Près de 300 réfugiés se sont noyés en Méditerranée au cours de la semaine précédant Noël

Une femme tient un bébé de 3 mois alors que des migrants et des réfugiés de différentes nationalités africaines attendent de l’aide sur un bateau pneumatique surchargé, tandis que de travailleurs humanitaires de l’ONG espagnole Open Arms s’approchent d’eux. (AP Photo/Bruno Thevenin)

Au cours de la semaine qui précède Noël, près de 300 réfugiés se sont noyés dans plusieurs accidents de bateau en mer Méditerranée. Selon l’Organisation internationale pour les migrations, au moins 200 personnes sont mortes au large des côtes libyennes et des dizaines d’autres ont péri en mer Égée. Selon les données officielles, au moins 1.887 personnes se sont noyées en Méditerranée cette année alors qu’elles cherchaient l’asile.

Plus récemment, les corps de 28 personnes ont été retrouvés près de la ville portuaire d’Al-Khums, dans l’ouest de la Libye. «L’état de décomposition avancée des corps suggère que le naufrage a eu lieu il y a plusieurs jours», a déclaré un responsable de la sécurité libyenne. Selon le Croissant-Rouge libyen, deux femmes et un bébé figurent parmi les corps retrouvés. Seules trois personnes ont été secourues et d’autres décès sont à craindre.

Le 17 décembre, 102 réfugiés se sont noyés lorsque leur bateau en bois a chaviré près de la ville portuaire de Surman, à l’ouest de Tripoli, a confirmé la porte-parole de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), Safa Msehli. 61 autres corps ont été retrouvés par les soi-disant garde-côtes libyens à bord d’un bateau au large de la côte, non loin de la ville de Sabratha, selon le coordinateur de l’OIM, Flavio di Giacomo, via Twitter.

Parallèlement à ces tragiques accidents de bateau, des navires appartenant à des organisations d’aide privées ont sauvé plus de 1.200 réfugiés en détresse dans cette zone maritime. Certains d’entre eux attendent toujours d’entrer dans un port italien. Alors que le Sea-Watch 4, avec 216 réfugiés secourus à bord, et le Geo Barents, avec près de 560 réfugiés, ont reçu l’autorisation d’entrer dans les ports de Pozzallo et Augusta en Sicile, l’Ocean Viking, avec 114 survivants, ne s’est pas encore vu attribuer de port.

Le Sea-Watch 3 a sauvé 446 personnes en détresse en mer en cinq missions pendant la période de Noël. Il a également besoin d’un poste d’amarrage d’urgence pour ramener les gens à terre et les approvisionner. De nombreuses personnes à bord de ces navires privés de sauvetage en mer sont déshydratées et souffrent de brûlures dues au mélange d’eau salée et d’essence qui s’accumule souvent dans les embarcations gonflables bondées utilisées pour cette dangereuse traversée.

Cette année, au moins 1.534 réfugiés se sont noyés sur la seule route de la Méditerranée centrale entre la Libye et l’Italie, soit 50 pour cent de plus que l’année précédente. En outre, selon les données de l’OIM, les prétendus garde-côtes libyens ont intercepté quelque 31.500 réfugiés en mer et les ont renvoyés en Libye: soit trois fois plus qu’en 2020, où «seulement» 11.900 réfugiés ont été contraints de retourner en Libye.

Des dizaines de réfugiés se sont noyés dans la mer Égée la semaine dernière. Ils se trouvaient sur de petites embarcations en provenance de Turquie et avaient probablement tenté de rejoindre la côte est de l’Italie.

Mercredi dernier, un bateau qui transportait jusqu’à 50 réfugiés a coulé près de l’île de Folegandros. Selon le ministère grec de la Marine marchande, les survivants ont déclaré que le bateau s’était rempli d’eau et avait coulé en quelques minutes après une panne de moteur. Seuls 13 réfugiés ont pu se sauver sur un canot pneumatique attaché au bateau. Au cours de l’opération de sauvetage qui a suivi, on a récupéré que les corps de trois réfugiés et aucun autre survivant n’a été trouvé.

Le porte-parole des garde-côtes grecs, Nikos Kokkalas, a déclaré que les chances de trouver d’autres survivants étaient extrêmement minces: «Nous craignons que la plupart d’entre eux n’aient tout simplement pas réussi à quitter le bateau en train de couler à temps et aient été entraînés avec lui». Parmi les 13 survivants qui avaient fui l’Irak, la Syrie et l’Égypte, on compte quatre adolescents et une femme.

