et coordonnée à la pandémie.

Les scientifiques et experts dans le domaine de la santé publique ont averti à maintes reprises que mettre l’accent exclusivement sur les vaccinations ne pouvait pas mettre fin à la pandémie. Si les vaccins constituent une arme puissante dans la lutte contre le SRAS-CoV-2, leur efficacité ultime dépend de leur utilisation dans le cadre d’une stratégie sanitaire mondiale, et non nationale, qui vise à éliminer et éradiquer le virus. En dehors d’une telle stratégie, les vaccinations ne peuvent qu’atténuer la propagation du virus et laissent planer le danger de l’apparition de variants qui dépassent la défense limitée fournie par les vaccins existants.

Ces avertissements ont été tragiquement confirmés par la découverte du nouveau variant Omicron. En plus d’être plus infectieux, Omicron est beaucoup plus évolué que la souche originale, ce qui signifie que les vaccins existants seront moins efficaces. Mardi matin, le Financial Times a publié une interview de Stéphane Bancel, PDG de Moderna, qui averti: «Il n’y a pas de monde, je pense, où [l’efficacité] soit du même niveau… que celui que nous avions avec la variant [Delta]».

Bancel a ajouté: «Je pense qu’il y aura une baisse importante» de l’efficacité. «Tous les scientifiques à qui j’ai parlé disent que cela ne sera pas bon». Il a déclaré au Times que les scientifiques ne s’attendaient pas avant un an ou deux à l’émergence d’un variant aussi fortement muté.

En d’autres termes, le variant Omicron fait courir le risque que l’ensemble de la pandémie retourne à la case départ. Et si ce n’est pas le variant Omicron, ce sera un autre.

L’émergence du variant Omicron a dévoilé les conséquences catastrophiques de la politique nationaliste des États-Unis — et des autres grands pays capitalistes — face à la pandémie. Dans son entretien avec le Financial Times, Barcel a fait une déclaration révélatrice en réponse à ceux qui ont reproché à Moderna de ne pas en faire assez pour distribuer le vaccin au niveau mondial. «Il s’agissait principalement d’une décision politique des pays riches», a-t-il déclaré. «Aux États-Unis, on nous a dit que nous n’avions pas d’autre choix que de donner 60 pour cent de notre production au gouvernement américain».

Cette stratégie de la «forteresse Amérique», qui consiste à vacciner dans un seul pays, est désormais confrontée au fait que la pandémie est une crise mondiale qui ne peut être résolue qu’à l’échelle mondiale. L’évolution d’une nouvelle souche qui semble avoir trouvé son origine en Afrique australe, où un infime pourcentage de la population est entièrement vacciné, s’est rapidement répandue dans le monde entier.

Même aux États-Unis, la classe dirigeante est confrontée à la résistance d’une partie importante de la population à la vaccination. Moins de 60 pour cent de la population américaine est entièrement vaccinée. Dans le Michigan, l’épicentre actuel de la pandémie aux États-Unis, moins de 55 pour cent de la population est entièrement vaccinée.

Il est assez facile, et pas très utile, de mettre le refus d’une grande partie de la population de se vacciner sur le compte de l’arriération et de l’ignorance. Il ne fait aucun doute que la pandémie a jeté une lumière inquiétante sur des problèmes culturels profonds et malsains aux États-Unis. Mais la tâche de l’éducation sociale est compromise lorsque le gouvernement et les médias, loin de tenter d’éduquer le public, répriment sans relâche les connaissances scientifiques et propagent mensonges et désinformation.

Dès l’annonce de l’existence d’Omicron, le gouvernement a immédiatement cherché à minimiser le danger. Biden s’est présenté devant la presse pour offrir l’assurance vide de sens que tout irait bien. Il a explicitement rejeté l’imposition de mesures de confinement ou de toute autre mesure de sanitaire pour contrer cette nouvelle menace. Rien ne devait entraver la saison des achats de Noël, si fondamentale pour Wall Street!

Pendant deux ans, la réponse à la pandémie a été subordonnée aux intérêts de la classe dominante. Des millions de vies ont été sacrifiées sur l’autel du profit.

