Les Forces armées canadiennes fournissent une formation militaire aux néonazis ukrainiens

Les Forces armées canadiennes (FAC) entraînent des groupes néonazis actifs dans les Forces armées de l’Ukraine et dans la Garde nationale de l’Ukraine et collaborent avec eux, à la connaissance et avec l’approbation tacite des gouvernements canadiens successifs.

Le 8 novembre, le Ottawa Citizen a rapporté que des responsables de l’armée et du ministère de la Défense ont tenté de dissimuler une réunion qui a eu lieu en 2018 entre un groupe d’«officiers et de diplomates» canadiens et des membres du bataillon Azov, un groupe ouvertement fasciste dont les membres sont intégrés à la Garde nationale de l’Ukraine. Informés de son idéologie nazie en 2017, les responsables canadiens ne se souciaient que du fait que la réunion reste secrète. Elle a été révélée lorsque le bataillon Azov s’en est vanté sur les médias sociaux.

Cette révélation préjudiciable arrive à un moment inopportun pour l’élite dirigeante du Canada, qui envisage actuellement d’étendre son déploiement militaire en Ukraine dans le cadre d’une escalade importante des préparatifs militaires contre la Russie coordonnée par l’OTAN. Le gouvernement libéral de Trudeau envisagerait d’envoyer un navire de guerre en mer Noire, de déployer en Ukraine des avions de chasse CF-18 actuellement stationnés en Roumanie et d’augmenter le contingent actuel de 200 membres des FAC en Ukraine.

Les révélations sur l’alliance du Canada avec les combattants nationalistes ukrainiens d’extrême droite montrent à quel point les puissances de l’OTAN sont prêtes à collaborer avec les forces politiques les plus réactionnaires dans le cadre de leur escalade militaire agressive contre la Russie. L’offensive militaro-stratégique menée par les États-Unis contre la Russie, qui a vu l’OTAN déployer des forces le long d’une grande partie des frontières occidentales de la Russie, vise à soumettre l’Ukraine et d’autres anciennes républiques soviétiques à la domination occidentale et à ouvrir la Russie elle-même à une exploitation de type néocolonial par les puissances impérialistes.

La légende dit: Une photo publiée sur la page Facebook des «Forces armées canadiennes en Ukraine» montre le commandant à l’époque de l’opération canadienne UNIFIER, le lieutenant-colonel Ryan Stimpson, qui prend la parole lors de la remise des diplômes de la NAA à l’International Peacekeeping and Security Center à Yavoriv (Photo: Université George Washington, Institut d’études européennes russes et eurasiennes)

Une étude [en anglais] de l’Institut d’études européennes russes et eurasiennes de l’université George Washington a récemment révélé que les forces militaires canadiennes formaient des étudiants de l’Académie nationale de l’armée de l’Ukraine (NAA) appartenant à une organisation néonazie appelée «Centuria». La NAA est la version ukrainienne du Collège militaire royal du Canada, où sont formés les futurs officiers et commandants militaires. Des conseillers militaires canadiens, américains et venant d’autres pays de l’OTAN élaborent le programme d’études de la NAA.

Centuria fonctionne comme une aile du bataillon Azov au sein de la NAA et cherche à former un «corps d’élite» d’officiers acquis à l’idéologie néonazie. Le Bataillon Azov, qui célèbre les fascistes nationalistes ukrainiens qui ont collaboré avec les nazis dans leur «guerre d’extermination» contre l’URSS, a été qualifié d’organisation terroriste par le département d’État américain; ceci bien que Washington ait lui-même fait appel à Azov et à d’autres groupes nationalistes ukrainiens d’extrême droite pour renverser le gouvernement ukrainien lors du coup d’État «Maïdan» de février 2014.

En 2019, Centuria a participé à une manifestation fasciste qui a attaqué l’événement de fierté LGBTQ de Kiev, appelant les «patriotes de droite, les nationalistes, les conservateurs et les chrétiens» à «défendre les rues contre les pervers.» En avril 2021, les dirigeants de Centuria se sont vantés sur les médias sociaux ukrainiens de «coopérer activement avec leurs collègues étrangers... en participant à des exercices militaires avec la France, la Grande-Bretagne, le Canada, les États-Unis, l’Allemagne et la Pologne...» Le même mois, le groupe a participé à une marche glorifiant les exploits de la 14e division de la Waffen-SS nazie, la «division Galicie», qui était composée de fascistes ukrainiens. Centuria rend hommage à cette division nazie au motif qu’elle a «vaincu la contagion bolchevique...»

