L’Europe de l’Est dépasse le million de décès dus au coronavirus

Des personnes allument des bougies pour commémorer ceux qui sont morts de la COVID-19 alors que la Pologne a atteint le triste cap des 100.000 décès liés au coronavirus, à Varsovie, en Pologne, le mardi 11 janvier 2022. La commémoration dans le centre de la capitale polonaise était organisée par le parti d’opposition Plate-forme civique. (AP Photo/Czarek Sokolowski)

Juste avant la nouvelle année, le nombre de décès dus au coronavirus en Europe de l’Est a franchi la barre du million, selon les estimations de Reuters.

Bien que cette région, qui s’étend de la République tchèque à la Russie et à la Roumanie, n’abrite que 39 pour cent de la population européenne, elle compte 55 pour cent des 1,8 million de décès dus au coronavirus en Europe. Selon le site de statistiques Worldometer, 317.687 personnes ont succombé au virus rien qu’en Russie, 100.254 en Pologne, 97.554 en Ukraine, 59.070 en Roumanie, 40.016 en Hongrie et 36.683 en République tchèque (au 12 janvier).

La vague automnale d’infections du variant Delta a créé des conditions catastrophiques même dans des pays plus petits comme la République tchèque et la Hongrie, qui signalent des centaines de décès par jour. La Pologne a enregistré un nouveau record quotidien de 794 décès le 29 décembre. Comme dans tous les pays d’Europe de l’Est, le gouvernement polonais a assisté passivement à l’augmentation du nombre d’infections quotidiennes, qui est passé de quelques centaines pendant l’été à plus de 20.000 récemment.

Depuis novembre, la proportion de tests positifs en Pologne est d’environ 20 pour cent, ce qui laisse supposer une sous-déclaration massive de cas. Le nombre de décès augmente également rapidement, avec une moyenne d’environ 450 par semaine.

Les hospitalisations en Pologne ont atteint un plateau pour l’instant. Plus de 24.000 patients atteints de coronavirus ont été hospitalisés le 17 décembre. Environ 2.000 patients ont dû être placés sous respiration artificielle en raison de leur état critique. En conséquence, le système de soins de santé est au bord de l’effondrement. Selon le ministère de la Santé, le pays compte environ 31.900 lits COVID-19 et 2.900 respirateurs.

En Pologne, seulement 57 pour cent de la population est doublement vaccinée. Seuls 19 pour cent ont reçu une vaccination de rappel, qui est cruciale pour réduire considérablement le risque d’une évolution grave de la maladie. Comme la proportion de la population âgée de plus de 65 ans est de 18,7 pour cent, une grande partie de la population totale est exposée à un risque extrême.

Dans d’autres pays d’Europe de l’Est, la situation est tout aussi grave. Par exemple, le taux de vaccination dépasse à peine 40 pour cent en Roumanie, à peine plus de 30 pour cent en Ukraine et en Hongrie, et 46 pour cent en Russie. Avec 64 pour cent, la République tchèque a toujours l’un des taux de vaccination les plus élevés de la région, mais en raison de la politique officielle d’infection massive, elle a toujours l’un des taux de mortalité les plus élevés (3.398 décès par million d’habitants).

La mortalité massive en Europe de l’Est est une condamnation sans appel du système de profit capitaliste. La réintroduction du capitalisme par la bureaucratie stalinienne il y a 30 ans a donné lieu à une contre-révolution sociale sans précédent. L’oligarchie, recrutée parmi les anciens bureaucrates staliniens, a frappé les pays d’Europe de l’Est avec une «réforme» après l’autre dans l’intérêt des banques et des sociétés.

Le système de soins de santé a été dépouillé jusqu’à l’os. Les dépenses de santé en pourcentage du produit intérieur brut (PIB) dans tous les pays d’Europe de l’Est étaient inférieures à la moyenne de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) en 2019, et donc au niveau de la plupart des nations industrielles développées. Le nombre de lits d’hôpitaux pour 100.000 habitants est également inférieur à la moyenne.

Malgré ces conditions horribles, les gouvernements d’Europe de l’Est refusent de réagir en prenant les mesures nécessaires.

Le gouvernement polonais de droite dominé par le Parti PIS n’a renforcé les mesures que de manière minimale peu avant les vacances de Noël. Les taux d’occupation des restaurants, hôtels, cinémas, théâtres, installations sportives et institutions religieuses, par exemple, ont été réduits à 30 pour cent. Toutefois, les personnes vaccinées sont exemptées. Depuis cette semaine, tous les élèves ont repris les cours. Les jardins d’enfants et les entreprises sont également ouverts sans restrictions.