C’est pourquoi la lutte contre la pandémie n’est pas une question purement médicale. Il ne s’agit pas non plus de plaider auprès des gouvernements pour qu’ils adoptent une politique différente, puisque leurs actes sont déterminés par les intérêts de classe qu’ils représentent.

Le variant Omicron montre clairement que la seule stratégie viable pour arrêter la pandémie et sauver d’autres millions de vies est celle de l’élimination et de l’éradication au plan mondial. Cela nécessite et implique tant la production et distribution de vaccins à l’échelle mondiale que l’application de tout l’arsenal des mesures sanitaires: fermeture des écoles à l’enseignement en présentiel, arrêt de la production non essentielle, dépistage de masse et recherche des contacts, et l’isolement sûr des personnes contaminées.

La mise en œuvre de cette stratégie nécessite toutefois le développement d’un mouvement social de masse de la classe ouvrière. La réponse au virus doit être retirée des mains de la classe dirigeante. Sur chaque lieu de travail et dans chaque usine, aux États-Unis et dans le monde, des comités de la base doivent être créés pour imposer la fermeture des installations dangereuses et celle des écoles à l’enseignement en présentiel. Là où les lieux de travail restent ouverts, des comités de sécurité doivent contrôler les conditions et s’assurer que les travailleurs soient protégés.

Le développement d’un mouvement de masse contre les politiques criminelles des gouvernements capitalistes passe par l’éducation des travailleurs et des jeunes quant à la nature de la pandémie. L’enquête mondiale des travailleurs, initiée par le World Socialist Web Site, jouera un rôle majeur en fournissant l’impulsion sociale et politique pour la mobilisation et l’intervention de la classe ouvrière dans la lutte, pour mettre fin à la pandémie.

L’apparition du variant Omicron et sa propagation rapide dans le monde entier démontrent l’urgence de l’Enquête et de la stratégie avancée par le WSWS lors de son webinaire du 24 octobre 2021 comme base de la lutte pour arrêter la pandémie.

  1. La cible du SRAS-CoV-2 — le virus à l’origine de la COVID-19 — ne sont pas les individus, mais des sociétés entières. Le mode de transmission du virus est orienté vers une infection de masse. Le SRAS-CoV-2 a évolué biologiquement pour frapper des milliards de personnes et, ce faisant, en tuer des millions.
  2. Par conséquent, la seule stratégie efficace est celle qui repose sur une campagne coordonnée à l’échelle mondiale et visant à éliminer le virus sur chaque continent, dans chaque région et chaque pays. Il n’y a pas de solution nationale efficace à cette pandémie. L’humanité — les gens de toutes les races, ethnies et nationalités — doit affronter et surmonter ce défi par un vaste effort collectif et véritablement désintéressé à l’international.
  3. Les politiques menées par pratiquement tous les gouvernements depuis le début de la pandémie doivent être rejetées. On ne peut plus continuer à permettre que soit subordonné aux profits de la grande entreprise et à l’accumulation privée de richesse ce qui devrait être la priorité incontestée de la politique sociale – la protection de la vie humaine.
  4. L’initiative d’un virage décisif vers une stratégie orientée vers l’élimination globale doit venir du mouvement de millions de personnes conscientes de leurs responsabilités sociales.
  5. Ce mouvement mondial doit s’appuyer sur la recherche scientifique. Il faut mettre un terme à la persécution des scientifiques — dont beaucoup travaillent sous la menace de perdre leurs moyens d’existence et même leur vie. L’élimination globale du virus nécessite l’alliance la plus étroite entre la classe ouvrière — la grande masse de la société — et la communauté scientifique.

Nous appelons les travailleurs, les jeunes, les élèves et les étudiants à soutenir le travail de la Commission d’enquête et à diffuser ses conclusions le plus largement possible. Nous lançons également un appel aux scientifiques et à tous ceux qui sont actifs dans le domaine de la santé publique pour qu’ils fournissent informations et assistance professionnelle afin de faire avancer les travaux de l’Enquête.

A cette fin, contactez le WSWS en utilisant le formulaire ici.

(Article paru d’abord en anglais le 1er décembre 2021)

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