Publication de Centuria sur les médias sociaux dans laquelle l’organisation se vante d’avoir reçu une formation militaire des Forces armées canadiennes, de l’armée américaine et de celles d’autres pays de l’OTAN. (Photo: Institut d’études européennes, russes et eurasiennes)

La 14e division de la Waffen-SS a été déclarée organisation criminelle lors des procès de Nuremberg. Ses hauts responsables étaient issus des rangs des tueurs de masse nazis chevronnés.

La marche néonazie du 2021 avril a provoqué un tollé politique en Ukraine, où les forces nazies ont assassiné des millions de personnes pendant la Seconde Guerre mondiale. Malgré le fait que l’État ukrainien déploie ouvertement des combattants fascistes, tels que ceux qui composent Azov, dans sa guerre civile dans le Donbass, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a été contraint de publier une déclaration remarquable le 30 avril: «Le ministère des Affaires étrangères de l’Ukraine a déjà condamné toute manifestation de glorification des troupes de la Waffen-SS et rappelle que la propagande sur les régimes totalitaires est interdite en Ukraine. Nos partenaires étatiques ont déjà été informés que les violations de la législation pertinente en Ukraine auront des conséquences logiques pour toute personne qui s’en rendra coupable.»

Pourquoi le ministère des Affaires étrangères mettrait-il en garde ses «partenaires étatiques» – un euphémisme diplomatique pour désigner l’OTAN – contre la «glorification de la Waffen-SS»?

Parce que c’est exactement ce que fait le gouvernement canadien. Au début des années 1950, le gouvernement canadien a offert un refuge à plus de 2.000 anciens combattants de la division Galicie de la Waffen-SS, et il continue de les défendre. Le Congrès des Ukrainiens Canadiens d’extrême droite, qui défend ouvertement ces anciens combattants nazis et glorifie le dirigeant ukrainien fasciste de la Seconde Guerre mondiale, Stepan Bandera, exerce une influence considérable à Ottawa. La vice-première ministre, Chrystia Freeland, a été une militante au sein de la diaspora ukrainienne de droite toute sa vie. Elle est la petite-fille de l’un des principaux promoteurs de la division Waffen-SS Galicie, Mihailo Chomiak, rédacteur en chef d’un journal pronazi dans la Pologne occupée. Chomiak et le Comité central ukrainien, l’organisation pour laquelle le journal s’exprimait, l’ont utilisé pour attiser la haine envers les «bolcheviques juifs» et pour appeler les Ukrainiens à rejoindre la Waffen-SS.

Les premiers ministres Stephen Harper et Justin Trudeau ont tous deux été accompagnés par des dirigeants du Congrès des Ukrainiens Canadiens, comme Paul Grod, lors de visites passées en Ukraine. Grod a fait l’éloge de la division Waffen-SS lors du jour du Souvenir en 2010, en disant que ses membres «ont combattu pour l’indépendance de l’Ukraine.» Des politiciens libéraux et conservateurs ont rendu hommage aux fascistes ukrainiens lors de commémorations organisées autour de monuments publics qui ont été érigés par des vétérans ukrainiens de la 14e division de la Waffen SS et de l’OUN(B), l’Organisation des nationalistes ukrainiens, une armée fasciste qui a combattu aux côtés des nazis contre l’Union soviétique.

Les Forces armées canadiennes affirment que le Canada n’est pas responsable si des néonazis sont formés par des militaires canadiens. Dans une déclaration, elles ont affirmé que «c’était à l’Ukraine de vérifier les antécédents de ses propres forces de sécurité», ajoutant que «le personnel militaire canadien pouvait refuser de former des soldats» soupçonnés de liens néonazis. En réalité, aucun refus de ce type n’a eu lieu, à la fois parce qu’il serait considéré comme une menace pour la mission de formation des FAC et parce que le corps des officiers a des sympathies de plus en plus prononcées pour la droite. Même le chef de l’armée canadienne, le lieutenant-général Wayne Eyre, a admis que «nous avons un problème avec les activités d’extrême droite dans l’armée».

Les inquiétudes concernant le fait que l’armée canadienne puisse potentiellement fournir une formation militaire aux néonazis ukrainiens ont été soulevées à plusieurs reprises depuis 2015, lorsque le ministre de la Défense conservateur de l’époque, Jason Kenney, a envoyé 200 membres des FAC à Kiev dans le cadre de l’opération UNIFIER. Cette décision a été prise peu de temps après le coup d’État de Maïdan, dirigé par des fascistes et parrainé politiquement par les gouvernements américain et canadien et leurs alliés européens. La mission de formation de l’opération UNIFIER se poursuit.