À peine un jour plus tard, au moins 27 réfugiés ont péri dans deux autres naufrages dans les eaux grecques. Un bateau avec plus de 100 réfugiés à bord a heurté un récif près de l’île rocheuse d’Andikythira. Onze corps ont été repêchés dans la mer. Parmi les 90 survivants qui ont réussi à se sauver sur la petite île, il y avait 27 enfants et 11 femmes.

Quelques heures plus tard, un voilier a chaviré au large de l’île de Paros, dans les Cyclades, avec environ 90 réfugiés à bord. Les garde-côtes grecs ont repêché 16 corps en mer et ont réussi à sauver 63 réfugiés.

Le ministre grec de la Marine marchande, Giannis Plakiotakis, a imputé la responsabilité de ces naufrages tragiques aux passeurs qui organisaient les traversées. Selon Plakiotakis, ils sont «indifférents à la vie humaine et ils entassent des dizaines de personnes sans gilet de sauvetage dans des navires qui ne répondent pas aux normes de sécurité les plus élémentaires».

Sans aucun doute, les passeurs sont extrêmement peu scrupuleux, mais la responsabilité des plus de 20.000 réfugiés qui se sont noyés en Méditerranée depuis 2014 incombe à l’Union européenne et à ses politiques meurtrières en matière de réfugiés. La Forteresse Europe, avec ses mesures impitoyables prises à l’encontre des réfugiés, est la base du modèle économique des passeurs, et elle pousse les réfugiés désespérés à emprunter des routes toujours plus dangereuses et plus longues.

Les trois navires qui ont chaviré dans les eaux grecques empruntaient un itinéraire plutôt inhabituel. Jusqu’à présent, la plupart des réfugiés se dirigeaient vers les îles orientales de la mer Égée, telles que Lesbos, Samos ou Leros, en quittant la Turquie à bord de petits bateaux pneumatiques. Mais depuis que le gouvernement grec a mis en œuvre de manière toujours plus rigoureuse le sale accord de l’UE avec la Turquie sur les réfugiés, expulsant impitoyablement les réfugiés sans entendre leurs demandes d’asile ou forçant les bateaux pneumatiques des réfugiés à retourner vers la Turquie dans le cadre d’opérations illégales de «dissuasion», le nombre de réfugiés qui arrivent ici a chuté.

La militarisation de la frontière terrestre et maritime grecque oblige les réfugiés à emprunter d’autres routes. Cela augmente considérablement le risque de ne pas survivre à la traversée. Les îles de Folegandros, Paros et Antikythera, au large desquelles se sont produits les récents naufrages tragiques, se trouvent au nord de la Crète sur une route qui mène à la côte italienne. Ce parcours a déjà amené 11.000 réfugiés en Italie cette année. Toutefois, aucune information officielle n’existe sur le nombre de réfugiés qui ont perdu la vie au cours de cette traversée.

La porte-parole de l’Agence des Nations unies pour les réfugiés (HCR) à Athènes, Stella Nanou, a déclaré que les récents naufrages montrent clairement «que des personnes continuent de risquer leur vie en faisant des voyages désespérés à la recherche de sécurité. Si des routes légales et sûres existaient, ces réfugiés auraient le choix». Mais pour l’instant, a ajouté Nanou, ces personnes font «face au dilemme insoluble» de risquer leur vie dans leur lieu d’origine ou d’entreprendre un voyage périlleux.

Et l’UE continue de fermer ses frontières. Tout récemment, lors de la crise des réfugiés à la frontière entre la Pologne et la Biélorussie, elle a érodé le droit d’asile à tel point qu’il n’existe plus dans les faits. Contrairement à la Convention de Genève sur les réfugiés et à la Convention européenne des droits de l’homme, la Commission européenne autorise les États frontaliers de l’UE à détenir les demandeurs d’asile, les entasser dans des camps et à y mener une procédure d’asile abrégée sans garanties juridiques. Dans le même temps, les normes d’hébergement et la prise en charge des réfugiés sont mises à mal, les expulsions facilitées et les refoulements illégaux autorisés.

Comme dans le cas de la pandémie, les décès massifs en Méditerranée sont le résultat de politiques délibérées prises sur les piles de cadavres qui s’accumulent. Les pays européens riverains de la Méditerranée ont largement interrompu les missions de sauvetage en mer. Les réfugiés désespérés qui se retrouvent en détresse en mer et demandent de l’aide sont souvent dirigés vers la garde côtière libyenne formée par l’UE et hautement équipée. Cette dernière est essentiellement composée de milices dirigées par des seigneurs de guerre et est notoirement connue pour ses graves violations des droits de l’homme.

(Article paru en anglais le 30 décembre 2021)

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