Les banques allemandes et les grandes entreprises profitent de la mort dans la pandémie

Le taureau et l'ours devant la Bourse de Francfort (Crédit : Eva Kröcher/Wikimedia)

Pour les grandes entreprises et les banquiers d’affaires, la pandémie de coronavirus signifie une orgie d’enrichissement massif. Cela s’applique au niveau international, mais surtout à l’Allemagne.

Au troisième trimestre 2021, les 40 entreprises cotées à l’indice boursier Dax ont réalisé un bénéfice total de 35,7 milliards d’euros. C’est 152 pour cent de plus qu’à la même période l’année dernière et 21 pour cent de plus qu’au troisième trimestre 2019, la dernière période comparable avant la crise du coronavirus.

Les banquiers d’affaires se réjouissent de recevoir les bonus les plus élevés depuis six ans. «Bonus booster pour les dealmakers», titre cyniquement le quotidien financier Handelsblatt. La Deutsche Bank envisage d’augmenter de 20 pour cent les bonus des employés de ses divisions de banque d’investissement, rapporte le quotidien. Il cite des «personnes au fait de la question». Dans les banques américaines Goldman Sachs Group et JPMorgan Chase, les pools de bonus pour les banquiers des marchés de capitaux et des activités de conseil pourraient augmenter jusqu’à 50 pour cent.

«Les banques, des États-Unis à l’Europe, ont vu les bénéfices de la banque d’investissement bondir cette année et l’activité de transaction atteint des niveaux records», rapporte le Handelsblatt. Les bénéfices avant impôts de la Deutsche Bank ont augmenté de 32 pour cent au cours des neuf premiers mois de l’année, selon le journal.

L’année dernière, la Deutsche Bank avait déjà versé 2,14 milliards d’euros de primes à ses employés haut placés. Six cent quatre-vingt-quatre (684) des employés de la banque ont empoché plus d’un million d’euros chacun en 2020, soit le plus grand nombre de millionnaires en revenus parmi les banques européennes. Chez Barclays, il n’y avait «que» 448 millionnaires en revenus et seulement 324 chez HSBC. Si la Deutsche Bank augmente la somme de ses bonus de 20 pour cent supplémentaires, près de 2,5 milliards d’euros iront dans les poches de ses banquiers d’affaires cette année.

À titre de comparaison, la coalition «tricolore» composée des sociaux-démocrates (SPD), des Verts et des libéraux démocrates (FDP) a prévu un budget d’un milliard d’euros pour verser aux infirmières des primes uniques liées au coronavirus, pour les charges particulières qu’elles ont dû assumer pendant la pandémie. La prime s’élève à un maximum de 3.000 euros par personne et sera versée au plus tôt au printemps prochain, mais on ne sait pas encore qui y a droit et combien chacun recevra. Des centaines de milliers d’infirmières qui travaillent jusqu’à leurs limites physiques et mentales pour sauver des vies ne recevront même pas la moitié de ce que reçoivent quelques centaines de spéculateurs professionnels et de profiteurs de pandémie à la Deutsche Bank.

Une corrélation directe existe entre le fardeau des uns et l’enrichissement des autres. Tels des vautours qui se régalent des victimes d’une catastrophe, les profiteurs des banques s’enrichissent des conséquences de la pandémie de coronavirus. Le gouvernement allemand et la Banque centrale européenne ont injecté des centaines de milliards d’euros dans l’économie sous forme d’«aide gouvernementale au coronavirus». C’est de l’argent bon marché qui, directement ou indirectement, va dans les poches des super-riches.

«Dans le monde entier, les banques d’investissement ont engrangé des bénéfices élevés en 2021 — également grâce à l’intervention énergique de nombreux États. Ces derniers ont emprunté de nombreux milliards à cause du coronavirus ; et aussi grâce aux banques centrales, qui ont alimenté les marchés financiers en argent bon marché». C’est ainsi que le Süddeutsche Zeitungdécrit ce processus. «Les banques ont surtout profité du fait que beaucoup plus d’entreprises ont émis des obligations, sont entrées en bourse ou ont planifié des rachats, mais aussi du fait que peu d’entreprises ont fait faillite… Le fait qu’elles doivent aussi leurs bonnes affaires aux aides publiques est probablement d’une importance secondaire pour de nombreux banquiers.»

Les grandes entreprises industrielles ont également bénéficié de l’ouverture des robinets à argent par le gouvernement et d’une politique de lutte contre les coronavirus qui a maintenu les usines et les écoles ouvertes au prix de 7 millions d’infections et de plus de 100.000 décès en Allemagne.

«Malgré les pénuries mondiales de semi-conducteurs, le coût élevé des matières premières et la perturbation des chaînes d’approvisionnement, les grandes entreprises allemandes ont quand même battu à nouveau des records de ventes et de bénéfices au troisième trimestre», rapporte Manager Magazin. Il dresse la liste des gagnants de la crise et a du mal à contenir sa joie: «Deutsche Telekom est en tête du classement des bénéfices, devant Allianz et les constructeurs automobiles. BASF et Bayer font un retour en force».

Dans l’ensemble, selon le rapport, le chiffre d’affaires total des 40 entreprises du Dax a augmenté de 9 pour cent par rapport à la même période de l’année dernière et de 4 pour cent par rapport à l’année précédant la crise. «Les plus grandes entreprises allemandes génèrent donc plus de ventes que jamais». Seules trois entreprises, VW, Airbus et Conti ont connu une baisse de leurs ventes au troisième trimestre.

