La ministre allemande des Affaires étrangères Baerbock et le secrétaire d’État américain Blinken intensifient les menaces de guerre contre la Russie

Menaces de guerre contre la Russie et démonstrations d’amitié mutuelle ont marqué la visite inaugurale de la ministre allemande des Affaires étrangères Annalena Baerbock à Washington, le 5 janvier. C’était à qui, de la politicienne du Parti vert ou de son homologue américain Antony Blinken, lancerait le plus de menaces contre Moscou.

Le secrétaire d’État Antony Blinken s’exprime lors d’une conférence de presse avec la ministre allemande des Affaires étrangères Annalena Baerbock au département d’État, mercredi 5 janvier 2022, à Washington [Crédit: Mandel Ngan/Pool via AP].

«Le commerce russe porte une claire étiquette de prix», a averti Baerbock. Une violation de la souveraineté ukrainienne aurait de «graves conséquences» pour la Russie. La tension augmentait dans le monde entier, notamment à la frontière avec l’Ukraine. Il était donc «important que nous, Européens, travaillions ensemble avec nos amis américains». C’était maintenant l’occasion de renouveler l’amitié transatlantique.

Le «cher Tony» – comme Baerbock appelle son collègue américain – a menacé la Russie de sanctions économiques sévères en cas d’escalade militaire dans l’est de l’Ukraine. «Et ce n’est pas seulement la position des États-Unis et de l’Allemagne», a-t-il souligné. «C’est la position collective de nombreux pays, alliés et partenaires qui se sont unis.»

Moscou avait le choix de continuer à mener une politique agressive ou bien d’emprunter une voie diplomatique, a déclaré Blinken. Dans le premier cas, les conséquences devaient être rapides et «majeures». Le gazoduc controversé Nord Stream 2, qui est achevé mais pas encore approuvé, était un levier dans les mains des Européens. Il était difficile d’imaginer que, dans ce cas, le gaz circulerait dans le gazoduc.

Baerbock, qui s’était déjà prononcé contre la mise en service de Nord Stream 2 pendant la campagne électorale, lui a indirectement donné raison.

Par sa position agressive à l’égard de la Russie, Baerbock suit les traces du dernier ministre Vert des Affaires étrangères, Joschka Fischer, qui a occupé cette fonction de 1998 à 2005. À la conférence de Rambouillet Fischer avait, en étroite collaboration avec la secrétaire d’État américaine Madeleine Albright, fabriqué le prétexte de la guerre de l’OTAN contre la Serbie, un allié de la Russie.

Fischer et Albright s’appuyèrent en cela sur le dirigeant de l’UÇK et futur président du Kosovo Hashim Thaçi, impliqué alors dans le crime organisé et de graves crimes de guerre. Cela ne les a pas empêchés de présenter la guerre comme une campagne pour les droits de l’homme. Entre-temps     Thaçi a été inculpé de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité en lien avec la guerre au Tribunal pénal international de La Haye.

En 2014, les Verts et leur Fondation Heinrich Böll ont énergiquement attisé les manifestations du Maidan, qui ont servi de couverture pour renverser, avec l’aide des extrémistes de droite, le président ukrainien Viktor Ianoukovitch et pour le remplacer par un régime nationaliste et pro-occidental. Malgré le rôle central joué par les forces fascistes dans ce coup d’État, les Verts l’ont glorifié comme une révolution démocratique.

Depuis lors, l’OTAN utilise systématiquement le conflit en Ukraine pour faire pression sur la Russie et l’encercler davantage sur le plan militaire. L’OTAN accepte en cela consciemment le risque que l’Europe devienne le foyer d’une guerre qui anéantirait une grande partie de sa population.

Baerbock est entièrement dans la continuité de cette politique et la maquille de phrases creuses sur les «valeurs occidentales» et les «droits de l’homme». Déjà lors de sa nomination aux Affaires étrangères, elle avait annoncé qu’elle mènerait une «politique étrangère fondée sur des valeurs». Elle l’a encore une fois souligné à Washington.

L’Allemagne utiliserait cette année sa présidence du G7, le groupe des principales nations industrielles occidentales, pour «renforcer les démocraties», a annoncé Baerbock. L’Allemagne voulait montrer que le succès économique des États du G7 était lié à leurs gouvernements démocratiques et constitutionnels et à leur défense de règles équitables.

