Enseignants français, étudiants italiens mobilisés contre l’incurie sanitaire des États

Face à l’explosion des infections en Europe, un mouvement de masse internationale émerge contre des politiques officielles qui produisent un raz-de-marée d’infections dans les écoles. Alors qu’hier les enseignants en France étaient en grève contre la politique de Macron, les étudiants italiens organisation aujourd’hui une mobilisation nationale sur fond de large soutien pour l’éducation en distanciel. 

La grève française, organisée autour d’une déclaration syndicale pointant, «des paris risqués pour la santé» par l’État qui «allège les mesures de tests et d’isolement», a été massivement suivie. Selon les syndicats, 75 pour cent des enseignements dans le primaire et 62 pour cent dans le secondaire ont fait grève, mettant la moitié des établissements scolaires à l’arrêt. Beaucoup des autres ne fonctionnaient qu’à moitié.

Les forces de l’ordre ont violemment attaqué les lycéens qui ont entamé la manifestation dans plusieurs villes en bloquant leurs lycées le matin. A Paris, les flics ont attaqué les lycéens au taser devant le lycée Colbert, et nassé des lycéens devant le lycée Hélène Boucher. A Nantes, les flics ont blessé un lycéen en fonçant à travers une manifestation devant un lycée en voiture. 

Manifestation d’enseignants à Lille le 13 janvier 2022. (AP Photo/Michel Spingler) [AP Photo/Michel Spingler]

Les cortèges se sont lancés l’après-midi, après des assemblées générales dans plusieurs écoles sous l’égide des syndicats le matin. Les enseignants scandaient des slogans contre le ministre de l’Education Jean-Michel Blanquer et chanté des chansons du mouvement des «gilets jaunes» contre les inégalités sociales. De larges cortèges se sont regroupés à Marseille, Lyon, Lille, Toulouse, Bordeaux, Nice, Grenoble et dans d’autres villes, ainsi que dans la capitale.

A Paris, des candidats aux présidentielles ont essayé de se mettre à la tête du cortège. C’étaient la maire PS de Paris Anne Hidalgo, le député PCF Fabien Roussel, et le candidat Insoumis Jean-Luc Mélenchon. Ces partis n’ont organisé aucune opposition de gauche aux politiques d’infection de masse menées par Macron; les Insoumis ont même participé au lancement de mobilisations anti-vax cet été. Ils ont donc fait l’objet de nombreux commentaires hostiles de la foule.

«On s'en fout, nous, que vous vous pavaniez», a dit une manifestante à Hidalgo, alors qu’une autre disait à France Info: «Anne Hidalgo et le PS en général n'ont pas vraiment défendu l'Education nationale. Là, les enseignants et tout le monde de l'éducation est vraiment très en colère. … Anne Hidalgo, j'en ai rien à faire.»

Des manifestations se déroulent aussi aujourd’hui en Italie, alors que l’Union des étudiants (UDS), liée au stalinisme critique une «rentrée dangereuse» le 11 janvier en Italie. Au début de la semaine, des lycéens dans les régions de Campania, Ancona, Ascoli et en Sardaigne ont manifesté contre la rentrée. L’un d’eux a dit à ANSA: «On est tous d’accord que le distanciel nuit à la socialisation et à la coexistence des étudiants, mais le droit à la santé et à ne pas être infecté prime maintenant.»

Le coordinateur de l’UDS, Luca Redolfi a critiqué le gouvernement en annonçant la mobilisation: «Après presque deux ans de pandémie, l’impréparation des écoles est inacceptable. … Les transports et les salles de classe sont bondés, les écoles trop vétustes pour faire front, les tests ne sont souvent pas faits. Les masques FFP2 ne sont pas garantis, le traçage des contacts est cassé.»

Néanmoins, malgré le fait que les appels à l’éducation en distanciel sont très populaires, Redolfi s’est fait l’écho de la position du gouvernement, en déclarant: «La solution cependant ne peut être le distanciel, car on a démontré que le distanciel n’est un outil qu’à utiliser en urgence.»

Cet argument en faillite sembler oublier que la pandémie est en fait une urgence européenne et internationale très réelle.

