Avec le taux de mortalité lié à la COVID-19 le plus élevé au monde, le Pérou fait face à la troisième vague de la pandémie

Alors que la propagation du variant Omicron échappe à tout contrôle, la poursuite par le président Pedro Castillo de la politique propatronale menée par ses prédécesseurs expose le Pérou à une troisième vague dévastatrice de la pandémie de COVID-19.

File d’attente pour vaccinations et tests à une caserne militaire à Lima (Photo: ANDINA/ Vidal Tarqui)

Le Pérou a maintenant enregistré plus de 70.000 nouveaux cas en une seule semaine, dépassant les sommets atteints lors des première et deuxième vagues de la pandémie, qui ont fait plus de 200.000 victimes, infligeant à ce pays le taux de mortalité le plus élevé de tous les pays du monde.

Avec une population de 33,6 millions d’habitants, le Pérou enregistre en effet 2.358.685 cas et 203.019 décès. Cela représente 6030 décès par million d’habitants, par rapport à 2575 par million aux États-Unis, pays qui compte le plus grand nombre de décès en termes absolus.

En raison de ce bilan tragique, le Pérou est également le pays qui compte le plus grand nombre d’orphelins de la pandémie, soit près de 100.000 enfants.

Le vice-ministre péruvien de la Santé, Augusto Tarazona, a déclaré à RPP News qu’avec la propagation incontrôlée du virus, d’ici trois semaines, le pays sera confronté àquelque 150.000 nouveaux cas par semaine, ce qui «nous mettra dans une situation très difficile». Affirmant l’évidence, il ajoute: «Le fait d’avoir en quelques jours des centaines de milliers de cas aura certainement un impact négatif sur les services de santé.»

Au cours de la première quinzaine de décembre, le pays n’enregistrait que 12.000 nouveaux cas par semaine. «Ce n’est pas une courbe, c’est une ligne droite verticale qui va vers le haut», met en garde le responsable péruvien de la santé.

Le 19 décembre, le ministère péruvien de la Santé a annoncé qu’il avait détectéquatre cas d’Omicron dans le pays. Or ce variant représente désormais 82 % des nouvelles infections à Lima.

Si les premiers cas ont été détectés dans des quartiers bourgeois et de la classe moyenne supérieure tels que Miraflores, San Isidro et La Molina, ce qui indique qu’ils ont probablement pour origine des Péruviens voyageant à l’étranger, le variant s’est rapidement propagé dans les quartiers pauvres et ouvriers, y compris ceux peuplés de migrants de l’intérieur du pays, tels que San Martin de Porres et San Juan de Lurigancho, puis en province dans le reste du pays.

Le gouvernement du président Castillo adopte une stratégie de vaccination uniquement, sans mettre en œuvre de programme de recherche des contacts.

Le Pérou a l’un des taux de vaccination les plus élevés d’Amérique latine: 87 % pour les personnes de plus de 69 ans et 80 % pour l’ensemble de la population adulte avec deux doses. Cela est dû en partie à la vaccination obligatoire imposée par le gouvernement pour entrer sur les lieux de travail ou dans les espaces publics fermés, mais plus encore à la demande de vaccins de la part d’une population qui a subi le terrible tribut de la mort et de la maladie pendant les premières vagues de la pandémie.

Castillo, dont l’accession à la présidence en juillet dernier a été saluée par la pseudo-gauche comme une victoire de la classe ouvrière péruvienne et une renaissance de la «vague rose» latino-américaine, a catégoriquement rejeté tout confinement sérieux ou quelque mesure que ce soit qui porterait atteinte aux profits des sociétés minières transnationales et autres intérêts capitalistes, tant étrangers que nationaux.

Les restrictions qui ont été mises en place ne feront rien ou presque pour endiguer la montée des infections. Un couvre-feu nocturne a été étendu à Lima, Callao et 23 provinces déclarées en état d’«alerte élevée», de 23 h à 4 h, tandis que dans le reste du pays, il est en vigueur de 2 h à 4 h. Il a également limité l’occupation des espaces commerciaux à 40 % dans les zones considérées comme en état d’alerte élevée.

Essentiellement, le Pérou suit l’exemple des États-Unis et d’autres grands pays capitalistes en promouvant la politique consistant à «apprendre à vivre avec la COVID», c’est-à-dire à accepter des morts et la présence massive de la maladie indéfiniment.

La propagation du variant Omicron menace cependant le système de santé précaire du Pérou d’un effondrement imminent. À Lima, le taux d’occupation des lits en unités de soins intensifs atteignait les 75 % le 5 janvier. Dans le nord du pays, dans des régions comme Piura et La Libertad, ce taux dépasse les 80 et 90 %.

Carlos Lescano, président de la Société péruvienne de médecine intensive (Sopemi), a déclaré au quotidien El Comercio que le pays a besoin d’au moins 3500 lits de soins intensifs pour faire face à la prochaine vague de cas graves. Cela représente plus du double de ce qui est actuellement disponible. Il a averti que, comme lors des première et deuxième vagues, des patients mourraient par manque de traitement.

Même avec plus de lits, a-t-il ajouté, il y a un sérieux manque de personnel médical qualifié. Selon les normes de l’OMS, le Pérou devrait compter entre 2500 et 3200 spécialistes des soins intensifs. Aujourd’hui, il n’y en a que 750 dans le pays.

Le Dr Edén Galán-Rodas, ex-secrétaire du Collège médical du Pérou (CMP), a déclaré à El Comercio que le Pérou a besoin d’un total d’au moins 15.000 médecins supplémentaires pour soigner correctement sa population. Il a fait remarquer que le ministère de la Santé, sous l’administration Castillo, a récemment renouvelé jusqu’en avril seulement les contrats de 10.000 médecins qui avaient expiré le 31 décembre. «Les mêmes erreurs que lors des première et deuxième vagues sont ànouveau commises», a-t-il déclaré.

Selon le médecin, le gouvernement Castillo n’a pas réussi à fournir au personnel médical des équipements de protection individuelle adéquats, et encore moins à faire face à la profonde crise sous-jacente du système de santé péruvien.

Le gouvernement Castillo s’est rallié à la position consensuelle de tous les partis bourgeois et des médias selon laquelle aucune activité économique ne sera interrompue pour endiguer la propagation de la COVID-19 et que les écoles seront rouvertes en mars, quel que soit l’état de la pandémie.

La nouvelle crise de la COVID-19 a une fois de plus mis en évidence la contradiction entre les promesses populistes de Castillo de gouverner dans l’intérêt des masses appauvries du Pérou et ses déclarations d’allégeance aux intérêts de profit du capital étranger et national. Dans toutes les décisions politiques de son gouvernement relatives à la pandémie, ce sont ces derniers qui ont prévalu.

(Article paru en anglais le 11 janvier 2022)

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