Cela coïncide avec la rhétorique du gouvernement Biden qui dépeint sa campagne contre la Russie et la Chine comme une lutte entre la démocratie et l’autocratie.

Le fait que Baerbock se soit rendu à Washington la veille du premier anniversaire de l’assaut du Capitole, le 6 janvier 2021, montre à quel point cette rhétorique est mensongère. La tentative du président américain Donald Trump de renverser l’élection par un coup d’État et d’instaurer une dictature personnaliste a échoué d’un cheveu et a dévoilé la pourriture de la démocratie américaine.

Rien de tout cela n’a changé sous Biden. Son gouvernement n’est ni désireux ni capable de s’opposer aux putschistes. Trump et les cerveaux de la conspiration dans l’appareil d’État, l’armée et le Parti républicain ne seront pas tenus pour responsables et on les laisse préparer librement le prochain coup d’État. La raison en est le caractère de classe du Parti démocrate qui, comme le gouvernement de la coalition «tricolore» en Allemagne, représente les intérêts de la bourse, des trusts et de la classe moyenne aisée. Comme il mène une guerre contre la classe ouvrière, il doit minimiser le danger de la dictature afin d’éviter une explosion sociale.

Le déclin de la démocratie américaine est également directement lié aux guerres criminelles que les États-Unis ont menées durant les 30 dernières années, avec le soutien de l’Allemagne et de l’Europe, et qui ont détruit et dévasté des sociétés entières en Irak, en Afghanistan, en Libye et en Syrie. L’escalade du conflit avec la Russie et surtout avec la Chine menace de plonger l’humanité dans une troisième guerre mondiale à laquelle elle ne survivra pas.

Les tensions entre les États-Unis, l’Allemagne et les autres puissances européennes ne cessent pourtant de croître, malgré toutes les manifestations d’amitié ayant marqué la visite de Baerbock. Comme déjà lors des deux Guerres mondiales, l’Allemagne considère l’Europe de l’Est et la Russie comme sa zone d’influence et d’expansion préférée, une source de main-d’œuvre bon marché et de matières premières, et un débouché pour ses investissements. Elle y voit donc les activités américaines avec défiance.

Il est connu que le chancelier Olaf Scholz et une bonne partie de la grande entreprise allemande tiennent à Nord Stream 2. Sans approvisionnement en gaz russe, l’Allemagne ne sera pas en mesure de répondre à ses besoins énergétiques dans les années à venir si elle abandonne l’énergie nucléaire et la production d’électricité à partir du charbon. Dans la coalition, le conflit sur Nord Stream 2 n’a jusque là été étouffé qu’à grand peine.

Les politiciens allemands et européens ont exprimé à maintes reprises la crainte que Biden et Poutine ne parviennent à un accord par-dessus la tête des Européens. La ministre allemande des Affaires étrangères elle aussi a publiquement averti Blinken à Washington qu’il ne pourrait y avoir «de décision sur la sécurité en Europe sans l’Europe.» La «participation des États européens concernés» était «centrale» dans les discussions à venir.

Blinken a bien assuré que ce ne serait pas le cas ; « lorsqu’il s’agit de questions de sécurité européenne, il n’y aura pas d’Europe sans Europe» a-t-il dit. Mais plusieurs séries de négociations concurrentes avec la Russie sont prévues ces jours-ci.

Une délégation franco-allemande de haut rang s’est déjà rendue à Moscou pour une réunion jeudi. Son objectif est d’essayer de relancer le format Normandie, dans lequel l’Allemagne, la France, la Russie et l’Ukraine négociaient sans les États-Unis. Une réunion spéciale en ligne des ministres des Affaires étrangères de l’OTAN a eu lieu vendredi. Aujourd’hui débutent à Genève les pourparlers bilatéraux entre la Russie et les États-Unis, dont Biden et Poutine ont convenu lors de leur sommet de l’été.

Le danger grandit de jour en jour que les tensions croissantes entre les grandes puissances ne conduisent à la guerre, comme déjà en 1914 et en 1939. Seul un mouvement socialiste indépendant de la classe ouvrière internationale peut arrêter les fauteurs de guerre.

(Article paru d’abord en anglais le 8 janvier 2022)

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