Cette semaine a vu 2 millions d’infections en France, 1,2 millions en Italie, 1 millon au Royaume-Uni, et 7,7 millions de cas avec 20.899 décès à travers l’Europe. La contagion augmente d’environ 50 pou cent par semaine. L’Organisation mondiale de la santé a averti que les politiques officielles font que la moitié de la population attrapera le virus en 6 ou 8 semaines. La France et l’Italie ont 4 million et 2,2 millions de cas actifs, respectivement, soit 6 pour cent et 3,6 pour cent de leurs populations.

Ces conditions horribles provoquent des mobilisations à l’international, avec des manifestations d’enseignants à Chicago, San Francisco, New York et Boston et maintenant à travers l’Europe. Les luttes initiales démolissent la fiction médiatique selon laquelle les politiques d’infection massive sont largement soutenues. Des mesures permettant aux États de forcer des malades contagieux à reprendre le travail après une insuffisante période d’isolation de 7 jours, ou des étudiants à rester dans des salles de classes bondées et insalubres, provoquent une large colère.

Deux sondages le confirment. La semaine passée, 78 pour cent de 10.000 étudiants à la Sorbonne ont déclaré leur hostilité à la décision de l’université de les forcer à passer leurs examens en présentiel, rassemblés dans de grandes salles. Cette semaine, lors de la rentrée en Italie, le site Internet Skuola a organisé un sondage qui a trouvé que 69 pour cent des étudiants italiens préfèrent un enseignement en distanciel.

La question décisive est de savoir quelle perspective et quelle direction politiques permettront à ce mouvement international de stopper la pandémie et la subordination de la santé et de la vie au profit privé. Les politiques de mitigation aléatoires et les grèves d’un jour prônées par les syndicats ne vont pas stopper le virus, qui se transmet par les airs et réinfecte les vaccinés comme les rétablis. Ces actions ne changeront pas non plus l’avis de gouvernements déterminés à garder les jeunes à l’école pour que leurs parents puissent travailler à faire des profits pour les banques.

L’alternative est d’organiser des comités de base dans les écoles et lieux de travail à travers l’Europe et le monde, indépendamment des appareils syndicaux nationaux, pour mobiliser les travailleurs et les jeunes pour une lutte mondiale contre la pandémie. Il s’agit d’une lutte politique, mobilisant toute la puissance industrielle des travailleurs pour fermer les écoles et la production non-essentielle et imposer une politique scientifique de Zéro Covid.

Dans l’absence d’une telle perspective, l’élite dirigeante tentera d’utiliser les grèves en saute-mouton pour empêcher les travailleurs de déborder les syndicats, les endormir, et bloquer des actions alors que le temps presse pour sauver les vies. L’exemple le plus achevé vient des fractions des appareils syndicaux français souvent traitées de «radicales» dans les médias.

Hier soir, les syndicats français ont rencontré Blanquer et le ministre de la Santé Olivier Véran, à présent positif au virus, par visioconférence. Si Blanquer a promis davantage de masques FFP2, de tests et de remplaçants pour les profs malades, il a souligné son refus d’une politique visant à stopper la contagion en fermant les classes où apparaissent des cas de COVID-19.

Après la réunion, la dirigeante syndicale Sophie Vénétitay a indiqué que les syndicats n’exigent de Blanquer uniquement qu’il fasse de la meilleure communication pour ces politiques qu’il avait déjà annoncées. Elle a dit: «Il y a quelques signaux mais il nous faudra plus. Il faudra que les engagements pris ce soir soient tenus parce qu'on a été habitués à de grandes discussions sans lendemain. Il faudra que les discussions qui ont été annoncées aient lieu et surtout il faudra que sur la communication il y ait de réels changements.»

De même, la CGT a annoncé une mobilisation nationale d’ici deux semaines, le 27 janvier. D’ici là, pourtant, si rien n’est fait, il y aura des dizaines de milliers de morts supplémentaires et des dizaines de milliers d’infections supplémentaires de COVID-19 à travers l’Europe.

L’alternative est de relier les organisations indépendantes, de base de la classe ouvrière, de forger l’Alliance ouvrière internationale des Comités de base, et de mobiliser ls travailleurs en une lutte politique pour stopper la pandémie. Le Parti de l’égalité socialiste en appelle aux professeurs, étudiants et travailleurs qui voudraient bâtir et rejoindre de pareils comités de contacter le World Socialist Web Site.

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