Le gouvernement tchèque nouvellement élu, dirigé par Petr Fiala, a également mis fin à l’état d’urgence peu avant la veille du Nouvel An. Comme dans de nombreux pays, les mesures restantes se limitent aux activités de loisirs et aux personnes non vaccinées. Les écoles et les entreprises sont ouvertes sans restriction.

La période de quarantaine a été ramenée à cinq jours afin que les bénéfices circulent malgré l’infection massive. Une politique dite «tester pour rester» a été introduite dans les écoles. Désormais, un test rapide positif n’envoie plus les enfants en quarantaine, mais seulement un test PCR positif.

Jusqu’à présent, seules quelques dizaines de cas du nouveau variant Omicron ont été officiellement détectés dans les pays d’Europe de l’Est. Mais le premier cas polonais officiel d’Omicron ayant été signalé dès le 16 décembre à Katowice, en Pologne, il est clair que le virus est beaucoup plus répandu qu’on ne le dit.

Les scientifiques lancent depuis longtemps un avertissement contre l’immense danger que représente la propagation d’Omicron. Les huit membres du groupe d’experts sur les coronavirus de l’Académie polonaise des sciences (Polska Akademia Nauk, PAN) ont déclaré le 21 décembre qu’Omicron était «une menace pour nous tous».

Les scientifiques soulignent qu’Omicron compromet la protection vaccinale et que seule une vaccination de rappel permet de réduire d’environ 75 pour cent le risque de maladie symptomatique. Dans le même temps, le variant est beaucoup plus contagieux, ce qui signifie que, même en supposant qu’Omicron soit «plus bénin», ce qui n’est nullement prouvé, le système de soins de santé sera saturé. En cas d’infections massives, non seulement le système de soins de santé mais aussi d’autres parties de l’infrastructure cruciale pourraient être paralysés.

«Même en supposant qu’Omicron soit moins pathogène que Delta, le nombre très élevé de cas entraînera une charge maximale pour le système de soins de santé, tant pour les hôpitaux que pour les établissements de soins primaires. On ne doit pas oublier qu’en Pologne, le nombre de médecins et d’infirmières par habitant est extrêmement faible, de loin le plus bas des pays de l’Union européenne. De nombreuses quarantaines peuvent paralyser non seulement le système de soins de santé, mais aussi d’autres infrastructures importantes pour le fonctionnement de la société: police, pompiers, gardes-frontières, armée, éducation, tribunaux, transports publics, énergie, etc.»

Les scientifiques préconisent un contrôle strict des règles de distanciation et de port du masque en public. Ils affirment également qu’un retour à des contacts sociaux réduits est nécessaire. La déclaration se termine par un appel urgent: «Nous devons traiter cette menace imminente le plus sérieusement du monde.»

Même Andrzej Horban, conseiller médical en chef du premier ministre polonais, plus connu pour avoir relativisé les dangers du coronavirus, l’a exprimé clairement. Dans une interview accordée au journal Rzeczpospolita, Horban a parlé d’un «tsunami de personnes infectées». Il a qualifié les discussions sur la vaccination obligatoire et le contrôle des passeports de vaccination de «plaisanterie» au vu des faits.

Environ 12 millions de Polonais ne sont pas vaccinés, et «toutes ces personnes» seraient «infectées par le nouveau variant», a-t-il déclaré. Parmi elles, «statistiquement, 5 à 10 pour cent iraient à l’hôpital». Donc on doit accueillir «environ un million de personnes». Et même si la vague s’étend «sur quelques mois», cela signifie que «nous pourrions avoir besoin de 50.000 à 60.000 lits COVID. Sans parler de comment nous allons trouver les médecins et le personnel médical nécessaires».

Avec des taux de vaccination faibles et des infections en hausse, a-t-il dit, «il n’y aura pas d’autre choix que de mettre en place un confinement strict.» Il est nécessaire de «revenir à la raison». «Le tsunami arrive, et il est de notre devoir d’en avertir tout le monde».

Les gouvernements d’Europe de l’Est savent très bien que leurs politiques de «profits avant les vies» créent un désastre toujours plus grand où des millions de personnes sont infectées et tuées. Pour arrêter la mortalité massive et endiguer la vague Omicron, toutes les entreprises non essentielles, les écoles et les jardins d’enfants doivent être fermés immédiatement. Cela nécessite l’intervention indépendante de la classe ouvrière sur un programme socialiste.

(Article paru en anglais le 13 janvier 2022)

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