Kenney a faiblement prétendu que le fait de limiter la formation à la Garde nationale de l’Ukraine et aux militaires ukrainiens empêcherait les sympathisants nazis d’apprendre les techniques militaires canadiennes. Mais il était bien connu que ces assurances étaient frauduleuses, puisque la Garde nationale de l’Ukraine intégrait déjà dans ses rangs divers groupes fascistes, dont le bataillon Azov.

En fait, les révélations sur Centuria n’indiquent pas tant la «formation accidentelle de nazis» qu’une culture consciente de l’idéologie d’extrême droite au sein des Forces armées canadiennes et des forces armées de ses partenaires de l’OTAN. Les forces d’extrême droite sont mobilisées à travers l’Europe alors que la classe dirigeante abandonne les normes démocratiques bourgeoises, et que le système capitaliste s’enfonce toujours plus profondément dans la crise accélérée par la pandémie de COVID-19.

Les forces d’extrême droite s’enhardissent également au Canada, comme en témoignent leurs manifestations agressives visant le premier ministre Justin Trudeau et les travailleurs de la santé lors de la récente campagne électorale fédérale. En juillet 2020, l’activiste de droite et réserviste de l’armée canadienne Cory Hurren a tenté d’assassiner Trudeau, motivé par sa croyance délirante que celui-ci est un «communiste».

En fait, Trudeau est un politicien capitaliste de droite, qui défend les intérêts de l’impérialisme canadien au pays et dans le monde. En plus de soutenir les offensives militaro-stratégiques menées par les États-Unis contre la Russie et la Chine, le gouvernement Trudeau, avec Freeland très impliquée dans ces événements, a soutenu la tentative de coup d’État d’extrême droite menée par Juan Guaido au Venezuela et le renversement du gouvernement bolivien d’Evo Morales par un coup d’État d’extrême droite en 2019.

Sous les gouvernements précédents, les FAC ont collaboré avec les forces d’extrême droite dans leurs guerres et interventions militaires. En 2004, Washington et Ottawa ont utilisé les restes des Tontons Macoutes, les brutes de l’ancienne dictature des Duvalier, pour ouvrir la voie à leur occupation d’Haïti et à l’éviction du président élu du pays, Jean-Bertrand Aristide. La collaboration entre l’armée canadienne et les islamistes d’extrême droite était si étroite lors de la guerre de changement de régime menée par l’OTAN en Libye en 2011 que les officiers des FAC eux-mêmes ont plaisanté en disant qu’ils étaient «les forces aériennes d’Al-Qaïda.»

L’impérialisme canadien compte sur les services de ces forces d’extrême droite à l’étranger pour renforcer sa position stratégique et maintenir les marchés ouverts à la pénétration du capital canadien et le coût de la main-d’œuvre à un bas niveau, afin de maximiser les profits capitalistes.

Le commandant SS (Oberfurer) Fritz Freitag (à gauche) fait le salut nazi de la 14e division SS Galicie. (Photo: Esprit de Corps)

Au moins un éminent apologiste de l’extrême droite ukrainienne enseigne au Collège militaire royal du Canada. Lubomyr Luciuk, un donateur au Congrès des Ukrainiens Canadiens, est professeur de sciences politiques au Collège militaire royal, tout en étant un apologiste de longue date de l’OUN(B). Luciuk a demandé au gouvernement canadien «d’enquêter sur les “crimes de guerre” soviétiques», tout en minimisant ou en niant carrément les crimes commis par les collaborateurs ukrainiens des nazis. En 2001, Luciuk a écrit: «Aucun membre de la division ukrainienne “Galicie” ne peut être poursuivi pour un crime de guerre ou un crime contre l’humanité, car il n’existe aucune preuve de tels crimes.» Luciuk a fait campagne contre l’exposition sur l’Holocauste au Musée canadien des droits de l’homme. Fervent anticommuniste, Luciuk est profondément impliqué dans «l’éducation» des futurs dirigeants militaires canadiens sur des sujets tels que l’histoire et la géostratégie.

Si l’on enseigne aux étudiants du Collège militaire royal que les nazis ukrainiens de la Seconde Guerre mondiale se battaient pour une «juste cause», seront-ils préparés à réprimer des grèves ou à écraser une insurrection de la classe ouvrière canadienne? Comment l’armée canadienne gère-t-elle son «problème d’extrême droite» si les instructeurs de sa principale académie militaire font l’éloge des fascistes ukrainiens et des collaborateurs nazis impliqués dans les crimes les plus horribles du régime nazi?

(Article publié en anglais le 2 décembre 2021)

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