Avec la hausse des ventes, les bénéfices ont explosé — passant de 14,2 milliards d’euros à la même période l’année dernière à 35,7 milliards d’euros au troisième trimestre de 2021.

Les travailleurs des entreprises suivantes devraient examiner de près cette manne de bénéfices et en tirer des conclusions quant à la part de leur travail dans sa création.

La première place du classement des bénéfices de Manager Magazinrevient à Deutsche Telekom, avec 3,5 milliards d’euros. Le groupe d’assurance Allianz suit en deuxième position avec 3,2 milliards d’euros. Les troisième, quatrième et cinquième places — malgré la crise des puces électroniques et la baisse des ventes — sont occupées par les constructeurs automobiles. À eux seuls, Volkswagen, Daimler et BMW ont généré un bénéfice d’exploitation combiné de 8,4 milliards d’euros, soit 800 millions d’euros de plus que l’année précédente.

BMW a enregistré une augmentation de ses bénéfices de 50 pour cent, Daimler d'un peu moins de 16 pour cent. Malgré une baisse de 18 pour cent de ses bénéfices, Volkswagen a enregistré le cinquième bénéfice le plus élevé de toutes les entreprises du Dax, soit 2,5 milliards d'euros. «Cela signifie que les coffres des constructeurs automobiles sont bien remplis malgré la baisse des ventes», commente Manager Magazin.

C’est également le cas au niveau international. «Les 16 plus grands constructeurs automobiles du monde ont généré plus de bénéfices que jamais au troisième trimestre, malgré la pénurie de puces en silicium et des usines à l’arrêt», indique un autre article du même magazine. Les bénéfices d’exploitation de ces sociétés ont augmenté de 11 pour cent en glissement annuel pour atteindre 23,1 milliards d’euros. Cela, malgré une baisse des ventes de 1,6 pour cent à 371 milliards d’euros et un effondrement des ventes unitaires de 16 pour cent.

Selon une étude d’EY citée par Manager Magazin, la marge bénéficiaire moyenne des 16 plus grands constructeurs automobiles du monde est passée de 6,2 à 7 pour cent. Avec 14,6 pour cent, le constructeur de voitures électriques Tesla a réalisé la marge la plus élevée, suivi de BMW (10,5 pour cent), Toyota (9,9 pour cent) et Daimler (9,2 pour cent).

Tesla est également en tête en termes de valorisation boursière: la capitalisation boursière des 16 entreprises étudiées a augmenté de 41 pour cent depuis le début de l’année pour atteindre deux mille milliards de dollars américains, dont mille milliards pour Tesla seul. La valeur boursière de Ford, Mitsubishi et General Motors a augmenté le plus. En revanche, la valeur boursière de Suzuki et de Renault a baissé.

Les bénéfices records des plus grands constructeurs automobiles ont également été en partie générés aux dépens de leurs fournisseurs. Selon le cabinet de conseil en gestion PwC, seuls 24 pour cent des fournisseurs sont encore en bonne santé financière. Environ 42 pour cent d’entre eux, en revanche, se trouvent «dans une situation financière tendue».

Les records de bénéfices de l’industrie automobile sont dépassés par les groupes chimiques et pharmaceutiques BASF et Bayer qui génèrent désormais des bénéfices qui se chiffrent en milliards, après des pertes l’année précédente, ainsi que par le groupe immobilier Vonovia et le géant des services publics RWE, chacun a plus que triplé ses bénéfices.

L’orgie d’enrichissement des bourses et des banques explique pourquoi, à l’exception de la Chine, aucun gouvernement n’est prêt à prendre les mesures nécessaires qui s’imposeraient selon les conclusions scientifiques, pour enrayer la pandémie. Avant tout, les écoles et les entreprises doivent rester ouvertes à tout prix afin que les parents restent disponibles pour générer des profits.

Si la situation actuelle n’arrive à se maintenir — alors, non seulement le taux de profit menace de s’effondrer, mais l’ensemble du système financier risque de s’écrouler comme un château de cartes. La finance internationale ressemble de plus en plus à un système de Ponzi, qui ne génère des profits que tant que de l’argent frais continue à affluer. Les banques centrales, les banques commerciales les bourses et les grandes entreprises ont créées une énorme bulle spéculative. Cette dernière menace d’éclater si l’exploitation des travailleurs ne peut s’intensifier constamment.

Dans la zone euro, la taille du secteur financier — mesurée au stock total d’actifs financiers — a doublé au cours des 20 dernières années par rapport à la production économique annuelle. En 2020, la Deutsche Bank a accordé des prêts pour un montant de 431 milliards d’euros dans le monde, dont 100 milliards à des entreprises commerciales. En comparaison, les positions à risque issues du commerce des produits dérivés, c’est-à-dire des transactions spéculatives, s’élèvent à trente-deux mille milliards d’euros.

L’explosion des profits, alors que des millions de personnes meurent et tombent malades à cause de la

La lutte contre la pandémie et les attaques contre les droits et les acquis de la classe ouvrière que cela implique nécessite une stratégie socialiste. Les travailleurs doivent s’organiser indépendamment des syndicats dans des comités de base, s’unir au niveau international et construire le Sozialistische Gleichheitspartei (Parti de l’égalité socialiste, PES).

(Article paru d’abord en anglais le 23 décembre 2021)

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